En remportant, au guidon de sa Honda et sous la pluie du Mans (Sarthe), le Grand Prix de France en MotoGP, ce dimanche 11 mai, Johann Zarco a repris le flambeau d’un illustre prédécesseur, et nous a renvoyé à une époque dont les images sont en noir et blanc. Décédé en février 2010 à 79 ans, Pierre Monneret est en effet resté pendant 71 ans le dernier Français vainqueur à domicile dans la catégorie reine des compétitions à moto. Les plus jeunes l’ignorent mais, au milieu du XXe siècle, c’est sur le circuit de Reims-Gueux, dans la Marne, que se disputait la manche française du Championnat du monde de moto.
Les victoires de Pierre Monneret, lauréat du Grand Prix de France le 30 mai 1954 en 500 cm3, alors la catégorie reine des deux-roues motorisés, et celle de Johann Zarco, n‘ont cependant pas grand-chose en commun, à plus de sept décennies de distance. Le circuit de la victoire de 1954, qui n‘est plus utilisé, présentait en effet un profil bien différent de celui du Mans, actuel théâtre du Grand Prix de France.
Situé près de Reims (Marne), le circuit où Pierre Monneret a doublement triomphé – en plus des 500 cm3, il avait remporté l’épreuve des 350 cm3 –, était une boucle d’environ 8 km, de forme triangulaire. Il empruntait deux routes départementales, les CD26 et 27, et une partie de la RN31, qui relie toujours Rouen (Seine-Maritime) à Reims.
Utilisé pour la première fois en 1926, il a subi des modifications au début des années 1950. Une bretelle permet d’éviter le village de Gueux et des virages ont été ajoutés. Il y en avait trois sur le tracé originel, il y en a eu deux de plus au fil des ans. Celui du Mans en compte 14, pour une longueur d’un peu moins de 4,2 km.
Le roi Fangio s’y est imposé trois fois en Formule 1
Inscrit au titre des monuments historiques depuis mai 2009, le circuit de Reims-Gueux a accueilli de grands noms et de prestigieuses épreuves à moto, mais aussi en sport automobile. Sur deux roues, le Grand Prix de France moto s’y est déroulé à de multiples reprises, dont deux fois pour le compte du Championnat du monde en 1954 et 1955.
Cependant, c’est sur quatre roues que le circuit marnais a vu sa notoriété grimper en flèche. Il a accueilli 14 fois le Grand Prix de France de Formule 1, dont 11 dans le cadre du Championnat du monde, entre 1950 et 1966.
L’Argentin Juan Manuel Fangio, cinq fois champion du monde et l’une des premières légendes de la discipline, s’y est imposé en 1950, 1951 et 1954. Deux autres champions de F1 le suivront : l’Australien Jack Brabham (trois titres) en 1960 et 1966, et le Britannique Jim Clark (deux titres) en 1963.
Victime de problèmes financiers, le circuit a cessé d’accueillir des compétitions officielles en 1972. Mais, plus d’un demi-siècle plus tard, il attire encore des milliers de visiteurs nostalgiques chaque année.
Après une longue bataille judiciaire, l’association « Les passionnés du circuit de la Marne », fondée en décembre 2023, a succédé aux « Amis du circuit de Gueux » pour pouvoir exploiter l’ancien circuit et restaurer les vestiges du passé comme les tribunes et les stands. Des projets sont dans les tuyaux pour le centenaire du circuit en 2026. Pourquoi pas désormais proposer à Johann Zarco de s’essayer à ce tracé improbable ? D’ici là, les automobilistes ne se lassent pas d’admirer, à chacun de leur passage, le charme suranné de ce témoin d’une autre époque.