C’est Élisabeth Borne, alors Première ministre, qui avait annoncé la mesure à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2023. Ce jour-là, l’ex-locataire de Matignon, aujourd’hui ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement de François Bayrou, avait indiqué vouloir « dès la prochaine loi de finances (pour 2024, NDLR), mieux mobiliser l’outil fiscal pour favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ».

Un souhait qui a pris la forme, quelques mois plus tard, d’un amendement porté par la députée (Ensemble pour la République) Marie-Pierre Rixain et adopté dans la loi de finances pour 2024. Celui-ci vient aménager, à compter du 1er septembre 2025, « le prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu pour les couples mariés ou liés par un pacte civil de solidarité et soumis à imposition commune ». Sans que cela ne modifie, en définitive, le montant global d’impôt sur le revenu à acquitter pour le foyer fiscal.

Taux individualisé

Concrètement, à la rentrée, les couples mariés ou pacsés et soumis à imposition commune se verront appliquer, par défaut, un taux de prélèvement à la source individualisé. « Les couples déjà mariés ou pacsés et soumis au taux foyer seront automatiquement basculés au taux individualisé, sauf option contraire de leur part durant la campagne déclarative », précise la Direction générale des finances publiques (DGFiP).

L’objectif de la mesure est simple : appliquer « un mode de calcul qui évite de pénaliser le conjoint ayant les plus faibles revenus par un taux d’imposition disproportionné », selon la députée Rixain. Une difficulté qui touche principalement les femmes qui « gagnent 22 % de moins que les hommes en moyenne » tout temps de travail confondu dans le secteur privé, selon l’Observatoire des inégalités.

Il sera toutefois possible de demander à l’administration fiscale, pendant la campagne déclarative, de ne pas appliquer le taux individualisé. Et de conserver ainsi un taux pour l’ensemble du foyer.

« C’est une excellente mesure, réagit auprès deLa TribuneHéloïse Bolle, conseillère en gestion de patrimoine et fondatrice d’Oseille & Compagnie.Maispermettre aux contribuables de conserver un taux unique constitue une faille dans le système, car on sait que dans les couples où il y a des tensions liées à l’argent, c’est celui qui a le pouvoir financier qui décide. C’est donc laisser la porte ouverte à l’iniquité au sein des ménages.»

Pour rappel, aujourd’hui, la logique fiscale est à front renversé. L’administration fiscale calcule, par défaut, un taux (mal nommé) personnalisé pour l’ensemble du foyer, fixé à partir de la dernière déclaration de revenus. « Il est le même pour chacun des conjoints », précise Bercy. Si un ménage ne fait pas la démarche d’enclencher le taux individualisé et en cas d’écart de revenus important, le conjoint qui gagne le moins est donc pénalisé.

Pour illustrer le nouveau mécanisme, voici deux exemples fournis par Bercy :

  • Françoise et Jules, un couple sans enfant. Françoise gagne 1 600 euros par mois, Jules 3 500 euros par mois. Après abattement de 10 %, le couple a un revenu net imposable de 55 080 euros et doit payer 3 574 euros d’impôt.

Avec le taux personnalisé du foyer, les revenus de Françoise et Jules sont prélevés à hauteur de 5,8 % sans distinction, soit 93 euros pour Françoise et 203 euros pour Jules (296 euros, au total, par mois).

L’application d’un taux individualisé à chaque membre du couple change la donne. Le prélèvement de Françoise passe à 0,4 % (6 euros par mois) et 8,3 % pour Jules (290 euros par mois).

Le montant du prélèvement reste inchangé : 296 euros par mois.

  • Julie et Kamel, un couple avec deux enfants. Julie gagne 1 600 euros par mois, Kamel 3 500 euros par mois. Après abattement de 10 %, le couple a un revenu net imposable de 55 080 euros et doit payer 1 820 euros d’impôt.

Avec le taux personnalisé du foyer, les revenus de Julie et Kamel sont prélevés à hauteur de 3 % sans distinction, soit 48 euros pour Julie et 105 euros pour Kamel (153 euros, au total, par mois).

L’application d’un taux individualisé à chaque membre du couple modifie la situation. Le prélèvement de Julie tombe à 0 % (0 euro par mois) et celui de Kamel grimpe à 4,4 % (153 euros par mois).

Le montant du prélèvement reste inchangé : 153 euros par mois.

Pendant la déclaration de revenus, retrouvez notre série Impôts 2025