Dans toute négociation, jouer sur les zones grises d’un contrat peut conférer un avantage certain. Et cela se vérifie également à l’échelle supranationale. Lors d’une réunion à La Haye, la semaine dernière, les 32 membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) se sont engagés à faire passer leurs budgets de défense à 5 % de leur PIB à l’horizon 2035, ce qui est loin d’être négligeable. Mais l’Italie, qui a plus d’un tour dans sa manche, va exploiter une faille du contrat passé.

Il faut se focaliser sur le détail de ces 5 %. 1,5 % des dépenses pourront en effet être consacrées à des « investissements dans le but de protéger les infrastructures critiques, les réseaux, à assurer la préparation du secteur civil et à renforcer la base industrielle de défense », est-il écrit sur le document signé. Une description pour le moins brumeuse, qui laisse aux pays le libre choix de leurs lieux d’investissements, y compris s’ils ne sont pas militaires.

Un coût de 13,5 milliards d’euros

Le voisin transalpin pourrait donc en profiter pour classer la construction du pont de Messine, un pont entre la Sicile et le reste du pays, comme une dépense militaire, explique Politico. L’île de la Méditerranée et le sud de la Botte ne sont séparés que de 3 kilomètres, et le projet de relier les deux zones ne date pas d’hier. La mise en service de l’ouvrage était prévue en 2012, mais le chantier a été renvoyé aux calendes grecques, y compris par la suite par le gouvernement de Silvio Berlusconi, faute de financements.À LIRE AUSSI « Merci Donald » : l’Europe quémande, Trump humilie
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En avril dernier, le gouvernement italien a publié un délibéré du conseil des ministres qui déclare que le pont, dont la travée centrale est estimée à 3,3 km, devait être construit pour des raisons impératives d’intérêt public majeur. Outre son utilisation civile, ce document précise que « le pont sur le détroit de Messine a également une importance stratégique pour la sécurité nationale et internationale, à tel point qu’il jouera un rôle clé dans la défense et la sécurité, facilitant le mouvement des forces armées italiennes et des alliés de l’Otan ».

Le pont « représente un avantage pour la mobilité militaire, permettant le transport rapide de véhicules lourds, de troupes et de ressources par route et par rail », a ajouté le gouvernement, qui demande que ce pont, d’un coût de 13,5 milliards d’euros, soit donc inclus dans le plan de financement de l’UE pour la mobilité du personnel, du matériel et des actifs militaires, car il « s’intégrerait parfaitement dans cette stratégie, en fournissant une infrastructure clé pour le transfert des forces de l’Otan de l’Europe du Nord vers la Méditerranée ».

« Ce bluff du gouvernement »

À ce jour, le détroit de Messine est en dehors du seul corridor de mobilité militaire désigné par l’Otan. Celui-ci part des ports des Pouilles, sur le talon de la Botte italienne, traverse l’Adriatique jusqu’en Albanie et se poursuit jusqu’en Macédoine du Nord et en Bulgarie. Aucune information n’est disponible quant à savoir s’il fait partie du réseau de mobilité militaire de l’Union européenne.Si le gouvernement de Giorgia Meloni, y compris son ministre des Infrastructures et des Transports, Matteo Salvini, fait pression pour accélérer le processus, les partis d’opposition sont en désaccord avec la nécessité de construire le pont et sa classification comme dépense militaire. « C’est une moquerie envers les citoyens et envers les engagements pris auprès de l’Otan. Je doute que ce bluff du gouvernement soit accepté », a ainsi déclaré Giuseppe Antoci, député européen issu du Mouvement 5 étoiles.

D’autres arguent que la priorité, dans deux des régions les plus pauvres d’Italie, serait d’investir dans les rues et les voies ferrées locales. Matteo Salvini a déclaré que l’autorisation du pont serait attendue en juillet. Et il pourrait être nommé d’après l’ancien chef du gouvernement, Silvio Berlusconi.

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