Le Vaudois affirme avoir réalisé un record du monde avec sa traversée Calvi-Monaco. Mais le Guinness des Records n’a pas validé cette performance. L’enquête de “Vraiment” révèle aussi des zones d’ombre autour des campagnes de financement participatif réalisées par le nageur.
A 28 ans, l’influenceur Noam Yaron s’est imposé comme une figure médiatique incontournable. L’Équipe, Libération, l’Illustré… Partout, les journalistes se sont arrachés ce nageur suisse qui affirme avoir établi en août un record du monde. Son exploit: avoir nagé 191 kilomètres en 102 heures entre Calvi et Monaco. Une performance qui lui a même valu le Prix du mérite sportif 2025 de la Ville de Morges. Pourtant, ce record n’en est pas un.
Aucune validation officielle
L’enquête menée par la RTS révèle qu’à ce jour, ni l’organisation du Guinness Book, ni aucun de ses organismes partenaires n’ont validé le record de Noam Yaron. Contactée, la World Open Water Swimming Association (WOWSA) explique avoir refusé l’homologation de la traversée car le nageur a bénéficié d’une assistance (combinaison, ravitaillements, bateau). L’organisme précise même avoir demandé à Noam Yaron de ne pas parler de record, craignant une “confusion médiatique”.
Micro-siestes sur un lit flottant
De son côté, le deuxième organisme sur lequel s’appuie le Guinness pour valider un tel record, la Fédération internationale de natation en eau libre (WOWSF), n’a pas non plus promis de le ratifier. Elle s’est contentée de certifier les conditions de nage, sans envoyer d’observateur sur place. La vérification a été effectuée sur la base d’appels vidéo et de données GPS transmises par l’équipe du nageur.
Pour son fondateur Steven Munatones, le Vaudois ayant fait “des micro-siestes sur un lit flottant”, sa traversée ne peut pas être définie comme une “traversée marathon assistée”. La fédération reconnaît toutefois que le Guinness World Records peut faire preuve d’une “grande créativité dans la classification des traversées afin que le nageur puisse obtenir un record du monde”.
Des données GPS impossibles à certifier
L’enquête s’est également penchée sur les données GPS censées prouver la performance. Problème: le nageur ne portait sur lui aucune montre, ni aucun dispositif émettant directement des positions GPS. Louis Finiel, chercheur doctorant à l’Institut des sports de l’UNIL, est formel: il est impossible d’analyser des données sans savoir où se trouvait réellement la balise qui émettait des données GPS. “Je ne peux pas certifier qu’une personne ait fait cette distance. Je pourrais certifier que la balise a fait cette distance-là, mais pas qu’un nageur l’a parcourue.”
Pour l’expert, sans preuve visuelle ou la présence d’une personne indépendante observatrice sur le bateau, impossible de valider scientifiquement la performance.
Un antécédent qui interroge Veytaux, juillet 2021 [KEYSTONE – SALVATORE DI NOLFI]
Ce n’est pas la première fois que Noam Yaron parle de record sans validation officielle. En 2021, lors de sa traversée à la nage du Léman, le quotidien Le Temps avait déjà émis des doutes. L’organisme officiel avait alors refusé de valider son record pour non-conformité des conditions de nage. Des vidéos Instagram montraient même le nageur tracté par un bateau.
Contacté à de multiples reprises par la RTS, le nageur Noam Yaron n’a pas souhaité s’exprimer, même après l’envoi de questions détaillées. Chez nos confrères de 24 heures, il affirmait en septembre dernier être en cours d’homologation de sa nage “historique”. Le nageur mettait alors l’accent sur le nombre d’heures passées dans l’eau et non plus sur les kilomètres, puisque sa tentative de rallier Monaco a échoué à 2 kilomètres de l’arrivée: “Aucun autre être humain, à notre connaissance, n’a jamais fait ça dans ces conditions”, déclarait-il.
Cécile Tran-Tien/RTS