L’ASBL qui se bat pour la préservation du patrimoine dans toute la Belgique argumente en soulignant que le ministre aurait pu agir d’une autre façon. “Malgré une série d’avis défavorables de l’Awap, du SPW Territoire, du Collège communal et de la CCATM (NdlR : Commission communale d’Aménagement du territoire), le ministre a octroyé en août 2024 un permis de démolition. Cette décision s’apparente à un passage en force sur l’ensemble de l’administration. Au cœur du dossier se trouve le rapport technique du bureau TRIÈDRE (NdlR : sur lequel se serait appuyé le ministre), rédigé en 2019 et finalisé en 2021, soit quatre ans avant la demande de permis. Ce rapport est jugé obsolète, lacunaire et entaché d’un conflit d’intérêts manifeste puisque le même bureau est également maître d’œuvre du projet neuf. Il omet des informations essentielles et reconnaît lui-même la faisabilité d’une réhabilitation tout en concluant à la démolition. L’utilisation de ce document constitue une fausse déclaration permettant de présenter le projet comme inévitable et d’obtenir ou de maintenir des crédits européens auxquels il n’était pas éligible”.
Pour l’ASBL, c’est d’autant plus problématique qu’un collectif d’experts qui s’était penché sur ce dossier avait lui aussi émis un avis favorable à une rénovation plutôt qu’à la destruction de l’édifice. “Ils confirment unanimement que la chapelle n’était pas en péril, que des solutions proportionnées de restauration existaient et qu’une réhabilitation aurait généré quatre à cinq fois moins d’émissions de CO₂ qu’une reconstruction neuve”.
François Desquesnes défend le prêt aux villes wallonnes: “N’importe quel ménage ou entreprise doit comprendre qu’on ne peut pas vivre à crédit”Non-respect des obligations européennes
Pour pouvoir bénéficier d’un financement européen, le projet doit répondre à des critères stricts en matière écologique, climatique et de durabilité. “Ce cadre impose, avant toute opération de démolition-reconstruction, de démontrer l’impossibilité d’une rénovation, de présenter un projet réellement durable et écologique, d’établir une analyse de cycle de vie (ACV), de rédiger une fiche DNSH (NdlR : a pour objectif d’éviter les activités économiques, investissements et réformes qui causent un préjudice important à l’environnement) et de prévoir un plan de réemploi des matériaux. Or aucune de ces pièces n’a été fournie”, ajoute encore Virgil Declercq.
Selon l’ASBL, le projet tel qu’il existe ne respecte donc pas les obligations imposées par l’Europe. En effet, les matériaux annoncés pour le nouveau bâtiment reposent essentiellement “sur du béton et des isolants d’origine pétrolière, dans une approche rappelant les standards des années 1980. Aucun matériau issu de filières belges n’est prévu et la durée de vie estimée du nouvel ensemble est inférieure à cinquante ans, ce qui contredit frontalement les objectifs de robustesse, de neutralité carbone et d’économie circulaire qui fondent le financement européen.”
Les piles de paperasse pour une demande de permis d’urbanisme en Wallonie, c’est bientôt finiUne députée fédérale dans le viseur de l’ASBL
Aux yeux de Communauté Historia, cet argent européen a été utilisé pour justifier et réaliser la démolition d’un édifice en bon état, “reconnu et repris dans le patrimoine monumental de Belgique, alors qu’une réhabilitation était techniquement possible et écologiquement préférable”.
Enfin, pour notre interlocuteur, la destruction de ce bâtiment qui fait partie de l’Institut Saint-Joseph est aussi liée à une autre personnalité des Engagés. En effet, l’ancienne directrice de l’école n’est autre qu’Aurore Tourneur, qui est désormais chef de groupe Les Engagés à la Chambre. Pour l’ASBL, cette décision du ministre vise “à soutenir le projet d’une ancienne directrice de l’école, Aurore Tourneur”.
Le ministre nie tout passage en force
La Libre a contacté François Desquesnes qui répond qu’il a “suivi la proposition de la décision de l’administration”. “Ma décision a été prise après l’étude complète du dossier, et tenant compte de l’avis favorable de la commune de La Louvière”. Il faut préciser que la Ville de La Louvière avait d’abord émis, en 2023, un avis défavorable. En 2024, changement de décision puisque la Ville émet alors un avis favorable assorti de toute une série de conditions. Quant à l’administration, les trois services du SPW qui ont été consultés ont remis un avis favorable (dont un par défaut, le service n’ayant pas répondu). Seule l’Awap (Agence wallonne du patrimoine) a remis un avis défavorable. Le fonctionnaire délégué de la région wallonne en province du Hainaut avait lui aussi remis un avis défavorable.
L’ASBL Communauté Historia souhaite “l’ouverture d’une enquête pénale, la transmission du dossier à l’OLAF (NdlR : Office européen de lutte antifraude), à la Cour des comptes et à la Commission européenne ainsi que la suspension immédiate des financements PRR tant que la lumière n’est pas faite sur l’ensemble de l’affaire”.
TEC: Desquesnes veut rééquilibrer les tarifs entre les tranches d’âge