Par
Antoine Blanchet
Publié le
15 mai 2025 à 18h02
La chemise est blanche. La voix douce. La coiffure impeccable. On pourrait croiser Jean* le vendredi en afterwork avec des collègues ou le dimanche à la messe en famille. Pourtant, ce mercredi 14 mai 2025, c’est sur le banc des prévenus du tribunal correctionnel de Paris qu’on le retrouve. Seul. L’informaticien de 42 ans comparaît pour des faits bien plus sombres que son apparence. Il aurait agressé sexuellement 17 fillettes dans les transports en commun et filmé 69 autres à leur insu. L’âge des victimes va de 3 à 17 ans. Le père de famille a été condamné à deux ans de prison ferme.
Interpellation dans le métro
Toute l’affaire commence par des cris dans le métro. Le 13 novembre 2024, un père prend un homme en flagrant délit d’agression sexuelle sur sa fille âgée de 10 ans. Ce dernier vient de lui toucher les fesses avec le dos de sa main. L’individu est alors interpellé par la police. Jugé en comparution immédiate, il est condamné à une peine de 18 mois de prison dont six fermes.
L’affaire ne s’arrête pourtant pas là. Les enquêteurs décident d’inspecter les appareils électroniques du quadragénaire, car comme l’a montrée l’affaire Pelicot, ordinateur peut parfois rimer avec horreur. Les policiers ont vu juste. Des centaines de vidéos et photos pédopornographiques sont dissimulées dans les disques durs.
Chasse à l’Aquaboulevard et dans le métro
Outre des photos et vidéos de fillettes contraintes à des actes sexuels trouvées sur le darknet, des fichiers « faits maison » sont découverts. On y voit le prévenu filmer sous les jupes de fillettes dans des commerces. À l’Aquaboulevard, piscine du 15e arrondissement, il enregistre des petites filles en train de se déshabiller dans les vestiaires.
« Je mettais mes lunettes de plongée sur le téléphone pour qu’elles ne soient pas génées par la caméra », explique le prévenu à la barre.
« Non non, vous faisiez ça pour ne pas vous faire prendre », le coupe sèchement la présidente.
« Je ne voulais traumatiser personne », maintient l’intéressé.
Un nouveau cap est pourtant franchi dans les transports en commun. Jean se filme dans le métro en train de toucher les fesses de petites filles. Sur la période allant de 2018 à 2024, les enquêteurs listent 17 victimes âgées de 8 à 16 ans. « Je me disais que qu’elles ne sentaient pas ma main, car elles ne réagissaient pas. Je me dis maintenant que c’était par peur ou par choc traumatique », bafouille Jean. Face à lui, personne pour répondre. Si les mamans de deux victimes se sont constituées parties civiles, elles ne sont pas présentes dans la salle.
Pédophile 3.0
Informaticien de profession, le prévenu met ses connaissances au service de sa perversion. Via l’intelligence artificielle, il génère des photos dénudées de fillettes de son entourage. Au total, plus de 200 photos de ce type sont découvertes.
Possesseur d’un casque de réalité virtuelle, il achète une application qui modélise de jeunes femmes avec qui il peut assouvir ses fantasmes. « Heureusement qu’on vous a interpellé monsieur, car à la fin, ils ne sont plus virtuels les gens », lance la présidente.
Un mentor en vice
Cette somme glaçante de faits, le père de famille les reconnaît. D’une voix hésitante, presque implorante, il explique avoir été « mal aiguillé » dans son parcours sexuel. Mère absente, harcèlement scolaire… Après des années de rejet, Jean aurait fait une funeste rencontre en la personne de Lionel*, un ami de son père. « C’est le premier adulte qui m’a accepté. Il me montrait des images pédophiles. J’y ai pris goût. Et si je quitte Lionel, je quitte ce père de substitution ». « Ça ne serait peut-être pas plus mal », se permet la présidente.
La transgression délictueuse, banalisée par Lionel, dévore alors d’années en années le jeune homme. « Petit à petit, on en veut plus. C’est comme un muscle. Plus on l’alimente, plus il grossit ». Malgré le mariage et la paternité, rien n’arrête la pédophilie de Jean, qui va jusqu’à toucher les fesses d’une jeune voisine à côté de ses enfants. « À ce moment, je pense que vous êtes envahi par votre désir, c’est choquant monsieur ! », s’exclame la présidente.
Le prévenu repenti ?
« À l’époque », « Avant… ». Lorsqu’il évoque sa perversion sexuelle, le prévenu la conjugue au passé. Durant l’audience, il le rappelle à la moindre occasion : il a changé. Le prédateur s’est fait agneau. Docteur Jekyll a vaincu Mister Hyde. « Aujourd’hui, je n’ai plus du goût à ça », assure Jean. Le choc carcéral de sa première condamnation et le début d’une thérapie auraient eu raison de ses démons. « Ce n’est pas si simple. La prise en charge sera lourde », tempère la présidente. Une réserve partagée par l’expert psychiatre ayant examiné l’informaticien.
Jean affirme pourtant que sa vie a retrouvé de sa stabilité. Ses relations avec sa femme se sont apaisées. Il a même trouvé un nouveau travail, accessible en trottinette électrique. Le repentir de l’informaticien est-il sincère ? Sa peur de la prison, elle, semble réelle. Détenu à Fleury-Mérogis (Essonne) pendant plusieurs mois, le prévenu en garde un souvenir traumatisant : « J’ai eu peur pour ma vie et celle de ma famille. J’ai vu un pédophile se faire tabasser dans la cour ».
Le tribunal a décidé de le condamner à deux ans de prison ferme avec mandat de dépôt. Le prévenu dispose de dix jours pour faire appel de la décision.
*Les prénoms ont été modifiés
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