Nation-cadre de l’Alliance atlantique dans ce pays du flanc Est de l’Europe, la France déploie depuis 2022 près de 1 500 militaires en Roumanie, un bataillon formé également de contingents espagnol, belge et luxembourgeois qu’elle doit rapidement pouvoir porter au niveau brigade, soit 5 000 militaires, en cas de crise. La ministre des Armées et des Anciens combattants s’est rendue en Roumanie les 30 et 31 octobre pour échanger avec son homologue roumain.
1 300 militaires de la 7e brigade blindée
Dacian Fall (20 octobre – 13 novembre) a pour objectif de démontrer à l’Otan – et incidemment à la Russie – cette capacité à monter rapidement en puissance, comme devront pouvoir le faire chacune des nations-cadres dans les huit pays du flanc oriental de l’Alliance.
Pour convoyer en Roumanie les renforts français (1 300 militaires de la 7e brigade blindée et leurs chars Leclerc, leurs blindés VBCI, canons Caesar et engins du génie pour franchir les cours d’eau, huit hélicoptères), tous les modes de transport ont été mis à contribution. Un cargo roulier a transporté tout le matériel du détachement logistique, le « GT Dragon », jusqu’au port grec d’Alexandroupoli. Celui-ci a ensuite pris la route en 12 convois qui ont traversé la Grèce, la Bulgarie et la Roumanie pour arriver sur le plateau de Transylvanie, au pied des Carpates, détaille le lieutenant-colonel Alexis, numéro deux du « GT Dragon ». L’armée française prohibe, sauf exceptions, la divulgation du patronyme de ses militaires.

Les militaires ont mis plusieurs mois pour arriver sur le plateau de Transylvanie, au pied des Carpates et acheminer le matériel.
DANIEL MIHAILESCU / AFP
Deux mois pour le déploiement
Les blindés et autres matériels ont eux été acheminés par 11 trains, les soldats par cinq avions de transport militaires. Pourtant, si l’objectif est de se déployer rapidement en cas de conflit, « pour tous les moyens qui transitent il y a des délais de déclaration assez importants, si bien qu’on a dû figer l’état de la force à déployer fin août pour un exercice qui commence fin octobre », explique le lieutenant-colonel Alexis. Chaque plaque d’immatriculation de véhicule doit être précisée dans la documentation, de même que les noms des personnels dans le convoi, qui doit constamment être escorté par la police locale. Une procédure répétée pour chaque passage de frontière.

Un soldat français lors d’un exercice sur la base logistique de Cartisoara en Roumanie.
DANIEL MIHAILESCU / AFP
« On est confronté à des contraintes de temps de paix, que l’on peut comprendre », philosophe le général Maxime Do Tran, commandant la 7e brigade blindée. Des mécanismes de l’Otan existent pour « baisser les barrières administratives et douanières » en cas de conflit, assure le lieutenant-colonel Alexis. Ces procédures se compteraient alors en « quelques semaines ».
Vers un « Schengen militaire » ?
Mais la libre circulation des équipements à travers un « Shengen militaire » n’existe pas encore, alors que pour les pays en première ligne, la réactivité des alliés éloignés de la ligne de front est clé. L’identification des infrastructures (ponts, routes, voies ferrés) adaptées au passage de lourds et volumineux équipements, délaissée après la fin de la Guerre froide, est en revanche elle « bien meilleure qu’avant », selon le lieutenant-colonel Alexis.
Pour faire sauter les verrous, la solution réside dans l’instauration de « corridors de mobilité » par lesquels les itinéraires sont clairement identifiés, les procédures administratives allégées. Les Pays-Bas, l’Allemagne et la Pologne sont en train d’en établir un depuis les ports de la mer du Nord jusqu’à la frontière bélarusse. « L’harmonisation est en cours mais ça prend du temps », se désole le lieutenant-colonel Alexis.
Brigade « bonne de guerre »
L’Union européenne prévoit d’adopter d’ici la fin de l’année un « paquet sur la mobilité militaire » avec un « objectif de cinq jours, voire trois jours ouvrés » pour obtenir d’un pays de transit l’autorisation de passage, selon le général Fabrice Feola, commandant le Centre de soutien des opérations et des acheminements (CSOA). Pour le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill, Dacian Fall permet également de valider le concept de brigade « bonne de guerre », c’est-à-dire équipée de toutes ses munitions et pièces de rechange, déployable en 10 jours, avant de faire de même au niveau division (soit 3 brigades et ses appuis) en 30 jours en 2027.