La place des femmes dans le cinéma, la maternité, sa plus grande erreur, sa relation avec sa fille Margaret Qualley… Conversation sans fard avec une actrice qui bouscule les normes, entre confidences intimes et messages forts pour les générations à venir.

Cheveux argentés et smoking noir : Andie MacDowell a captivé l’attention sur le tapis rouge du Festival de Cannes, où elle assistait à la projection de Mission Impossible: The Final Reckoning, ce mercredi 14 mai. Quelques heures plus tard, l’actrice célébrait ses 40 ans de collaboration avec L’Oréal Paris lors du dîner «Women’s Worth», organisé par la marque de cosmétiques française. Une soirée placée sous le signe de l’émancipation féminine, en prélude à la 5e édition du prix «Lights on Women’s Worth», qui distingue chaque année une réalisatrice de courts-métrages issue de la sélection officielle. Une cause qui lui tient particulièrement à cœur, et qu’elle a abordée, parmi d’autres enjeux de société, lors d’un entretien accordé à Madame Figaro, à l’hôtel Martinez, en ouverture des festivités. Vêtue cette fois-ci d’un smoking blanc, qui contraste avec ses iconiques boucles grises, elle livre une prise de parole franche, traversée de souvenirs et de convictions. Celle d’une actrice qui connaît les règles du jeu — et qui ne cesse de les questionner.

Andie MacDowell pose sur le tapis rouge lors des arrivées pour la projection du film Mission : Impossible – Le Dernier Jugement au 78e Festival de Cannes. (14 mai 2025.)
Sarah Meyssonnier/REUTERS

Madame Figaro.- Dans une interview à Madame Figaro il y a quelques mois, vous disiez qu’être la mère de vos enfants est «le meilleur rôle» de votre vie. Comment avez-vous concilié la maternité avec votre métier d’actrice ?
Andie MacDowell.- C’est éprouvant. Surtout à l’époque où j’ai eu mes enfants, je pense que c’était encore plus difficile pour les femmes. On avait tellement peur d’être jugées par les hommes, qu’ils pensent que notre esprit soit ailleurs, qu’on ne soit pas concentrées. Je faisais tout pour faire croire que mon travail était la chose la plus importante pour moi, même si ce n’était pas vrai. J’avais l’impression qu’il fallait prétendre que c’était la priorité absolue dans ma vie à ce moment-là, alors que, dans ma tête, je pensais à mon foyer. Il fallait convaincre les gens que votre travail passait avant tout, que c’était tout ce qui comptait, que vous étiez ambitieuse, déterminée, prête à tout pour y arriver… C’est l’attitude qu’on devait adopter. Aujourd’hui, c’est agréable de voir qu’on peut amener ses enfants sur un tournage, que c’est devenu plus familial. Les pères aussi emmènent leurs enfants. Les choses ont vraiment changé depuis mes débuts. J’entends parler de plateaux où il y a des espaces prévus pour les enfants, des nounous, voire des crèches. Tout cela existe. Il y a donc un vrai changement, plus d’amour et d’acceptation pour les valeurs familiales sur les plateaux.

À l’époque, il fallait faire croire que le travail était plus important que ses enfants

Andie MacDowell

Qu’aimez-vous tout particulièrement dans votre métier, que vous ne retrouveriez nulle part ailleurs ?
C’est quand je suis sur un plateau de tournage et que le décor est en train d’être installé, que tout se met en place, comme si on créait une fausse maison. L’équipe technique s’affaire autour de nous, puis on nous appelle et pendant qu’ils finalisent les derniers détails, je me dis : « N’est-ce pas incroyable ? C’est cela, notre travail. » Je dois m’arrêter une minute pour le réaliser. On crée un monde imaginaire, on joue à faire semblant, et c’est tellement amusant. Nous, tous les marginaux du lycée, ceux dont personne ne pensait qu’ils accompliraient quoi que ce soit… Regardez-nous aujourd’hui, on crée quelque chose ensemble. C’est fantastique.

Quelle est la chose la plus folle que vous ayez faite par amour du cinéma ?
Des scènes excentriques, des combats à l’épée… Dans Ready or Not (une comédie horrifique américaine réalisée par Tyler Gillett et Matt Bettinelli-Olpi, sortie en 2019, NDLR), c’était vraiment amusant, je courais partout avec un arc et des flèches. Aussi, j’ai joué un personnage qui s’appelle Big Cat et qui était méchante, horrible même, car elle tranche la gorge de quelqu’un. Je le dis souvent, parce que beaucoup de gens pensent que je ne joue que des rôles gentils. Mais visiblement, ils n’ont pas vu Red Right Hand (un film d’action-thriller réalisé par Ian Nelms et Eshom Nelms, sorti en 2024, NDLR) où j’incarne cette femme.

L’année dernière à Cannes, votre fille Margaret Qualley s’est fait remarquer sur le grand écran dans The Substance , un film qui parle d’âgisme. En parlez-vous ensemble ?
J’en suis venue à la conclusion que je devais fonder ma relation avec ma fille, Margaret, sur autre chose que le travail. Donc, en réalité, je ne lui parle pas beaucoup de son métier. Je lui pose quelques questions, bien sûr, mais la plupart du temps, je ne sais presque rien jusqu’à ce que le film sorte. Parce que je préfère lui parler d’autres choses. Je lui demande : « Est-ce que tu dors bien ? Comment te sens-tu ? » Et je suis toujours agréablement surprise par ce que je découvre à l’écran. Ce qu’elle fait est audacieux. Elle a pris beaucoup de risques. Moi, je n’ai commencé à prendre des risques que bien plus tard. Beaucoup de ses films sont assez radicaux, singuliers, intéressants. J’ai adoré The Substance, je la trouve très courageuse. Elle a toujours eu un rapport très fort à son corps, depuis toujours. Je l’ai vue grandir, c’était une danseuse, et ce n’était pas du tout le style de danse qu’elle pratique aujourd’hui. Je me souviens d’une scène, il y a longtemps, dans The Leftovers (une série américaine diffusée en 2014, NDLR) où elle jouait une pendue, et je me suis dit : «Ce qu’elle fait avec son corps est incroyable.» Et c’est grâce à des années et des années d’entraînement. Elle est très connectée à son corps, et c’est une énorme partie de son travail aujourd’hui.

Vous a-t-elle déjà demandé conseil pour sa carrière d’actrice ?
Celui qui me vient, c’est quand, au tout début, je lui ai dit : « Apprends à connaître les réalisateurs, découvre ce que tu aimes, sois passionnée par le cinéma, regarde des films, éduque-toi, apprends. » Et aujourd’hui, elle est bien meilleure que moi ! Je ne lui ai dit ça qu’une seule fois, et elle l’a fait. Elle est vraiment brillante.

Ma pire erreur ? C’était de m’habiller pour plaire à un homme.

Andie MacDowell

Une erreur dont vous avez tiré une leçon ?
J’ai porté une robe dans laquelle on voyait mes tétons, et aujourd’hui je me dis : « Et alors ? » On voyait mes tétons, et alors ? Ce n’est pas si grave. Mais ce n’était pas la pire. La vraie erreur, c’était de m’habiller pour plaire à un homme. À une certaine époque de ma vie, j’étais avec quelqu’un, et je m’habillais d’une manière qui lui plaisait, mais pas à moi. Ce n’était pas comme ça que j’aimais m’habiller. Je le faisais pour lui. Grosse erreur.
Il faut revenir à soi. Il faut vraiment s’habiller pour soi, pour se sentir comme on a envie de se sentir.

Le prix «Lights on Women’s Worth» de L’Oréal Paris a changé la vie de certaines réalisatrices. Pourquoi pensez-vous que des initiatives comme celles-ci sont si importantes ?
Parce que nous ne sommes pas les égales des hommes. Ce milieu a été dominé par les hommes pendant très longtemps. Le pouvoir est une chose très attirante, et y renoncer est extrêmement difficile. On voit encore aujourd’hui à quel point il est dur d’atteindre l’égalité dans le cinéma. Je pense que si quelqu’un doit défendre les femmes, c’est bien ce milieu. Nous devrions être à l’avant-garde de l’égalité. Nous devrions être la norme, fixer un standard. Le prix «Lights on Women’s Worth» est une magnifique initiative. Que leurs films soient montrés ici, à Cannes — le plus prestigieux des festivals —, c’est une immense réussite pour elles. Elles sont là, au cœur de l’action, elles rencontrent du monde, elles peuvent envisager l’avenir, faire découvrir leur travail. C’est une expérience très importante. J’allais dire que c’était magique, mais c’est plus que ça : c’est nécessaire, c’est vital.

La montée des marches du 13 mai 2025