Les photos d’Anne van der Stegen « Marseille dans la peau » exposées à la Vieille Charité dans le cadre de « Tatouage. Histoire de la Méditerranée ». / Photo Loane Baltus
« Le tatouage est un art populaire relié à notre humanité », a déclaré Benoît Payan, le maire de Marseille, en introduction de la visite presse de Tatouage. Histoires de la Méditerranée, au Centre de la Vieille Charité. Elle sera ouverte au public dès ce samedi 17 mai au soir, dans le cadre de la Nuit des Musées, avec de nombreuses animations. « Mais c’est aussi quelque chose qui nous relie à des objets du passé », a poursuivi le maire.
Et c’est en effet l’intention de cette exposition. Un voyage dans le temps, à travers les civilisations de la Méditerranée, de l’Antiquité à nos jours. Plus de 275 objets (matériel de tatouage, documents, œuvres, vases etc.) sont visibles, issus de plus de 70 musées internationaux ou collections privées étrangères.
Les tatouages religieux
Une histoire instructive du tatouage, avec des aspects parfois méconnus, qui intéressera notamment le visiteur féru d’Histoire. Esquissant un panel des symboles paradoxaux que le tatouage a revêtu au fil du temps et des régions : symbole religieux, symbole d’appartenance, symbole de séduction, d’exclusion raciste, symbole punitif ou d’émancipation.
Le visiteur voyage en Espagne, en France, à Chypre, en Syrie mais aussi dans l’Égypte ancienne, en Grèce, dans les Balkans et en Italie. Il découvre une importante collection de tampons de tatouage religieux d’Italie, de Jérusalem ou d’Égypte du XVIIIe et XIXe siècle.
Le tatouage au Maghreb
Un focus est également fait sur le tatouage dans les pays du Maghreb, d’hier à aujourd’hui. Avec notamment sa pratique dans les traditions amazighes, dites aussi berbères. La culture amazighe, à laquelle le Mucem consacre d’ailleurs actuellement une exposition, accorde au tatouage une signification sociale, intime, ornementale ou protectrice. Puis l’histoire du tatouage au Maghreb évolue encore avec l’Histoire et revêt une dimension politique inattendue au cours de la décolonisation des années 1960 en Algérie. Comme sur la série de photos de femmes algériennes réalisées par Marc Garanger à cette époque.
Mode et art contemporain
Mais si le tatouage est intimement lié à l’Histoire, il est aussi une grande source d’inspiration dans l’art contemporain ou dans la mode. Comme pour l’artiste Denis Martinez, membre fondateur du mouvement Aouchem en Algérie, et qui a réalisé pour cette exposition une œuvre éphémère inédite. Ou encore l’artiste iranien Alireza Shojaian qui, à travers ses toiles, donne une nouvelle lecture du tatouage et du masculin.
Côté mode, les tenues de Jean-Paul Gaultier ou encore la robe de l’actrice Cate Blanchett créée sur-mesure par le Marseillais Yacine Aouadi en 2015, jouent avec les broderies en transparence et les trompe-l’œil.
L’exposition « Tatouage. Histoires de la Méditerranée » à la Vieille Charité jusqu’au 28 septembre. / Photo A.A.Marseille tatouée au corps
Mais ce qui retiendra l’attention du grand public est certainement le rapport entre Marseille et le tatouage, « un rapport charnel », comme l’a précisé Benoît Payan. « L’exposition est aussi un voyage dans Marseille et son rapport au corps très singulier », a souligné Nicolas Misery, directeur des Musées de Marseille et commissaire de l’expo. Un lien évoqué d’entrée de jeu par l’installation de la devanture vintage du premier salon de tatouage marseillais ouvert en 1978 par Monick, la première tatoueuse professionnelle, et son mari Allan. Celle qui a commencé à côté de la plage des Catalans a ouvert ce salon pour des Marines qui venaient à Marseille pour se faire tatouer par ses soins. Monick a tatoué une bonne partie des Marseillais, dont la communauté des bikers.
« Marseille dans la peau » par Anne van der Stegen / Photo Anne van der STEGEN
Des photos de Yohanne Lamoulère et d’Anne van der Stegen donnent aussi à voir une nouvelle génération de tatoués, dont ceux qui ont Marseille dans la peau au sens littéral. Tandis que Gaëlle Matata complète cette série de photos un peu frustrante par son petit nombre, avec ses portraits de Lisa Granado, Miss Cagole 2024, où le tatouage est symbole d’émancipation et de rébellion face aux normes patriarcales.
Samedi 17 mai de 19h à minuit avec performances et tatouages (gratuit). Du mardi au dimanche de 9h à 18h (3-6€). Jusqu’au 28 septembre.