Fin de la valeur locative –

Les propriétaires pourraient être tentés d’augmenter les loyers

Quartier des Iles à Yverdon, avec maisons individuelles et immeubles locatifs, voitures garées au premier plan.

L’abolition de la valeur locative pourrait également toucher les locataires.

VQH

En bref:L’abolition de la valeur locative pourrait avoir un effet négatif sur les loyers.Les propriétaires privés de logements loués ne pourront plus forcément déduire toutes leurs dettes. Ils pourraient être tentés d’augmenter les loyers en compensation.Autre option pour les propriétaires: vendre. Les acteurs institutionnels renforceraient alors leur position sur le marché locatif, avec à la clé de possibles hausses de loyer.

L’abolition de la valeur locative peut-elle entraîner une hausse des loyers? La question a été quelque peu occultée jusqu’ici. Mais elle vaut clairement la peine d’être posée. À première vue, on pourrait être tenté de répondre par la négative. Comme la valeur locative est supprimée, devenir propriétaire devient encore plus attractif. «Les personnes hésitant entre louer et acheter seront plus tentées par la seconde option, pointe Corinne Dubois, experte économiste chez Wüest Partner. La demande pourrait ainsi se déplacer légèrement du locatif à la propriété. Et cela aurait un effet de détente sur les loyers.»

Faibles économies pour les futurs propriétaires

Les experts ne sont toutefois pas unanimes. «En théorie, cette analyse est correcte, note Roland Bron, directeur pour la Suisse romande de VermögensZentrum (VZ). Mais la réalité pourrait être quelque peu différente, surtout lors d’hypothèques élevées. Les économies potentielles seraient faibles. Prenons un appartement d’un million avec une hypothèque de 800’000 francs. Le propriétaire doit actuellement payer entre 2000 et 3000 francs d’impôts supplémentaires par an à cause de la valeur locative. Je ne suis pas sûr que cette somme soit décisive pour un achat.»

Thomas Veraguth, expert économiste chez UBS, est encore plus catégorique. «L’accès à la propriété est extrêmement difficile. Et le restera. Les primo-accédants pourront certes déduire 10’000 francs d’intérêts la première année d’acquisition, mais ce montant se réduira au fil des années. Et même 10’000 francs restent relativement peu en regard des biens disponibles. On ne trouve rien à moins d’un million à moins de s’éloigner des centres urbains. Par ailleurs, le taux de vacance des logements loués est quasi nul. La libération de quelques appartements ne changerait pas grand-chose.»

Déduction fiscale moins élevée

Un élément de la réforme pourrait en revanche contribuer à une hausse des loyers. Et là, les trois experts le concèdent. C’est le fait que les propriétaires privés de logements loués ne pourront à l’avenir plus forcément déduire toutes leurs dettes liées à ces biens. On parle ici de propriétaires qui disposent d’une fortune diversifiée. Ceux-là ne pourront déduire leurs dettes qu’au prorata de leur fortune. Plus leur argent sera investi dans des actions ou un bien propre, moins ils pourront déduire. Voici trois exemples pour mieux comprendre le mécanisme.

M. Rochat a un logement qu’il habite lui-même. Il ne pourra déduire aucun intérêt. M. Bonvin a un immeuble loué. Il pourra déduire toutes ses dettes. Mme Favre a une maison propre d’une valeur d’un million, trois appartements d’une valeur de deux millions et deux millions de francs investis dans un portefeuille varié. Sa fortune totale s’élève à 5 millions, dont deux millions investis dans des biens loués. Elle ne pourra déduire que deux cinquièmes, soit 40%, de sa dette hypothécaire. Si elle avait seulement sa maison et ses appartements loués, elle pourrait en revanche déduire deux tiers de sa dette.

Pourquoi le législateur n’a-t-il pas autorisé les propriétaires privés à déduire la totalité de leurs dettes liées à des biens loués? Car ils auraient alors pu transférer leurs dettes de leur logement propre à leurs appartements loués. Avec le nouveau système, certains d’entre eux pourront cependant moins déduire leurs dettes sur ces objets loués. Ils verront leurs impôts augmenter et la rentabilité de ces logements baisser.

Pour limiter la casse, seront-ils tentés d’augmenter les loyers? «On ne peut pas entièrement l’exclure, reconnaît Corinne Dubois. Les augmentations de loyer sont toutefois strictement réglementées. Il faut pouvoir les justifier, en raison par exemple de l’inflation, d’une hausse du taux de référence ou de travaux de rénovation.»

Hausses des loyers plus fréquentes

Thomas Veraguth voit également une tendance de fond se profiler en ce sens. «On ne va pas assister à un changement radical. Mais certains propriétaires, qui par le passé n’auraient pas augmenté leurs loyers, le feront dès la première occasion.» Un phénomène qui devrait prendre de l’ampleur en cas de hausse des taux hypothécaires. «Si un propriétaire voit sa dette hypothécaire doubler, il va clairement tenter de rentabiliser au maximum ses biens immobiliers en augmentant les loyers ou alors il les vendra.»

Roland Bron ne croit pas à une revente massive des immeubles de location détenus par des privés. «Un bien loué doit rapporter environ 4% net par an. Même s’il ne rapporte que 3,5%, le propriétaire va probablement le garder, car il n’a pas d’autres solutions aussi rentables. Les propriétaires qui investissent dans la pierre ne sont souvent pas très intéressés par les actions, généralement plus rentables. Ils pourraient en revanche tenter d’augmenter les loyers s’ils le peuvent.»

Pour Thomas Veraguth, les ventes d’immeubles locatifs dépendront de la situation globale. «Je ne vois pas de scénario catastrophe s’esquisser. Le contexte général n’est toutefois pas favorable aux petits propriétaires. Les législations sont toujours plus complexes et il faut souvent s’entourer d’experts onéreux pour s’y retrouver. La tentation de se débarrasser de ses logements loués pourrait s’accentuer, s’ils deviennent moins rentables. La concentration des logements loués en main d’acteurs institutionnels, comme les caisses de pension ou les gérances, pourrait alors se renforcer.»

En 2024, 43% des logements loués étaient détenus par des propriétaires privés et 36% par des sociétés anonymes, à savoir des fonds de placement, des banques, des assurances, etc., d’après les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique. Cinq ans plus tôt, les premiers détenaient près de 50% des logements loués et les seconds seulement 31%.

Cette concentration est-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle pour les locataires? La question est encore ouverte. «De manière générale, les sociétés anonymes privées ont tendance à remettre à neuf les appartements et augmenter les loyers dans la foulée, note Thomas Veraguth. Pas les institutions publiques.» Il n’existe toutefois aucune étude détaillée sur le sujet.

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