Soumis à différentes conditions d’humidité du sol et l’air, les pins du bois de Finges (VS) dévoilent aux scientifiques leurs stratégies de résistance à la sécheresse, mais trahissent aussi les limites de leur adaptation au réchauffement climatique. Leur dépérissement semble irrémédiable alors que les jeunes chênes assurent la relève.

“Depuis quelques années, les pins sylvestres sont en train de dépérir en Suisse et sur les Alpes”, explique dans le 19h30 Charlotte Grossiord, chercheuse au laboratoire d’écologie végétale de l’EPFL. En parallèle, c’est l’essence du chêne qui prend sa place.

Dans le bois de Finges (VS), un des lieux les plus chaud et sec de Suisse, les chercheurs ont observé que lors du processus de régénération des sols, les jeunes plants qui sortent du sol, à défaut d’être des pins, sont des pousses de chênes.

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Pour les régions qui subissent les effets du réchauffement climatique, qui dépasse déjà 2,9°C par rapport aux moyennes préindustrielles, cela permet d’anticiper quels sont les arbres qui les peupleront.

“Ce sera plutôt des feuillus qui auront des racines profondes, et qui souvent auront de petites feuilles. Elles permettent à l’arbre de perdre moins d’eau et d’avoir un bois extrêmement résistant à de fortes tensions hydrauliques”, détaille Charlotte Grossiord.

Les effets du réchauffement

Pour distinguer indépendamment les effets de la sécheresse du sol et de l’air ambiant, des chercheurs ont installé l’an dernier des grands brumisateurs le long de plusieurs individus. Les premiers résultats montrent qu’avec la sécheresse de l’air, “les arbres vont utiliser de l’eau beaucoup plus tôt dans la saison et en plus grosses quantités, ce qui va amener un dessèchement du sol beaucoup plus rapide », explique Charlotte Grossiord.

C’est comme un verre d’eau: placé à température identique dans le désert ou dans une forêt tropicale, il s’évaporera plus vite dans l’air sec du premier, image son collègue Giovanni Bortolami, chercheur en écophysiologie végétale.

Les comparaisons effectuées grâce aux brumisateurs ont également apporté une information plus surprenante, relève Charlotte Grossiord. Les individus exposés à la brumisation n’ont pas mieux résisté que leurs congénères, car ceux-ci “vont mettre des valves de sécurité en place beaucoup plus rapidement avec cette sécheresse de l’atmosphère, ce qui permet en fait de ralentir ce processus de dépérissement”.

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L’avenir du chêne semble tout tracé en Suisse, parmi d’autres essences. L’importance d’étudier la résistance des arbres au réchauffement climatique est aussi d’aider à favoriser la croissance de forêt prospères, capables de protéger les écosystèmes et les infrastructures humaines, mais aussi de stocker du CO2.

“Pour qu’une forêt soit un puits de carbone, il faut des arbres en bonne santé. Souvent, il faut une forte biodiversité. On sait que la biodiversité, cela augmente un grand nombre de fonctions écosystémiques, y compris la capacité de stocker du carbone”, conclut Charlotte Grossiord.

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Ces recherches permettront ainsi de mieux évaluer l’efficacité des puits de carbone, mieux prédire l’évolution des concentrations de CO2 dans l’atmosphère pour modéliser plus précisément l’amplitude du réchauffement climatique.

Sujet TV: Pascal Jeannerat

Adaptation web: Raphaël Dubois avec AFP