En outre, quelle est la réalité de la défense collective de tous les alliés ? Quel est le degré de protection offert réellement à la population belge ? Quelle est la validité de l’article 5 du Traité de l’Atlantique nord ? Que vaut cet engagement, aux yeux d’un président américain dont les déclarations ne cessent de jeter le doute sur la valeur de l’article 5 ?
L’Otan est morte et les dirigeants européens sont dans le déni
Certes, nous perdrions quelques investissements d’infrastructures et quelques milliers d’emplois liés à la gestion des quartiers généraux de l’Otan et du Shape. Mais cela représenterait un manque à gagner de tout au plus 300 millions d’euros annuels. Tandis que la contrainte imposée par l’Otan de consacrer 5 % du PIB belge pour la Défense représente une charge financière supplémentaire de plusieurs milliards d’euros (entre 24 et 32 milliards €, chaque année) sur le dos des contribuables (particuliers et entreprises) avec, en prime, la destruction significative de pans entiers de notre sécurité sociale (pensions, chômage, soins de santé…).
Sublime localisation
Certains clament que “seule, sans alliés en Europe et dans l’Otan, la Belgique ne serait pas en capacité de protéger sa population”. Eh bien, rappelons-leur que l’Autriche et la Suisse, deux pays européens non-membres de l’Otan, ne se posent pas les mêmes questions existentielles.
L’appartenance à l’Otan ne nous protège pas beaucoup plus que ne le fait déjà notre sublime localisation, mais par contre elle nous oblige à participer indirectement voire directement à toute guerre que déciderait l’Otan, comme elle le fait actuellement, en contradiction avec ses statuts, en Ukraine.
Notre Royaume ne joue qu’un petit rôle actif dans la coordination des opérations et des exercices conjoints, ce qui lui confère une petite voix (à peine audible) dans les grandes orientations stratégiques de l’Alliance.
En fait, notre très chère carte de membre de l’Otan (dont la cotisation s’élèvera désormais à 5 % du PIB, alors que notre pays est déjà surendetté et la population surtaxée), nous donnera le droit de dépenser davantage dans toute guerre que pourra nous imposer l’Otan. Et pour cela, le gouvernement est prêt à sacrifier des pans entiers de notre modèle social, le dernier ciment de la population belge.
Que feront les pensionnés, les chômeurs, les handicapés, les malades, les sans-emploi si on les appauvrit davantage ? Ils n’auront plus grand-chose à perdre et manifesteront leur colère, rejoints probablement par les classes laborieuses qui elles aussi se retrouveront dans des difficultés accrues.
Coût croissant
Le coût croissant de la défense belge via l’Otan est tout à fait disproportionné par rapport aux avantages obtenus. L’augmentation massive des dépenses (environ 6 000 € par ménage chaque année) ne sera pas compensée par des avantages stratégiques et politiques : sur le plan international, le statut de la Belgique au sein de l’Otan et sa capacité d’influence resteront “riquiqui” puisque nous sommes un pays lilliputien doté d’une armée sympathique mais minuscule.
Notre Royaume ne joue qu’un petit rôle actif dans la coordination des opérations et des exercices conjoints, ce qui lui confère une petite voix (à peine audible) dans les grandes orientations stratégiques de l’Alliance. La Belgique a-t-elle pour autant une meilleure position diplomatique et militaire sur la scène internationale, que la Suisse ou l’Autriche ?
Les retombées économiques sont tout au plus incertaines. Les études montrent que l’impact économique d’une telle hausse des dépenses est limité pour un petit pays comme la Belgique, surtout si les achats sont réalisés à l’étranger (notamment aux États-Unis pour l’armement, notamment les F-35). Les secteurs non liés à la défense, comme l’éducation ou l’énergie, offrent souvent de meilleurs retours économiques.
Pour notre petit Royaume, la balance entre solidarité collective et soutenabilité budgétaire est de plus en plus difficile à tenir. En outre, l’Otan n’a pas besoin de la Belgique étant donné le renforcement substantiel des armées allemande et polonaise et l’adhésion de deux nouveaux membres, la Suède et la Finlande, hautement stratégique tant ils sont bien situés géographiquement.
Risque d’instabilité
En résumé, l’augmentation rapide et massive des dépenses de défense, sans hausse parallèle des recettes, présente un risque élevé d’instabilité politique et sociale en Belgique, en raison de la pression sur la dette, des coupes dans les programmes sociaux, et de la fragilité du contexte politique actuel.
La Belgique est gouvernée par une coalition fragile, déjà marquée par des tensions régionales entre la Flandre et la Wallonie. Une hausse rapide des dépenses de défense à 5 % du PIB représenterait un changement majeur de priorités nationales, risquant de provoquer des désaccords internes sur l’allocation des ressources et la protection des programmes sociaux.
Non, l’Europe n’a pas vécu 75 ans aux crochets des États-Unis dans l’Otan
Les dépenses sociales belges représentent 29 % du PIB et constituent un pilier du consensus national. Rediriger une part significative du budget vers la défense nécessiterait probablement de réduire ces prestations, ce qui pourrait éroder le soutien public et provoquer des protestations ou des troubles sociaux, en particulier parmi les groupes dépendant de ces services.
Différences régionales
Porter les dépenses de défense à 5 % du PIB entraînerait une augmentation substantielle de la dette publique (déjà 104,7 % du PIB en 2024, avec une projection à près de 119 % en 2029), ce qui compliquerait la gestion budgétaire et pourrait accentuer les divergences politiques sur la manière de financer cet effort.
En effet, les deux grandes régions du pays ne bénéficient pas de la même manière des dépenses de défense : la répartition géographique des industries liées à la défense, des bases militaires et des emplois pourrait favoriser une région au détriment de l’autre. Si une région estime qu’elle porte une charge disproportionnée ou que ses priorités sociales (santé, éducation) sont sacrifiées, cela peut renforcer le ressentiment régional.