Équipé de sa tenue stérile en plastique transparent, Dexter est installé de part et d’autre du patient, déjà endormi. Durant l’intervention, le robot sera le prolongement des mains et des yeux du chirurgien, qui le pilotera depuis sa console installée non loin de la table d’opération. Depuis le 10 mars 2025, Dexter a déjà contribué à une quinzaine d’opérations effectuées par le service de chirurgie viscérale et digestive du docteur Alexis Vinet. Essentiellement pour des cures de hernies inguinales et des cholécystectomies (ablation de la vésicule). « On a fait récemment une cure de hernie hiatale, une opération plus technique et plus lourde, et on se prépare à faire bientôt des colectomies (l’ablation d’une partie du colon) », précise le Dr Vinet, qui s’est intéressé dès 2019 à cette chirurgie innovante.
« Comme si on était à l’intérieur du patient »
Il s’est formé auprès des équipes de l’hôpital d’Orléans, doté depuis 2017 d’un robot similaire de conception américaine, baptisé Da Vinci. « Deux fois par mois, j’y opérais des patients de Châteauroux. J’ai pu mesurer tout l’intérêt de cette avancée technologique considérable qui permet de réduire les douleurs postopératoires car nous sommes sur de la chirurgie mini-invasive où on réduit la taille des incisions et le traumatisme opératoire. »
Le robot chirurgical est constitué de pinces articulées introduites dans le ventre du patient, par deux petites entailles. « Elles sont actionnées par le chirurgien sous contrôle de la vue grâce à une vision en trois dimensions » de l’intérieur du corps. « C’est en réalité une amélioration de la cœlioscopie qui a démarré il y a quarante ans. Elle nous apporte une précision supplémentaire dans la vision en profondeur et dans les gestes. C’est comme si on était à l’intérieur du patient, avec des mains extrêmement fines. »
Le robot est installé de part et d’autre du patient. Ses deux bras articulés équipés de pinces sont contrôlés à distance par le chirurgien.
© (Photo NR, Martine Roy)
Outre le CHU d’Orléans, l’hôpital de Châteauroux est le premier équipé de cette nouvelle technologie en région Centre. Le choix s’est porté sur le robot Dexter, mis au point par la société suisse Distalmotion. « Son poids, son encombrement et son dispositif de stérilisation étaient plus adaptés à la dimension de notre bloc opératoire que le modèle Da Vinci. Nous sommes le deuxième établissement de France à avoir opté pour Dexter, après Saintes en Charente-Maritime. À la différence de celui d’Orléans, il a trois – et non quatre – bras articulés. » Son coût, « de près d’un million d’euros », a été financé avec l’aide de l’Agence régionale de santé (ARS) qui y voit plusieurs intérêts. « Pour les patients, le robot Dexter permet de réduire le temps de rémission postopératoire et garantit une qualité de soin, justifie l’Agence. Concernant les professionnels, il va augmenter l’attractivité médicale de l’hôpital en termes de recrutement et de qualité de vie au travail. » Quant au coût de fonctionnement, lié au remplacement des trois pinces à usage unique, il est pris en charge par l’hôpital de Châteauroux.
Le chirurgien manipule les bras articulés depuis sa console, en suivant ses gestes avec une vue en 3D de l’intérieur du patient.
© (Photo NR, Martine Roy)
Le Dr Alexis Vinet avait déjà des « retours d’expérience très positifs » de ses patients opérés ces six dernières années à Orléans. En outre, « sur les interventions lourdes de chirurgie colique ou rectale que j’ai pu pratiquer là-bas, j’ai remarqué une baisse de la durée de séjour des patients », souligne le praticien qui voit dans la chirurgie-robot assistée une « technique d’avenir » pour la chirurgie viscérale et digestive. Son équipe se familiarise peu à peu à ce nouvel assistant et au confort de travail qu’il offre. « Les gestes techniques sont très précis. En matière de sutures, les pinces articulées nous font aussi gagner en rapidité d’exécution alors que sous cœlioscopie, c’est une étape fastidieuse, fatigante et même douloureuse pour les épaules du chirurgien. »
L’acte chirurgical en lui-même terminé, le chirurgien revient auprès du patient pour procéder, à la main, aux ultimes points de suture aux emplacements qui ont permis d’introduire les pinces du robot.
© (Photo NR, Martine Roy)
Des formations et un simulateur pour s’entraîner
Les quatre chirurgiens du service de chirurgie digestive de l’hôpital de Châteauroux ont été formés à l’utilisation du robot Dexter. Y compris le docteur Alexis Vinet, qui comptait pourtant plusieurs années de pratique avec le robot du CHU d’Orléans. « C’était nécessaire car chaque robot a ses spécificités de fonctionnement », précise le chef de service. Un simulateur-robot a été installé dans le service dès janvier 2025, pour permettre aux chirurgiens de s’entraîner techniquement à la manipulation des pinces articulées. Tous ont également suivi une formation dispensée par l’entreprise suisse, qui a mis au point l’outil. Ces formations concernaient les chirurgiens mais également les infirmières du bloc, qui ont dû se familiariser à l’utilisation de Dexter. « Ce sont elles qui le manipulent avant, notamment pour la pose de l’habillage stérile, et après l’opération. Elles devaient donc connaître son fonctionnement pour ne pas l’abîmer, ni faire de faute d’asepsie. »