A priori, le lieu n’invite pas à la promenade. Et pourtant. En quelques mois, le parking de la nouvelle école de Leudelange a changé de visage. Situé rue du Lavoir, il est devenu le théâtre d’un projet artistique unique.

Derrière cette initiative, on retrouve Victor Tricar, un artiste-peintre français installé au Grand-Duché depuis huit ans et membre du collectif Hariko. «J’ai contacté la commune de Leudelange, il y a un an, en leur proposant de réaliser une fresque dans le passage qui mène du parking à l’école, ainsi que de peindre quatre piliers», explique l’artiste, qui fait également partie de la commission culturelle de la commune.

L’artiste a réalisé une immense fresque dans le passage qui mène du parking à l’école. © PHOTO: Chris Karaba

Après avoir soumis ses croquis à l’administration, le peintre se lance dans la réalisation de ses œuvres. «Une fois la fresque et les quatre poteaux terminés, la commune m’a finalement donné carte blanche pour décorer l’ensemble des 27 piliers, car c’était un peu triste de voir le reste du parking rester gris.»

Des respirations colorées

L’artiste ne s’est pas fait prier. Muni de ses pinceaux et de ses pots d’acrylique, il a transformé chaque poteau en une véritable œuvre d’art, le parking se muant en une forêt de piliers. «Mon idée était d’amener de la joie et des respirations colorées, un peu de bonheur et de bonne humeur pour rendre ce lieu un peu plus rigolo pour les enfants et leurs familles.»

La vraie place de l’art, c’est partout où on ne l’attend pas et c’est surtout là que l’on en a besoin.

Victor Tricar

artiste-peintre

Pendant des semaines, Victor Tricar n’a pas compté ses heures passées dans cet espace souterrain de Leudelange. «Si je commence assez tôt le matin et que je reste à travailler jusqu’à minuit ou une heure du matin, je réussis à réaliser un pilier en une journée», explique l’artiste.

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Ce quotidien le confronte forcément aux réactions immédiates des usagers du parking, qui sont principalement des jeunes écoliers accompagnés de leurs parents. «Les gamins viennent me voir quand je peins, me posent des questions, il se passe toujours quelque chose», se réjouit le peintre.

Rendre l’art accessible

Dans ses œuvres souterraines, l’artiste a insufflé un grand mélange d’inspirations puisées dans ses nombreux voyages. Couleurs tropicales et motifs tribaux s’entremêlent, tout droit venus de la culture océanique. «En tant qu’artiste qui a beaucoup voyagé, je suis une véritable éponge émotionnelle. J’ai ramené toutes ces couleurs de mes voyages, notamment en Amérique centrale, pour les déverser sur ces murs», résume Victor Tricar.

L’artiste ne compte pas ses heures pour ce projet unique © PHOTO: Chris Karaba

Et c’est là toute l’essence de ce projet: rendre l’art accessible au plus grand nombre. «La vraie place de l’art, c’est partout où on ne l’attend pas et c’est surtout là que l’on en a besoin. C’est pour cette raison que le street art rencontre un certain succès, car il répond à une nécessité. Ce n’est pas qu’un phénomène de mode, le street art fait du bien», avance l’artiste.

Des toiles aux murs

Si son art s’inscrit désormais dans cette dimension de partage, Victor Tricar n’a pourtant pas toujours peint sur les murs. «Moi aussi, avant, je courais derrière les galeries pour exposer mes tableaux.» Mais cette vision élitiste de l’art a peu à peu quitté l’esprit du peintre lorsqu’il s’est mis à peindre sur des surfaces de plus en plus grandes.

«À la base, je peignais dans mon atelier, sur des toiles. Et un jour j’ai commencé à peindre sur une bâche et depuis j’ai eu l’envie de réaliser des œuvres de plus en plus imposantes», détaille l’artiste. De cette époque, le peintre a conservé la technique. À l’inverse d’autres street artistes, Victor Tricar ne peint pas à la bombe. «Je réalise toutes mes œuvres à l’acrylique, à l’aide de pinceaux et de mes doigts.»

Les usagers conquis

Sa première fresque souterraine, l’artiste l’a réalisé en 2024, au niveau -3 du parking de la Cloche d’Or. Après Leudelange, il aimerait poursuivre l’aventure. «J’aimerais investir les parkings du Luxembourg, apporter des couleurs dans ces lieux qui en manquent et qui sont écrasants à tous les niveaux. Mon objectif est d’imprégner positivement le paysage urbain pour faire du bien aux passants.»

Les usagers du parking de la rue du Lavoir sont d’ores et déjà conquis, à l’image de Fred Robino, chef cuisinier de la Maison Relais. «Ce projet est sensationnel. On a l’habitude des parkings un peu glauques, mais là, les peintures vont vivre le lieu et donnent envie de s’y promener. Tous les jours on découvre quelque chose de nouveau, un détail, une couleur», s’enthousiasme le cuisinier.

Sur les 27 piliers, quatre attendent encore leur ornement coloré. Victor Tricar estime qu’il sera venu à bout de ce projet à la fin du mois de juillet. En septembre, le parking et l’école auront droit à leur cérémonie d’inauguration. Le travail de l’artiste pourra ainsi profiter au plus grand nombre. «Et ensuite, si des voitures rayent les fresques au fil des années qui passent, tant pis! Ce sera la vie de l’œuvre.»