© Michel Battaglia - Maître Elsa BENHAMOU - Avocate au Barreau de Grenoble,  Membre de l’Union des Jeunes Avocats de Grenoble

© Michel Battaglia – Maître Elsa BENHAMOU – Avocate au Barreau de Grenoble, Membre de l’Union des Jeunes Avocats de Grenoble

Le droit de la preuve trouve son fondement dans l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme sur le droit au procès équitable.

Dans un procès civil, l’article 9 du Code de procédure civile prévoit qu’il appartient à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Cette règle doit cependant toujours être conciliée avec le principe de loyauté de la preuve c’est-à-dire que la preuve doit être recueillie de manière loyale et ne peut pas porter atteinte à d’autres droits ou secrets protégés.

Des atteintes au secret désormais admises par la jurisprudence …

Une célèbre décision de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 22 décembre 2023 a profondément bouleversé les règles en matière de preuve considérant que « l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. » (Ass. Plénière 22 décembre 2023, n°20-20.648).

Ainsi, ces dernières années, la Cour de cassation est venue priver d’effet certains « secrets » protégés par la loi en permettant de produire en justice des documents pourtant protégés par le secret des affaires ou le secret médical par exemple.

Dans un arrêt du 5 février 2025, la chambre commerciale remet en cause un arrêt d’appel condamnant une société au paiement de dommages et intérêts pour avoir obtenu et produit en justice une pièce protégée par le secret des affaires sans avoir recherché si cette pièce n’était pas indispensable pour prouver les faits de concurrence déloyale allégués et si cette atteinte portée au secret des affaires n’était pas strictement proportionnée à l’objectif poursuivi (Com. 5 février 2025, n°23-10.953).

Cette tendance à faire primer le droit de la preuve sur le secret a également trouvé une application récente en matière de secret médical dans un arrêt du 30 janvier 2025 (Civ. 2, 30 janvier 2025, n°22-15.702).

Quelques mois plus tôt, la chambre sociale de la Cour de cassation avait également eu l’occasion de se prononcer en matière de contentieux du travail sur la production en justice par un employeur de fichiers extraits d’une clé USB personnelle d’une salariée pour justifier un licenciement pour faute grave. La chambre sociale avait ainsi admis la recevabilité de ses preuves bien qu’elles constituaient une atteinte à la vie privée (Soc., 25 septembre 2024, n°23-12.992).

A condition que ces atteintes soient proportionnées …

La Haute cour rappelle de manière constante que les juges doivent se livrer à un contrôle de proportionnalité entre droit de la preuve et les droits concurrents pour déterminer si l’atteinte était proportionnée au but poursuivi et strictement nécessaire à l’exercice du droit de la preuve.

En définitive, bien que ce principe de production des preuves déloyales et illicites ne soit pas absolu, les acteurs de la vie des affaires doivent désormais avoir conscience du risque de voir certains documents ou informations secrets divulgués en justice.