Dès le début de l’invasion russe en Ukraine il y a plus de trois ans, des milliers de volontaires étrangers sont venus prêter main forte à l’armée ukrainienne. Parmi ces volontaires, originaires d’une cinquantaine de pays, on retrouve également des asiatiques.

Témoignages exclusifs pour RFI de volontaires asiatiques en Ukraine, recueillis par Hermine Roumilhac de la rédaction chinoise.

Ils s’appellent Pan, Jack et Edwin. Ils ont respectivement 26 ans, 25 ans et 50 ans. Tous les trois se sont engagés en soutien à un pays agressé par son voisin puissant et autoritaire. En écho à leur propre situation : la crainte d’une invasion chinoise de Taïwan ou la lutte contre l’oppression de la Chine depuis que Pékin a imposé la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong.

Pour Pan, un vétéran des marines taïwanais qui s’est rendu en Ukraine à trois reprises et qui a vu mourir son ami sur le front, l’engagement vise à acquérir une expérience au combat. « L’expérience nous sera bénéfique pour défendre notre île et transmettre ce que nous avons appris à l’armée taïwanaise. Nous voulons transmettre à notre armée et à nos concitoyens ce que cela signifie de se battre pour de vrai. La guerre c’est quelque chose d’effroyable, cette horreur ne s’apprend pas dans les films ou les jeux vidéo. C’est brutal et on espère que cela n’arrivera pas entre les deux rives du détroit de Taïwan. Notre île est petite, nous n’avons pas de refuge. Si une guerre éclate ce seront les gens ordinaires qui en paieront le prix et qui en souffriront ».

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« Si vous voulez que les autres se sacrifient pour vous, vous devez faire le premier pas »

Jack Yao, lui s’est engagé en 2022 dans la Légion géorgienne, à la suite de l’appel international lancé par le président Zelensky dès le début du conflit. Se disant incompétent au combat et incapable de tuer, Jack s’occupe principalement de logistique, de médecine et de transport. « Les raisons qui nous ont poussées à nous engager sont en liens avec une éventuelle invasion de la Chine. On s’interroge sur l’aide américaine et s’ils enverront des soldats ou pas. Pourquoi ces pères, fils ou maris américains iraient combattre sur une petite île en Asie ? Beaucoup de gens n’ont jamais entendu parler de l’Ukraine avant. Autrement dit, si vous voulez que les autres se sacrifient pour vous, vous devez faire le premier pas ! », dit-il.

« Il était de mon devoir de venir aider à mon tour »

Edwin est originaire de Hong Kong, il a servi dans la marine royale britannique, c’est un militaire professionnel. Il a quitté son île natale après la répression des mouvements pro démocratie en 2019 pour se rendre en Grande-Bretagne. Il est aujourd’hui officier de la marine ukrainienne. « Les Ukrainiens ont soutenu le mouvement des parapluies en 2014 et notre mouvement pro démocratie en 2019. Je suis le seul Hongkongais ici. Je suis déçu et je me sens très seul. Je n’ai jamais rejoint la légion internationale parce que j’étais soldat de la Royal Navy dès l’âge de 18 ans. Quand je suis arrivé, j’ai signé pour trois ans dans la marine ukrainienne. J’ai été blessé à la tête, au visage, aux oreilles, aux jambes et à la taille. Mais cela ne m’a pas empêché de repartir en mission. Mon travail consiste à aller en territoire russe pour du repérage et de faire un rapport à mon retour. Quand les Ukrainiens me demandent pourquoi je suis venu les aider, je réponds, parce que les Ukrainiens nous ont aidé. Il était de mon devoir de venir aider à mon tour », raconte-t-il.

Selon Pan, notre premier interlocuteur qui va publier en juillet à Taïwan un livre sur son expérience sur le front ukrainien, un tiers des 23 000 à 25 000 volontaires étrangers mobilisés en Ukraine ont été tués au combat.

Après l’entretien Jack, employé dans le commerce à Taipei est reparti avec Edwin l’officier hongkongais sur le front de la mer Noire, dans le sud de l’Ukraine. Tous ces volontaires ont été accueillis via une association qui a servi de point de contact. L’association a été fondée par un Allemand d’origine chinoise. Cet ancien policier gère la logistique et le transfert en Ukraine des engagés d’origine chinoise et asiatique.

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