Dans le cadre d’une campagne de sensibilisation, vous intervenez ce jeudi 15 mai à Bastia pour parler du cancer du poumon chez la femme. Chiffres à l’appui, cette maladie serait en augmentation ?
Le cancer du poumon est le quatrième cancer le plus fréquent. Il y a 53 000 cas hommes, femmes confondus et c’est la première cause de mortalité par cancer.
Pourquoi avoir choisi de faire un focus sur son évolution chez la femme ?
L’augmentation est très marquée ces dernières années et cela ne se retrouve pas dans les autres cancers. On a observé, de 1990 à 2023, près de 5 % d’augmentation par an à l’échelle nationale.
Il faut savoir que dans les années 90, le sexe ratio sur 10 cas était de 9 hommes – 1 femme et maintenant il est de 5 hommes – 5 femmes. La progression est claire.
Les effets des campagnes publicitaires des années 60 à destination des femmes
Y a-t-il eu un changement, selon vous, dans les habitudes de la femme qui peut expliquer cette tendance ?
Globalement, le cancer du poumon a été exponentiel avec les habitudes tabagiques, mais en 1960, il y a eu des campagnes publicitaires qui ont incité les femmes à fumer, et c’est à partir de ce moment-là qu’elles ont pris ces nouvelles habitudes. Trente ans plus tard, on a commencé à en voir les effets.
En dehors de ces influences sur le mode de vie, existent-ils d’autres facteurs pour expliquer cette hausse ?
La femme est plus vulnérable au cancer du poumon par rapport à l’homme. À tabagisme égal, il y a près de 1,5 à 2 fois plus de risques chez la femme de développer un cancer du poumon. Il est difficile de l’expliquer, nous n’avons que des hypothèses.
Quelles sont ces hypothèses ?
D’abord, elle est physiologique puisque la surface corporelle est plus faible chez la femme, donc à tabagisme équivalent, elle est plus impactée. Il y a aussi l’effet des cigarettes light qui au final n’ont jamais été si light que ça. Possiblement, l’effet hormonal avec les œstrogènes qui pourrait augmenter l’addiction au tabac par une élimination plus rapide mais à ce stade, il n’y a rien qui est prouvé.
« En mortalité, le cancer du poumon a déjà dépassé celui du sein »
On dit que le cancer du poumon est un cancer qui ne parle pas. Quel est alors le rôle du dépistage ?
Le dépistage en France n’est pas encore validé mais il l’est dans d’autres pays, notamment anglo-saxons. Il y a cependant des études dont une étude parisienne, ciblée sur le dépistage des femmes, qui a montré que la prévalence dans le dépistage était 2 à 3 fois supérieure à celle des hommes. Elle était de 1 % sur les anciennes études, comprenant une majorité d’hommes. Il y aurait donc un bénéfice du dépistage plus important chez la femme que chez l’homme. Il s’agit de résultats préliminaires, nous n’avons donc pas de confirmation à ce jour.
Le cancer du poumon chez la femme risque-t-il, un jour, de dépasser le cancer du sein ?
En prévalence, c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas par an, non ! Mais en mortalité, il l’a déjà dépassé. Concernant le cancer du poumon, sur 19 000 cas il y a 9 900 décès. La survie à 5 ans est de 20 % pour le cancer du poumon contre 80 % pour celui du sein. Le tabac est le premier facteur de risque de tout cancer. Selon une récente étude, près de 40 % des cancers sont évitables rien qu’en changeant nos habitudes de vie.