Taxes douanières de 39% –
Selon Trump, la Suisse «vole» 40 milliards aux États-Unis. Vraiment?
Pour le président américain, le déficit commercial entre notre pays et le sien constitue un manque à gagner intolérable. Décryptage.

Selon le président américain, Donald Trump, la Suisse «vole» les États-Unis en enregistrant un excédent commercial plus important que Washington.
KEYSTONE
La douleur de la gifle est encore vive, trois jours après la décision américaine de taxer l’industrie suisse à 39%. Un taux parmi les plus élevés au monde, qui devrait entrer en force dès le 7 août 2025. L’annonce, tombée tel un couperet, est arrivée la veille de la fête nationale, alors que le Conseil fédéral semblait plutôt optimiste quant à l’issue des négociations avec Washington.
La raison de ce nouveau revirement du président Donald Trump? Un important excédent commercial qui lui reste en travers de la gorge, a expliqué la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter vendredi 1er août sur la plaine du Grütli: «Selon l’interprétation de Donald Trump, notre pays fait perdre près de 40 milliards aux États-Unis. C’est absurde. Il a l’impression que la Suisse vole cet argent.» De quoi parle-t-on?
Des taxes en guise de sanction
Si l’Allemagne a longtemps été le premier partenaire commercial de la Suisse, ce sont les États-Unis qui occupent cette place sur le podium depuis 2021. En 2024, les exportations vers les États-Unis ont atteint plus de 65 milliards de francs (sur un total de 393,8 milliards de francs), contre un peu moins de 46 milliards pour le partenaire allemand. À noter que plus de la moitié des exportations suisses vers les États-Unis concernent les produits chimiques et pharmaceutiques.
Quant aux États-Unis, leurs exportations vers la Suisse se montent à 26,6 milliards. Le différentiel annuel se monte à près de 40 milliards (38,7 milliards). C’est ce «déficit» en défaveur de Washington – ces liquidités qui échappent au pays – qui crispe Donald Trump et serait la cause de l’augmentation inattendue des droits de douane pour la Suisse.
L’interprétation du président républicain a suscité de nombreuses protestations courroucées en Suisse: «Les droits de douane américains à l’égard de la Suisse sont injustifiés», dénonce EconomieSuisse, précisant que «la Suisse n’entrave pas les importations de produits américains, ni par des droits de douane, ni par d’autres barrières à l’importation». Et de rappeler que la Suisse «est le sixième investisseur étranger aux États-Unis, où les entreprises suisses sont à l’origine d’environ 400’000 emplois».
«Injustifié» voire «irrationnel», lance également Samuel Bendahan, économiste et coprésident du groupe socialiste aux Chambres fédérales. «Il n’y a aucun intérêt à forcer une balance commerciale à zéro entre partenaires. Tout l’intérêt du commerce international est justement de pouvoir profiter des compétences et spécialisations des autres nations.» Il apparaît donc logique à l’économiste qu’un pays présente une balance commerciale négative avec un pays A et positive avec un pays B.
«Renoncer aux importations relève du protectionnisme, poursuit le conseiller national vaudois. Cette politique peut se défendre s’il s’agit de protéger une industrie déjà en place. Mais cela devient irrationnel, si c’est pour fabriquer moins bien et avec des coûts de production plus élevés.»
Une balance presque à l’équilibre
Autre élément qui n’est pas pris en compte dans le différentiel des 40 milliards: le montant lié au commerce des services (informatiques, financiers, …). «La balance commerciale entre la Suisse et les États-Unis est relativement équilibrée, indique ainsi le Secrétariat d’État à l’économie (SECO). Les États-Unis affichent un surplus dans les exportations de services et la Suisse, dans les exportations de marchandises.» Et de souligner: «L’excédent dans le commerce des marchandises est largement dû aux exportations de l’industrie pharmaceutique et au commerce de l’or.»
«A contrario, les GAFA – Google, Apple, Microsoft et Amazon – dominent le marché mondial, ajoute Samuel Bendahan. Ces entreprises technologiques américaines offrent des services tels que la recherche en ligne, le consulting, la publicité, le data center, etc.»
Faut-il le marteler une nouvelle fois auprès du locataire de la Maison-Blanche? Lui montrer les chiffres? Tous les chiffres? Et sera-t-il finalement réceptif? Le Conseil fédéral joue gros. En cas d’un nouvel échec, le professeur d’économie Hans Gersbach met d’ores et déjà en garde contre les conséquences.
Si les droits de douane à 39% sont appliqués, l’expert prévoit une augmentation massive du chômage partiel ainsi que des suppressions d’emplois. Un avenir d’autant plus sombre si Donald Trump décide au final de pénaliser également la pharma suisse. Cela pourrait entraîner, selon ses calculs, une «forte baisse» du produit intérieur brut d’au moins 0,7%.
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