L’immobilier suisse a connu un investissement record, en hausse de 7 milliards de francs sur les neuf premiers mois de l’année. Pourtant, le nombre de permis de construire est au plus bas. Selon une enquête de Raiffeisen, cet argent est principalement utilisé pour racheter et rénover des immeubles existants, entraînant une augmentation des loyers.
Ces milliards auraient pu servir à construire des dizaines de milliers de logements neufs et détendre un peu le marché. C’est l’inverse qui se produit, selon l’étude de Raiffeisen. L’investissement trouve son chemin le plus rentable vers l’immobilier existant.
Dans le 19h30 de lundi, Christian Dandrès, de l’Asloca, dénonce une spéculation qui augmente les loyers sans amélioration significative des logements. Il rapporte qu'”avant et après [la transaction, NDLR], il y a exactement le même nombre de logements et il s’agit du même immeuble, qui est parfois rénové. Et derrière, les loyers augmentent du simple, double, voire parfois du triple”.
Des cas peuvent même conduire à des situations dramatiques, comme récemment à Zurich et Genève, où des rénovations de haut standing ont chassé des locataires de leur logement.
Obstacles à la construction
Dans ce marché tendu, il faut en effet avoir les reins solides pour investir dans de nouvelles constructions. La Caisse de pension de l’État de Genève (CPEG) fait presque figure d’exception, elle a investi des millions dans des projets de neuf. Mais la construction est semée d’embûches.
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Raphaël Crespin, responsable immobilier de la CPEG, souligne que développer un terrain peut prendre 15 ans, avec de nombreux obstacles administratifs. “Il faut trouver les bons partenariats avec les autorités publiques. Ça peut durer très longtemps. Et ensuite, il y a quand même la question de la population qui peut ne pas trouver ça intéressant. Donc il y a un risque de recours, de contentieux, voire de référendum qui est important.”
Rendement immédiat
Julian Reymond, CEO de Realstone, explique que la rareté du foncier et les contraintes légales poussent les investisseurs à privilégier l’achat de biens existants, offrant un rendement immédiat. “La LAT (loi sur l’aménagement du territoire) encourage la densification à l’intérieur des zones à bâtir et pas à l’extérieur. Et, les exigences réglementaires sont non seulement complexes, mais en plus strictes.”
Les effets sur le développement social des villes sont déjà perceptibles. Le nouveau locataire d’un logement rénové gagne en moyenne 3500 francs de plus par mois que le locataire précédent. Les plus précaires sont ainsi repoussés à la périphérie.
Feriel Mestiri / juma