Le président américain Donald Trump a annoncé jeudi l’interruption des négociations commerciales avec le Canada en raison d’une campagne publicitaire menée par le gouvernement de l’Ontario contre les droits de douane .

«Le Canada a triché et s’est fait prendre !», a écrit Donald Trump en majuscules sur sa plateforme de médias sociaux, Truth Social, vendredi matin.

Il a affirmé que les publicités, qui diffusent des extraits de l’ancien président Ronald Reagan mettant en garde contre les risques du protectionnisme, «tentent d’influencer illégalement» la Cour suprême des États-Unis avant les audiences sur la politique tarifaire du président.

M. Trump a annoncé samedi son intention de relever de 10 % les droits douaniers contre les Canada.

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a déclaré vendredi après-midi qu’il suspendrait la campagne publicitaire, mais seulement après sa diffusion pendant les deux premiers matchs de la Série mondiale, touchant ainsi un large public américain.

«On ne pourrait pas faire plus tragiquement comique. Si c’était un sitcom, on rirait, a déclaré Preetika Joshi, professeure adjointe à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Mais ce n’est pas un sitcom.»

 

À première vue, les entreprises canadiennes ont semblé ignorer cette nouvelle explosion. Le principal indice boursier canadien a progressé vendredi d’un demi-point de pourcentage. La Chambre de commerce du Canada a appelé au calme. La présidente et cheffe de la direction, Candace Laing, a insisté sur la nécessité de voir comment la situation évolue à «long terme».

Les marchés ont peu prêté attention aux tensions commerciales ces derniers mois. Après une chute spectaculaire en avril, les indices de référence au Canada et aux États-Unis ont atteint des sommets records.

Mais, même si les investisseurs et les entreprises sont de moins en moins sensibles à l’hystérie de la Maison-Blanche, l’instabilité qu’elle alimente a accentué l’angoisse et la frustration qui montaient parmi les entreprises au cours de la dernière année.

Les prévisions des entreprises restent modérées malgré une amélioration progressive du sentiment, a indiqué la Banque du Canada cette semaine dans son enquête trimestrielle sur les perspectives des entreprises.

«Personne ne sait ce qui se passera dans une semaine, a souligné la professeure Joshi. Cela crée de la spéculation et beaucoup d’incertitude. Et nous savons que l’incertitude entraîne des retards d’investissements importants chez les entreprises.» 

Mme Joshi a mentionné en exemple les échéanciers pluriannuels sur lesquels les grands constructeurs, comme les constructeurs automobiles et les aciéries, fondent leurs plans, avec des objectifs allant des dépenses d’investissement aux prix et à l’approvisionnement plus difficiles à cerner.

Jeudi n’était pas la première fois que le président suspendait brusquement les négociations commerciales. En juin, il avait interrompu les négociations concernant un projet de taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires d’entreprises technologiques comme Google et Amazon, ce qui avait incité le premier ministre Mark Carney à abroger cette taxe sur les services numériques.

Le caractère erratique des déclarations commerciales de Donald Trump a appris aux Canadiens à prendre ses propos avec des pincettes, notamment en cas d’échec des négociations.

Se préparer à l’impact

«Son insinuation selon laquelle le traité est résilié fait partie intégrante de son genre de théâtralité et d’hyperbole», a affirmé Mahmood Nanji, chercheur en politique à l’Ivey Business School de l’Université Western.

«La réaction du gouvernement Trump n’est pas une surprise (…) Il saisit toutes les occasions pour obtenir un avantage dans les négociations.» Néanmoins, les secteurs et les régions qui subissent des droits de douane élevés sur les industries de l’automobile, de l’acier, de l’aluminium et du bois d’œuvre restent particulièrement attentifs aux négociations transfrontalières, a-t-il déclaré.

Les montagnes russes de la politique commerciale américaine ont fluctué, ont tourné en rond et ont connu des hauts et des bas, depuis le jour où Donald Trump a pris ses fonctions et signé un décret imposant des taxes d’importation de 25 % sur tous les produits.

Cette menace a été retardée, puis imposée, puis contournée par une exemption pour les marchandises conformes à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, l’accord de libre-échange conclu sous le premier mandat du président et qui couvre la grande majorité des échanges commerciaux entre les trois pays.

 

Mais depuis, des droits de douane élevés ont frappé les constructeurs automobiles, les producteurs de métaux et les entreprises de bois d’œuvre.

Quel que soit l’endroit où les droits de douane seront appliqués, les Canadiens doivent se préparer à la fin du libre-échange généralisé à travers la plus longue frontière du monde.

«La transition ne sera pas facile, a averti M. Nanji. Nous allons traverser une période très difficile et turbulente dans les prochains mois, non seulement à l’échelle mondiale, mais surtout avec notre partenaire américain. Et cela aura des répercussions sur tout le pays.»