Membre de l’association Pèlerinage Tambov, Annie Lauffenburger a récemment reçu de sa correspondante russe une vidéo qui, indique cette dernière, a été diffusée à la télévision dans le cadre des commémorations du jour de la Victoire, le 9 mai 1945.

Ce reportage, d’une durée de 6’32, met en scène une journaliste parlant français et qui est filmée à Tambov. Aucun logo ne confirme cependant qu’il s’agit de la chaîne d’information internationale Russia today, interdite depuis février 2022 dans l’Union européenne, mais qui est toujours active en Russie et dispose notamment à partir d’un site internet en langue française.

Le sujet porte sur le camp de Tambov et sur les cimetières qui, désormais, s’y trouvent. Le grand-père d’Annie Lauffenburger, qui fut incorporé de force, y est enterré. Lorsqu’elle a pris connaissance du reportage, elle a eu du mal à cacher son émotion et se dit aujourd’hui « révoltée » par le contenu de cette vidéo. Dans un premier temps, la journaliste russe contextualise le sujet de Tambov, rappelle que ce camp n°188, ouvert en 1942, a vu passer bon nombre de prisonniers de plusieurs nationalités dont des Français d’Alsace et de Moselle. Puis, elle interviewe un historien, Valery Tcherkessov, qui rappelle les liens d’amitié entre les Russes de cette région située à 400 km au sud-est de Moscou et les Alsaciens de l’association Pèlerinage Tambov qui, depuis 1995, organise des voyages sur place.

« Une certaine exagération des dessins… »

Il note également que la dernière venue des Alsaciens remonte à 2018 et que les deux séjours programmés en 2020 et 2022 ont été annulés à cause de la pandémie puis de « l’opération militaire spéciale » menée par les troupes russes en Ukraine. Puis vient la partie du reportage sujette à critique.

La journaliste montre à l’historien des photos et des dessins réalisés par les prisonniers. Sur les clichés, on voit des prisonniers souriants jouant avec des ballons. Sur une autre photo, d’autres prisonniers que l’on pense libérés, marchent et semblent très bien portants. Puis viennent les commentaires : « Nous pouvons voir une certaine exagération sur les dessins », dit l’historien. Des dessins qui mettent en scène des personnages aux visages émaciés et aux corps presque squelettiques. « Dans le camp, on veillait à ce que la nourriture soit suffisante, insiste l’historien. On peut dessiner n’importe quoi mais les photos montrent la réalité. »

Pour Annie Lauffenburger, la réalité est justement tout autre. « Par le passé, j’ai eu la chance de rencontrer des rescapés de Tambov. Tout le monde sait qu’à leur libération, ils ne pesaient pas plus de 40 kg ! » « Ces photos n’ont pas été prises à Tambov, souligne l’historien Claude Herold, également membre de l’association. Comment peut-on penser que les prisonniers pouvaient participer à des tournois de football ! », fait évoqué par Valery Tcherkessov.

La fin du reportage est un appel du pied lancé aux Alsaciens pour qu’ils reviennent à Tambov. « Nous continuons à les inviter à venir ici et nous leur disons constamment que tout ira bien », dit l’historien, qui ajoute cependant que les Français n’osent pas franchir le pas à cause de l’image de la Russie véhiculée par la France.

« Ils nous accueilleraient les bras ouverts ! »

Annie Lauffenburger aimerait bien amener ses enfants à Tambov. Marlène Dietrich, présidente de Pèlerinage Tambov, n’attend qu’une chose : pouvoir se recueillir sur la tombe de son père. « Les gens sur place nous accueilleraient les bras ouverts ! », assure Annie Lauffenburger. Mais la guerre en Ukraine rend impossible un tel voyage. Seule consolation, le cimetière continue d’être entretenu par les correspondants russes de l’association.