L’image est un peu étonnante ce jeudi midi à la Verrière Fauriel. Devant la centaine de dirigeants en train de déjeuner, réunis à l’occasion des rendez-vous mensuels du club d’affaires Loire Business Club, se tient un homme qu’on aurait pu penser banni des milieux patronaux, ou du moins pas vraiment apte à inspirer des dirigeants d’entreprise.
Jérôme Kerviel a, en effet, été condamné en 2014 à cinq ans de prison (dont trois ferme) et à payer un million d’euros de dommages et intérêts. L’ex-trader de la Société Générale a été reconnu coupable d’avoir pris des positions déraisonnables sur les marchés financiers et d’avoir coûté à sa banque, en 2008 (en pleine crise des subprimes), la coquette somme de 4,9 milliards d’euros (sans enrichissement personnel). Il a purgé sa peine de prison mais n’a pas payé l’amende, et travaille toujours à la révision de son procès.
Une rencontre déterminante avec le pape François en 2014
« En réalité, coupable ou pas coupable, ce n’est pas pour juger de cela que nous l’avons invité. Il était là pour partager son expérience de la gestion de crise, de la question de la résilience etc. Les dirigeants font face parfois à des très hauts et des très bas, il était intéressant de voir comment lui a réussi à rebondir », explique Julien Muthelet, le manager du club.
Et même si, forcément, Jérôme Kerviel est revenu sur le fond de cette affaire, a expliqué sa version de ce qu’il s’est passé, s’il a réaffirmé son innocence en évoquant de nouveau le « lâchage » de sa hiérarchie, s’il a rappelé la déconnexion des traders avec le réel (avec des clics « à coups de 250 millions d’euros ») et dont l’ambition est de répondre au besoin de ces milieux de « faire toujours plus d’argent », l’ex-trader (devenu écrivain, scénariste, conférencier) a raconté effectivement comment il a réussi à remonter la pente.
Un parcours difficile qui l’a profondément, et visiblement, affecté. Devant les décideurs ligériens, Jérôme Kerviel a ainsi raconté toutes ces fois où il a pensé très sérieusement au suicide. Mais aussi cette rencontre avec le Pape François en 2014 qui lui a redonné « une énergie folle, un espoir incroyable ». Il a fait état de l’importance vitale, dans ces moments de grande détresse, de s’appuyer sur son entourage et de réussir à se réinventer professionnellement.
S’il le pouvait, est-ce qu’il changerait quelque chose à son parcours ? « Non. Mon parcours a construit l’homme que je suis aujourd’hui. Et je suis bien mieux dans mes baskets aujourd’hui qu’avant cette histoire. »
Pour autant, il dit ne pas vouloir se résigner à cette condamnation. « Lorsque ma fille est née il y a sept ans, la question s’est posée de savoir si elle devait porter mon nom, si je devais lui transmettre ce fardeau. Nous avons décidé que oui. Mais cela m’engage à aller jusqu’à la réhabilitation, je ne tournerai pas la page sans avoir réussi. »