
via Associated Press
Vladimir Poutine au Kremlin, le 10 mars 2022, quelques jours après le début de l’invasion russe de l’Ukraine par ses troupes.
INTERNATIONAL – La fin de l’isolationnisme ? Le sommet organisé ce vendredi 15 août sur une base militaire en Alaska entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue américain pourrait marquer un tournant dans les négociations pour mettre fin à la guerre en Ukraine et mettre fin à une ostracisation en vigueur depuis 2022.
1 266 jours après le début du conflit lancé par Moscou, les deux chefs d’États se réunissent sur le sol américain pour évoquer en tête-à-tête l’avenir de l’Ukraine. Dans ces conditions, difficile de savoir sur quel type d’accord débouchera leur rencontre. Mais une chose est sûre, la Russie peut difficilement en ressortir affaiblie.
Isolé sur la scène internationale depuis le lancement de sa fameuse « opération militaire spéciale » et bardé de sanctions économique, Moscou a senti la pression s’amoindrir depuis le retour de Donald Trump au pouvoir. Et Vladimir Poutine dispose désormais d’une tribune inédite pour convaincre le président américain d’aller dans son sens. De quoi provoquer de vives inquiétudes du côté du grand absent de ce rendez-vous : Volodymyr Zelensky. Ce dernier voyant dans la venue du chef du Kremlin en Alaska une « victoire personnelle » qui brise son « isolement ».
Nouveau rapport de force
Ce sommet signe surtout une victoire symbolique pour Vladimir Poutine, qui ne s’est plus rendu sur le sol américain depuis 2007, exception faite d’une visite aux Nations Unies en 2015. Après le mur dressé par Joe Biden et l’UE autour de la Russie pour en faire une nation paria, les choses ont pris une tout autre tournure depuis le second mandat de Donald Trump. Ce dernier étant bien plus enclin à critiquer et remettre en place le chef d’État ukrainien quand ses prises de position ne vont pas dans son sens, comme le rappelle la terrible séquence entre Trump, Zelensky et Vance dans le Bureau ovale en février dernier. Quitte à ne pas le convier à une réunion d’une telle importance.
La Russie se présente donc en position de force, bien aidée par sa progression et ses récentes victoires sur le front qui lui permettent de se montrer peu disposée à des concessions nécessaires pour un accord de paix. Et cela se voit dans le narratif russe, qui tente de créer un « récit » selon lequel « la Russie avance et l’Ukraine perd » aux yeux des Américains, comme le regrettait Volodymyr Zelensky juste avant le sommet.
Et dans le rapport de force avec Donald Trump, Vladimir Poutine continue de mener subtilement la barque. Que ce soit en proposant lui-même cette rencontre : « Le président (américain) accepte cette rencontre à la demande du président Poutine », a rappelé à plusieurs reprises la porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt. Ou en forçant Washington à faire évoluer son propre narratif autour de ce sommet. Au départ, Donald Trump affirmait vouloir négocier des « échanges de territoires » entre la Russie et l’Ukraine. Avant de changer de discours à l’approche de la réunion, désormais présentée comme un simple « exercice d’écoute » où il espère pouvoir « mieux comprendre comment mettre fin à cette guerre ». On est loin des fameuses « 24 heures » nécessaires pour mettre fin à la guerre en Ukraine.
Des attentes revues à la baisse
Le basculement en faveur de la Russie s’illustre aussi par l’inquiétude criante des Européens, laissés sur le côté et réduits à l’obtention d’une réunion en visioconférence avec Donald Trump en présence de Zelensky mercredi 13 août. Où ils ont quand même eu l’assurance que « la volonté américaine est d’obtenir un cessez-le-feu à l’occasion de cette réunion » et que « les questions territoriales qui relèvent de l’Ukraine ne seront négociées que par le président ukrainien », a affirmé Emmanuel Macron.
Mais en réalité, « en Alaska, l’UE n’aura pas son mot à dire. C’est après, une fois le cadre posé, qu’elle pourra jouer un rôle. En attendant, ils doivent constater leur impuissance », analyse pour Le Parisien Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po.
Le Washington Post rapporte toutefois que les attentes autour de ce sommet sont nettement revues à la baisse du côté européen. Justement à cause du statut renforcé de Poutine, qui risque de ne pas facilement s’accorder avec Trump. Le locataire de la Maison Blanche en est d’ailleurs bien conscient et se dit prêt à quitter la table rapidement. « Je peux partir et dire “bonne chance” et ce sera la fin », reconnaissait-il volontiers à quelques jours de ce rendez-vous sur la base militaire d’Anchorage.