Jusqu’au 23 novembre, la biennale « De mains de maîtres » transforme la ville de Luxembourg en une vitrine pour les savoir-faire nationaux et ceux du pays invité de cette édition, la Tchéquie.
Du 20 au 23 novembre, la ville de Luxembourg accueille la 5e édition de la biennale « De mains de maîtres », vouée à célébrer les artisans d’art installés au Grand-Duché. Au côté de créateurs tchèques, pays à l’honneur cette année, ils ont été invités à décliner leur savoir-faire autour du thème « Nature singulière ». Les plus de 200 créations sélectionnées se dévoilent au sein du 19 Liberté, un palais du début du XXe siècle, mais aussi à travers un parcours hors-les-murs réunissant neuf lieux de la capitale.
Un temple des métiers d’art
Autrefois emblème de la puissance sidérurgique du Luxembourg, aujourd’hui banque nationale, le 19 Liberté se convertit pour quelques jours en un temple des métiers d’art. Au cœur de la capitale, ce palais, inauguré au début du XXe siècle, voit ses salons décorés de boiseries et de moulures investis par des artisans luxembourgeois, ou venus s’établir au sein du Grand-Duché. Une belle diversité de savoir-faire qui décline, souvent de manière ludique, le thème de cette édition : « Nature singulière ».

L’ancien fumoir du palais du 19 Liberté, où sont exposées des créations textiles de la biennale « De mains de maîtres » © Photo : Agnès Renoult
Symboliser la diversité du vivant
L’imitation de la nature demeure, dans les arts, un moyen incontournable de lui rendre hommage. En témoignent les créations présentées : entre les mains de Doris Becker, le grès se mue en d’épais troncs craquelés ; les porcelaines minutieusement façonnées par la créatrice indienne Megha Goenka forment un luxuriant paysage sous-marin ; plus loin, Marie-France Philipps a façonné et peint 42 carpes koï, toutes différentes, afin de symboliser la diversité du vivant. Outre la céramique, d’autres matières se prêtent au jeu du mimétisme. L’artiste verrière Monique Wolter a moulé, à partir de feuilles de saule, une centaine de feuilles en verre, arrangées en forme de nid. Louise Aimard a utilisé la technique du crochet de Lunéville pour donner à un drap de laine l’apparence d’un morceau d’écorce, dont elle a rendu la rugosité à l’aide de matières chinées : perles, paillettes, sequins…

Marie-France Philipps, Koï carré, 2025, porcelaine, 180 x 180 cm. Photo : © Connaissance des Arts / Hortense Albisson
L’attention à la nature dans les métiers d’art se traduit également par l’upcycling, auquel a eu recours Louise Aimard pour trouver ses matériaux. Charlotte Payet, qui a été récompensée du prix de l’artisanat d’art 2025 (créé en 2024 au Luxembourg, en lien avec la Biennale), récupère quant à elle des bouteilles en PET, qu’elle découpe et tisse en structures tridimensionnelles, soutenues par une structure d’acier, pour former d’impressionnantes sculptures. Du papier journal recyclé constitue la matière première de Laure Mackel, qui présente des vases ornementés de feuille et de fleur, le tout en papier-mâché.

Laure Mackel, La dentelle en floraison (vase 1), 2025, papier-mâché, 67 x 45 cm © Mathilde Magne
Un bouquet de fleurs fantômes
La flore est la source même des matériaux utilisés par plusieurs créateurs comme Malou Tibor, qui plonge des fleurs fanées dans de la porcelaine liquide, avant qu’elles ne soient brûlées lors de la cuisson pour ne laisser que leur empreinte, constituant un bouquet de fleurs fantômes. Les couturières Anne Bauler & Denis Schumann utilise également l’impression végétale de feuilles et fleurs sur des tissus naturels (lin, soie, coton, laine) pour créer des vêtements uniques. Enfin, les tableaux textiles de l’artiste teinturière Maggy Backes rappellent les pouvoirs colorants des plantes, à l’image de ce camaïeu de rouge obtenu grâce à la racine de garance.

Malou Tibor, Where have all the Flowers gone, 2025, porcelaine, 31 x 24 cm. Photo : © Connaissance des Arts / Hortense Albisson
Les savoir-faire tchèques, aujourd’hui
Après la France, l’Allemagne, la Belgique et le Portugal, la Tchéquie est invitée à présenter les artisanats qui font sa réputation, au premier rang desquels figurent ceux du verre et du cristal. Les pièces sélectionnées sont l’œuvre d’artistes contemporains ayant appris à en maîtriser les différentes techniques, pour mieux se les approprier.

Lucie Svitorková, Linea, 2022, verre moulé, 45 x 15 x 22 cm. Photo : © Frantisek Nikl niklfrantisek
Ainsi, les vases du studio Dechem, soufflés dans des moules en bois, puis chauffés jusqu’à ce qu’ils commencent à s’effondrer sur eux-mêmes ; les masques de Martin Janechy, célèbre pour ses sculptures façonnées depuis l’intérieur d’une bulle de verre chauffée ; ou encore les gravures sur verre d’Elis Monsport. Outre le bois, le métal et le textile, un bel ensemble de céramique dévoile les recherches actuelles de jeunes créateurs, qui repoussent toujours plus loin les limites de la matière.

Vue de la section « Verre » au sein de l’exposition consacrée à la Tchéquie dans la biennale « De mains de maîtres ». Photo : © Connaissance des Arts / Hortense Albisson
Hors-les-murs
Un parcours hors-les-murs vient compléter cette exposition, avec neuf lieux investis dans la ville, dont plusieurs musées comme le MUDAM (le musée d’art contemporain du Luxembourg) ou la villa Vauban, qui abrite une collection de peintures anciennes. Dialoguant avec les œuvres, plusieurs créations textiles y sont présentées au fil des salles, comme les chapeaux en plume et paille de la modiste Sandy Kahlich. Avec ce rendez-vous, créé en 2016, le Luxembourg s’est érigé en un acteur important de la valorisation des métiers d’art en Europe. Alors que le pays ne propose plus de formation dans ce secteur, la mise en valeur de ces créateurs a notamment pour but d’inspirer les plus jeunes, grâce à une journée réservée aux scolaires.

Vue d’une salle d’exposition de la Villa Vauban accueillant deux créations chapelières de Sandy Kahlich. Photo : © Connaissance des Arts / Hortense Albisson
Deux mains de maître édition 2023