On fait la lumière sur cette croisade belge contre le piratage des livres électroniques (ebooks) et la violation des droits d’auteur.

Cinq bibliothèques en ligne populaires pointées du doigt

Le 10 juillet 2025, sept acteurs (ASBL, coopératives, une société civile) qui défendent les intérêts des auteurs et des éditeurs déposent une requête unilatérale au tribunal de l’entreprise de Bruxelles.

La cible de leurs griefs, cinq sites web et leurs clones qui permettent de télécharger illégalement des livres digitaux : Library Genesis, Z-Library, Oceanofpdf, Open Library, Anna’s Archive.

En marge de la distribution légale des ouvrages tombés dans le domaine public, ces cinq sites distillent des milliers de fichiers sans l’autorisation des auteurs et des éditeurs. L’accès à ces bibliothèques est généralement gratuit. Certaines réclament un paiement mineur ou acceptent les dons.

Bref, c’est un dossier de violation des droits d’auteur et les sept acteurs demandent au tribunal de prendre des mesures à cinq niveaux à l’heure de restreindre autant que possible l’accès à ces cinq sites en Belgique : les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), la publicité en ligne, les moteurs de recherche, les hébergeurs et gestionnaires de noms de domaine, les prestataires de paiement.

Une astreinte de 500 000 € comme épée de Damoclès

Dans l’ensemble, l’ordonnance du 16 juillet 2025 du tribunal de l’entreprise de Bruxelles embrasse le point de vue et les demandes du groupe des sept.

Inauguré le 1er juin 2024, le Service de lutte contre les atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins commises en ligne et contre l’exploitation illégale de jeux de hasard en ligne (service “anti-piracy” en version courte) est mandaté pour faire appliquer les mesures prescrites.

Quinze fournisseurs à Internet (FAI), dont Proximus, Orange, VOO, Telenet et Starlink, doivent bloquer l’accès à 48 sites web d’ici le 14 août 2025.

Le 6 août 2025 est la date de début de l’ordre de blocage et s’ils ne prennent pas les mesures nécessaires, les FAI seront soumis à une astreinte immédiate et unique de 500 000 € à partir du sixième jour ouvrable suivant le délai d’exécution.

La Belgique, le cancre de la lutte contre l’IPTV illégale : des résultats dérisoires, la fausse menace d’amendes recordsDes astreintes supplémentaires de 25 000 € par jour

Dans leurs moteurs de recherche respectifs, Google et Microsoft sont dans l’obligation de rayer les 48 sites incriminés des résultats affichés en Belgique. Les prestataires de paiement comme Paypal et Alipay ne peuvent plus accepter des paiements belges au profit des sites bannis.

En complément de l’astreinte “one-shot” de 500 000 €, ces sociétés sont également sous la menace d’une astreinte supplémentaire de 25 000 € par jour.

D’autres mesures complètent l’arsenal.

Les parties adverses absentes de la procédure

Précision importante, l’ordonnance est valable un an seulement et les requérants disposent de six mois pour engager une procédure de fond. Le tribunal de l’entreprise de Bruxelles a délivré une ordonnance sur requête, une décision provisoire censée répondre à l’urgence d’une situation.

Cette procédure fait volontairement l’impasse sur les parties adverses. Dans le cas présent, les parties adverses, les responsables des cinq sites principaux et de leurs clones, ont été considérées comme impossible à identifier.

Un uppercut à une émanation de la légende Internet Archive

Ce point précis a hérissé le poil de nombre de sites web spécialisés, qui ont considéré que “La Belgique censure Internet Archive” en essayant de couper les ailes de Open Library.

Internet Archive est une organisation à but non lucratif dont la mission est d’archiver le web dans son ensemble et dans sa diversité. Elle a noué de bonnes relations avec le congrès américain, ce qui lui permet par exemple d’archiver les jeux vidéo sans déclencher de polémique.

Tubercule d’Internet Archive, Open Library est sensiblement différent des autres sites sanctionnés, dans ce sens où sa bibliothèque en ligne applique généralement le bon vieux principe du prêt. Vous disposez de 14 jours pour lire le fichier en ligne et vous seul pouvez le consulter pendant cette période.

Les sites pointés du doigt par l’ordonnance sont en mesure de contester les mesures de blocage. Assez étrangement, le site principal et les clones de Open Library sont pour l’instant absents de la liste noire dressée par le service “anti-piracy” du SPF Économie.

Des astreintes spectaculaires, des contournements aisés

Si les montants des astreintes sont spectaculaires (500 000 €, 25 000 €), elles ne visent pas ceux qui sont directement responsables de la présence en ligne de ces milliers de fichiers illicites, ceux qui ignorent les droits dus aux auteurs et aux éditeurs.

Pire, contourner ces mesures de blocage et de réduction de la visibilité ne sera pas bien compliqué