A quelques mètres de l’aéroport de Brest-Guipavas, un discret bâtiment abrite les activités du Centre Marine et Offshore de Météo France. Prévisionnistes et techniciens s’y relaient 24h/24 et 7j/7 pour produire au quotidien des bulletins de prévisions à destination des clients de ce service, publics comme privés. Mais les études, notamment pour le secteur de l’éolien en mer, représentent une part de plus en plus importante de son activité, comme a pu le constater sur place Mer et Marine.

Une cuisine, « un lieu très important », trois chambres de veille pour ceux qui assurent les vacations… « Ici, c’est comme dans un bateau », résume Christophe Messager, chef du Centre Marine et Offshore de Brest, qui emploie 12 agents et héberge 4 techniciens de maintenance, une gestionnaire et un graphiste. « Nous disposons d’un poste de prévisionniste présent 24h/24 et 7j/7, et d’un autre poste durant la journée pour répondre aux sollicitations de nos clients. Et nous faisons appel à un prévisionniste supplémentaire lors des situations de crise ».

 

 

Ce jour-là, Vincent Guillou est aux manettes. Il vient de recevoir un appel de l’un des clients du service, une ville du littoral atlantique qui tient à s’assurer que sa plage et ses équipements ne risquent pas la submersion, en ce jour de grandes marées. « Dans ce cas précis, on surveille la hauteur d’eau. On tient donc compte de la météo, de la marée, des phénomènes de surcote et de décote. A partir de maintenant, les coefficients vont descendre, donc le risque est écarté ».

Au Centre Marine et Offshore (CMO), l’activité est « purement commerciale » et compte des clients aussi bien publics que privés, avec « en permanence le souci de la sécurité des personnes et des biens, qui est la mission première de Météo France », tient à souligner Christophe Messager. Collectivités et entreprises achètent des informations « personnalisées », en lien direct avec leur activité. « Le risque submersion intéresse tout particulièrement les collectivités, mais aussi le secteur du transport et de l’énergie : la SNCF pour ses lignes ferroviaires littorales, et les centrales nucléaires situées sur les côtes, comme Flamanville en Normandie, Panly et Paluel dans le Nord ». Le CMO produit également des prévisions de l’état de la mer, plébiscitées par les ports et les stations de pilotage, et du vent, utiles pour les opérations d’entrée et sortie de port des navires de commerce, ou de chargement et déchargement des méthaniers par exemple. 

Expertise du prévisionniste

Ces outils d’aide à la décision sont élaborés grâce aux mesures de la houle, des vagues, du courant, du vent, de la température, de la pression… issues des données d’observations tirées des stations, des satellites, des radars ou des bouées. Elles sont analysées en continu par les prévisionnistes météo, en interaction constante avec les modèles numériques. « Ils affinent, corrigent et apportent leur expertise » à ces modèles, qui simulent l’évolution de l’atmosphère à partir de millions de données et d’équations physiques complexes. L’expertise des prévisionnistes réside dans leur capacité à ajuster les prévisions en tenant compte de phénomènes locaux, d’anomalies ou de situations non prévues par les modèles. 

 

Vincent Guillou, prévisionniste au Centre Marine et Offshore. 

 

« Mais on commence par observer le temps avant de le prévoir », rappelle Vincent Guillou. « Et pour cela, il faut s’assurer du bon fonctionnement des différents capteurs, pour que la chaîne d’acquisition météo ne soit pas perturbée ». Outre les prévisions quotidiennes du CMO, la Direction des Systèmes d‘Observation de Brest a également la charge de la maintenance des capteurs situés dans les aéroports bretons, qu’ils soient civils (Brest, Quimper, Morlaix), militaires (Landivisiau et Lanvéoc-Poulmic) ou les deux (Lorient). Vincent Guillou assure la liaison avec le « METOC » de la base d’aéronautique navale de Landivisiau, le SAR (Search And Rescue) de Lanvéoc et la BAN de Lann-Bihoué. « Météo France fournit aux armées toutes les informations météo nécessaires en cas de crise, avec une grosse partie aéro. Je m’assure qu’ils aient les bons outils pour travailler ».

 

Stations de mesure sur la pointe bretonne.

 

Le site de Brest est également l’un des cinq sites français métropolitains de radiosondage de Météo France. Deux fois par jour, un ballon-sonde équipé de capteurs pour mesurer la température, la pression, l’humidité et le vent est lâché dans l’atmosphère, jusqu’à 30 km. « Durant son ascension, la radiosonde envoie ses données en temps réel à une station au sol, grâce à un émetteur radio », explique Christophe Messager. La direction et la vitesse du vent sont déduites grâce au suivi du GPS du ballon pendant son vol, et les informations collectées par la radiosonde permettent d’obtenir un profil détaillé de l’état de l’atmosphère sur toute la colonne d’air traversée. Un lidar Doppler, destiné à dresser des profils verticaux de la vitesse du vent, est également présent sur site. « Les données sont réceptionnées à Météo France, à Toulouse, intégrées aux modèles numériques, et réexploitées ici ».

 

Séquences de lancement d’un radiosondage.

 « Les études représentent désormais une part importante de notre travail »

Au-delà des mesures et prévisions de routine, le Centre Marine et Offshore de Brest est de plus en plus sollicité pour réaliser des travaux au long cours. « Les études représentent désormais une part importante notre travail », indique son chef. La tempête Ciaran, en novembre 2023, a par exemple « déclenché une prise de conscience chez les élus, les acteurs du monde de l’énergie, de la défense ou de la sécurité civile : celle de l’augmentation des niveaux marins dans un contexte de changement climatique », et des risques de submersion associés. 

« Nous n’avons pas été pris de court par cette tempête », se remémore Christophe Messager. « Mais nous avons diffusé des bulletins que nous n’avions jamais émis auparavant, avec un état de mer très impressionnant en entrée de Manche, et une hauteur significative de vagues à environ 11 mètres, ce qui est énorme pour la région ». Par chance, « le coefficient était de 71, donc plutôt faible, et la tempête est passée à marée basse. Que se serait-il passé à marée haute, et avec de plus forts coefficients ? Nous travaillons actuellement sur des simulations ».

 

 

Dérisquage pour l’éolien

Mais la grande majorité du travail d’étude du CMO est réalisée au profit de la Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC), qui définit et met en œuvre la politique énergétique de la France. Depuis 2019, le centre brestois contribue à la réalisation d’une partie des études de dérisquage des projets d’implantation de futurs parcs éoliens en mer. 

« La DGEC nous indique différentes zones à étudier, sur toutes les façades maritimes. Une partie de l’étude consiste à étudier les vents dominants, une autre à évaluer les vents extrêmes. Nous nous intéressons dans ce cas non seulement au vent, mais aussi à l’état de la mer. Il s’agit ici davantage de protéger l’infrastructure que d’évaluer le potentiel éolien », explique Nathalie Malpot, prévisionniste et responsable des études au CMO. Les tests de turbulences sont gérés à Toulouse, et les campagnes de mesures sur site sont en partie réalisées dans le Finistère. 

Le Centre Marine et Offshore intervient également en aval, avec son service de prévisions : il accompagne actuellement l’installation du projet Eoliennes Flottantes du Golfe du Lion (EFGL), en Méditerranée.

 

 

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