Comme les sanctions américaines, les mesures européennes veulent frapper Moscou au portefeuille en ciblant, en particulier les revenus que la Russie tire de la vente d’énergies fossiles, limitant ainsi la capacité de la Russie à financer sa guerre d’agression de l’Ukraine. Les Européens s’engagent ainsi à interdire les importations de gaz naturel liquéfié russe (GNL) dans l’Union à partir du 1er janvier 2027 pour les contrats à long terme, dans un délai de six mois pour les contrats à court terme. L’UE renforce encore les interdictions de transactions avec les deux géants pétroliers détenus par l’État russe – Rosneft et Gazpromneft. Visée par les Américains, Lukoil, compagnie privée est en revanche épargnée par les Européens, entre autres parce que la Bulgarie et la Roumanie accueillent des raffineries de Lukoil, et la Belgique de nombreuses stations-service. “Nous devons encore trouver un moyen de nous désengager”, admet une source européenne.
La liste des vaisseaux de la flotte fantôme qui transportent du pétrole russe, non grata dans l’UE, est étendue à 117 vaisseaux. Ce qui porte à 558 le nombre de navires sanctionnés entre autres par des interdictions d’accès aux ports européen, de transfert de cargaison et de réassurance.
La Belgique mise sous pression
Si les Vingt-sept ont approuvé le 19e paquet de sanctions, il était encore incertain, à l’heure de boucler cette édition, que les leaders européens parviendraient à trouver un accord politique sur l’utilisation des avoirs de la Banque centrale russe immobilisés dans l’UE, au bénéfice de l’Ukraine. L’idée, lancée par la Commission et défendue par plusieurs pays, dont l’Allemagne, est de créer un mécanisme qui permettrait d’utiliser 140 milliards des 185 milliards d’euros bloqués sur les comptes de la société Euroclear, basée à Bruxelles. L’argent servirait à répondre aux besoins financiers urgents de l’Ukraine et à armer Kiev.
Comme il l’avait fait au sommet informel de Copenhague, le 1er octobre, le Premier ministre Bart De Wever a cependant rappelé avant le début de la réunion du Conseil européen les préventions de la Belgique, qui serait très exposée aux représailles juridiques et financières de Moscou si le plan était mis à exécution.
L’Anversois a posé trois conditions à un fiat belge. Il veut qu’on lui présente une base juridique solide qui assure qu’il ne s’agit pas d’une confiscation pure et simple des avoirs russes, contraire au droit international. Il insiste sur la mutualisation des risques si l’argent devait être remboursé – la somme équivaut à plus de 20 % du PIB belge. Il réclame la participation des autres pays de l’UE voire du G7 qui ont aussi des actifs russes gelés. Si ces conditions ne seront pas remplies “je ferai tout ce que je peux, au niveau politique et juridique, aux plans européen et national, pour empêcher cette décision”, a averti BDW.
Si mes trois demandes sont rencontrées, nous pourrons aller de l’avant. Sice n’est pas le cas, je ferai tout ce que je peux, au niveau politique et juridique, sur le plan national et européen pour empêcher cette décision
La Belgique, qui a très peu apprécié d’être pressée de la sorte sans avoir reçu les explications demandées au début du mois, a refusé, un premier texte de compromis. Finalement, les leaders européens se sont entendus sur un texte de conclusion qui souligne “l’engagement du Conseil européen à répondre aux besoins financiers de l’Ukraine pour 2026-2027, en ce compris pour ses efforts militaires et de défense”.
À cette fin, les chefs des Vingt-sept prient “la Commission de présenter, dès que possibles, des options de soutiens financiers” et le Conseil (des ministres de l’UE) de poursuivre le travail exploratoire. Il n’est plus question de mention claire de l’utilisation des avoirs russes immobilisés, comme c’était le cas dans le projet de conclusions de la réunion. Le sujet sera remis sur la table lors du sommet européen de décembre.
“De Wever veut garder la possibilité d’utiliser son véto aussi longtemps qu’il le peut, mais je m’attends à ce que les Belges montent à bord à un moment ou à un autre”, glisse une source d’un pays favorable au plan. Mais il se dit également que certaines capitales se posent aussi des questions sur l’usage des actifs russes, notamment quant aux garanties financières à apporter au cas où il faudrait rembourser Moscou, et s’abritent derrière la position de la Belgique.