Mais cette méthode se heurte à des difficultés, car le terrain s’affaisse et des tiges de forage rompent. La bentonite (une sorte d’argile mélangée à de l’eau) utilisée pour lubrifier les forages en sous-sol, a ainsi refait surface à plusieurs reprises, parfois à quelques mètres d’une zone Natura 2000. Selon plusieurs témoignages recueillis, des écoulements ont été observés plusieurs fois.

Une vraie catastrophe écologique

« Dès le premier forage, les problèmes sont apparus », déclare Ascension, riveraine et membre de l’ASBL Bois du Val. « Il y a eu des fuites de bentonite lors du forage. Le bois est fortement endommagé. La dernière en date, c’était le 30 avril : une grosse coulée de bentonite sur les sentiers, sur une zone Natura 2000. »

« C’est une vraie catastrophe écologique », estime de son côté Anne, une des fondatrices de l’ASBL Bois du Val. « Je suis riveraine, donc je connais bien les lieux. Et il y a un écoulement de bentonite, qui est en train d’imperméabiliser les sols. Une odeur infecte s’en dégage. »

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Des dysfonctionnements techniques sont également signalés par l’ASBL Bois du Val. « Quand il y a de la bentonite qui s’enfuit, les pompes ne s’actionnent pas. Le 30 avril, 2 pompes sur 3 ne fonctionnaient pas », assure Ascension. 

Il faut l’évacuer rapidement quand il y a résurgence

« Cela fait l’objet d’un point au conseil communal chaque mois », réagit la bourgmestre de Seraing, Déborah Géradon. « De la bentonite est nécessaire pour faire le forage. C’est une substance non-nocive pour le sol. Il faut l’évacuer rapidement quand il y a résurgence. Ce que nous faisons faire à Elia. »

Déborah Géradon affirme avoir fait interrompre les travaux : « J’ai fait stopper le chantier. Pour le moment, ils sécurisent celui-ci. Je dois revoir les CEO début de semaine prochaine pour déterminer les prochaines étapes du 2e forage, car la méthode ne peut pas rester la même. »

L’ASBL Bois du Val estime actuellement que les engagements « ne sont pas tenus ». « La confiance est totalement rompue avec la Ville », affirme Ascension. « Il faut sortir de la forêt, et admettre que ce tracé n’est pas possible. »

>En savoir plus sur la connexion de la future centrale TGV a Seraing au réseau Elia
 

Elia défend sa méthodologie et annonce des mesures 

De son côté, Elia rappelle que ce chantier vise à raccorder la centrale TGV (Turbine-Gaz-Vapeur) de Seraing à son réseau haute tension via une liaison de 10 km, s’étendant sur les communes de Seraing, Flémalle et Neupré. « La liaison est aujourd’hui presqu’entièrement posée », précise Catherine Wojcicka, porte-parole du gestionnaire de réseau. « Le tronçon en question, situé entre la prairie des Macrales et le Bois de l’Abbaye, constitue la dernière étape. »

Elia reconnaît que les forages dirigés comportent des aléas. « Des résurgences de bentonite sont possibles. Le risque zéro n’existe pas », indique la porte-parole.

En cas de fuite, Elia affirme prévenir les autorités compétentes (Ville de Seraing et DNF (Département de la Nature et des Forêts)). « Un nettoyage se fait sur base d’une méthodologie convenue avec ces derniers et compte tenu des prescriptions locales et de la réalité du terrain. Cela sous-entend que le nettoyage de certaines zones peut être postposé si cela s’avère nécessaire et justifié (par exemple : sécurité, période de nidification, impact du nettoyage sur l’environnement qui demande de postposer l’opération/revoir la méthodologie, etc). »

Et de poursuivre: « Elia prend ses responsabilités très au sérieux. La finalisation de ce chantier présente certes des difficultés techniques sans précédent. Mais les méthodes utilisées sont suivies par des experts, tant au niveau des techniques de forage dirigé, que des mesures environnementales à prendre. » 

Concernant les inquiétudes des riverains sur les effets potentiels de la bentonite, Elia précise qu’il s’agit d’un matériau naturel, utilisé dans différents domaines (industrie, cosmétique, agriculture, produits pharmaceutiques, construction, etc), et présentant « peu, voire pas, d’impact environnemental », sauf « s’il stagne longtemps, auquel cas il peut altérer l’aération des sols. »

« Dans le cadre de notre chantier à Seraing, plusieurs riverains nous ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’utilisation de la bentonite en grande quantité. L’un des risques évoqués était d’avoir, en cas de fuite, un potentiel effet néfaste sur le sol, le rendant moins perméable, mais également la crainte d’avoir un écoulement dans le ruisseau en contrebas », indique Catherine Wojcicka, la porte-parole d’Elia.

Des dispositifs ont été déployés sur le chantier (bacs de décantation, filtres à paille, pompes) afin d’empêcher toute contamination du ruisseau en contrebas. « En cas de fuite de bentonite, ces dispositifs recueillent et contiennent les écoulements. Si des résurgences sont constatées en dehors de ces zones aménagées, ces dernières sont identifiées, dirigées vers les dispositifs en place si possible et/ou ramassées et recolletées dans des grands sacs hermétiques afin d’être évacués par la suite, toujours en concertation avec les instances concernées. (…) Actuellement, la bentonite est nettoyée dès qu’il y a une résurgence. Toutefois, en accord avec les interlocuteurs précités, certaines zones seront nettoyées ultérieurement (sécurité, nidification, …). »

Enfin, Elia insiste sur le caractère temporaire des perturbations. « Chaque zone de chantier est remise en état après les travaux. Un inventaire environnemental sera réalisé en fin de chantier par un écologue mandaté, qui établira un plan de compensation à valider par la Ville et le DNF », assure Catherine Wojcicka.