Un médecin luttant contre l'épidémie de chikungunya à la Réunion.La France métropolitaine ne peut pas être touchée par une épidémie de chikungunya, comme celle qui sévit actuellement sur l’Île de la Réunion. © Freepik

Avec 81 départements touchés, l’immense majorité de la France métropolitaine est désormais colonisée par le moustique-tigre. Débarqué discrètement dans le Midi au début des années 2000, l’insecte s’est peu à peu propagé, suscitant depuis une dizaine d’années l’intérêt, sinon l’inquiétude, des épidémiologistes. Aedes Albopictus est en effet l’un des principaux vecteurs de maladies tropicales comme la dengue, le chikungunya ou le virus Zika.

Si la Réunion fait face à une violente épidémie de chikungunya, le territoire métropolitain n’est pas concerné. Pas encore. Car le réchauffement climatique est en train de lui offrir, peu à peu, les conditions dans lesquelles ces maladies pourraient s’épanouir.

“En 2024 en France hexagonale, 4 683 cas importés de dengue, 34 cas importés de chikungunya, 8 cas importés de Zika et une co-infection dengue-chikungunya, ont été signalés”, annonce le 15 mai Santé publique France, qui signale aussi un premier “cas autochtone de chikungunya”.

Dans un communiqué du même jour, l’agence plante le décor pour 2025 : “depuis début 2025, Santé publique France comptabilise déjà plus de 1100 cas importés de dengue et plus de 900 cas importés de chikungunya. Au-delà du risque de circulation de la dengue, ce début d’année 2025 est en effet marqué par un risque particulièrement accru d’importation et de circulation du virus du chikungunya en métropole en raison des épidémies en cours sur les territoires de La Réunion et de Mayotte. Cette situation fait craindre la mise en place d’une circulation autochtone de ces maladies dans les prochaines semaines”.

Les autorités sanitaires en appellent donc à la vigilance. Mais faut-il pour autant s’inquiéter d’une véritable épidémie ? Spécialiste en maladies infectieuses et médecine tropicale au CHU de Grenoble, le Pr Olivier Épaulard évacue les excès de psychose et rassure sur les faibles perspectives à court terme d’un tel scénario. Tout en confirmant la possibilité que cela devienne réalité dans quelques années.

Moustique-tigre : on peut s’inquiéter, “mais pas pour la semaine prochaine” Comment le moustique-tigre, un insecte tropical, est-il parvenu à s’établir en France ?

Cela fait surtout une dizaine d’années que l’on suit l’implantation progressive du moustique-tigre, depuis le sud vers le nord. Il est arrivé avec la circulation internationale, en particulier par bateau. Si le climat lui est favorable, le moustique-tigre peut s’implanter partout. C’est ce qui se produit actuellement en Europe, probablement en raison du réchauffement climatique.

Faut-il s’inquiéter d’un tel phénomène ? Pr Olivier Épaulard, CHU de Grenoble.Pr Olivier Épaulard, CHU de Grenoble. © DR

Oui, mais pas pour la semaine prochaine. La présence du moustique-tigre rend possible le fait que certaines maladies, pour lequel il est conducteur, puissent circuler, comme la dengue, le chikungunya ou le Zika.

Le scénario actuellement possible serait que quelqu’un, porteur du virus, arrive en France métropolitaine, où il serait piqué par un moustique-tigre qui deviendrait ainsi vecteur et pourrait aller piquer quelqu’un d’autre en lui implantant l’infection. Cela se passe au quotidien dans les pays où ces virus circulent. Et si cela n’a quasiment jamais été le cas en France métropolitaine, on sait que cela peut arriver, et cela nous invite à faire preuve de vigilance.

Quelle est la différence entre un cas importé et un cas autochtone ?

On parle de cas importé lorsque le diagnostic est effectué chez des voyageurs rentrant de pays tropicaux. Les cas autochtones, plus inquiétants mais aussi bien plus rares, concernent des personnes n’ayant pas voyagé et présentant une infection transmise par ces moustiques tropicaux.

Dengue, Zika, chikungunya : et les autres maladies ? Hormis la dengue, le chikungunya ou Zika, existe-t-il d’autres virus moins connus transmis par les moustiques ?

Le virus West Nile (ou virus du Nil occidental) a montré un potentiel épidémique parfois préoccupant, en particulier en Amérique du Nord. Ce virus est transmis par un autre genre de moustique, Culex. Mais les cas restent rares en France, même s’il a été identifié en Camargue.

Le moustique-tigre ne peut-il pas aussi transmettre le paludisme ?

Non, le paludisme, qui n’est pas un virus mais une maladie transmise par un parasite, n’est pas véhiculé par le moustique-tigre, ou Aedes albopictus, mais par un autre genre de moustique appelé Anophele.

On considère le moustique comme la première menace animale dans le monde. Mais peut-on accabler le moustique de tous les maux ?

Un moustique ne transmet pas n’importe quelle infection. D’abord, chaque virus ou bactérie est adapté à un genre de moustique. Ensuite, un grand nombre d’infections présentes dans le sang, comme le VIH ou l’hépatite B, ne sont pas transmises par les moustiques. C’est le cas aussi de la borréliose de Lyme, dont on parle beaucoup mais qui est transmise par les tiques, pas par les moustiques.

Faible risque épidémique : “ce sera peut-être différent dans quinze ans” Quels sont les risques actuels en France si l’on est piqué par un moustique ? Le moustique-tigre.Aedes albopictus, le fameux moustique-tigre. © Pixabay

Actuellement aucun. Il n’y a pas de paludisme ou de fièvre jaune en France métropolitaine, et les cas autochtones de Zika, de dengue et de chikungunya sont extrêmement exceptionnels. Pour l’instant, nous n’avons donc pas de raison d’être inquiet après une piqûre de moustique.

Il existe des vaccins contre la dengue, le chikungunya, la fièvre jaune. Mais ils ne sont pas recommandés en France métropolitaine à ce jour et n’ont aucune raison de l’être. Toutes ces maladies dites arboviroses ne sont quasi pas implantées en France. Après, ce sera peut-être différent dans quinze ans…

N’est-ce pas contradictoire avec les discours alarmistes, notamment concernant le moustique-tigre ?

Non, car le discours ne porte pas sur le virus, mais sur le vecteur. On ne dit pas que les maladies sont là, on dit que les conditions pour que les maladies s’implantent sont en partie réunies. L’idée est de ne pas faire preuve d’inquiétude, mais de vigilance, car cela n’est pas impossible dans les mois ou les années qui viennent. Ce n’est pas de la science-fiction, c’est tout à fait possible !

À quelle échéance cette menace peut-elle planer sur la France métropolitaine ?

Si le scénario est plausible, il est impossible de dire quand. Le réchauffement climatique va accroître les bonnes conditions offertes au moustique-tigre, à qui nos hivers font encore beaucoup de mal. Plus ceux-ci seront doux, plus le moustique s’implantera. Et on ne peut rien contre des événements de malchance, liés au retour de tel voyageur de tel pays où circule tel virus.

Coqueluche et rougeole jugées plus inquiétantes Comment se protéger contre le moustique-tigre ? Et contre les virus qu’il transmet ?

Le plus simple est d’éviter les eaux stagnantes sur son balcon ou dans son jardin, qui facilitent son gîte. Et ce surtout dans les zones où les infections circulent. Mais c’est à peu près tout. Actuellement, le moustique-tigre n’est pas un enjeu de santé publique, mais un simple objet de vigilance : il n’y a donc pas de nécessité à se protéger contre le moustique-tigre, hormis contre sa piqûre, qui fait un peu mal.

N’est-on pas tout simplement échaudé, dans nos discours de prévention, par les proportions prises par l’épidémie de Covid-19 ?

C’est normal que les gens se posent la question, mais nous ne pouvons pas comparer une transmission respiratoire, pour laquelle il suffit de se trouver aux côtés d’un porteur, et une transmission par vecteur. Si vous êtes assis à côté d’une personne porteuse d’une encéphalite à tique, d’un paludisme, d’un Zika, d’une fièvre jaune, d’un chikungunya ou d’une maladie de Lyme, vous ne risquez absolument rien ! Car il n’y a pas de transmission interhumaine sans vecteur.

L’été s’annonce donc serein ?

Tout à fait. Pour l’instant, il ne faut pas se dire que l’on court un risque viral si on se fait piquer par un moustique. Peut-être que dans quelques années, on réagira différemment. En attendant, en termes de hiérarchisation des menaces, ce n’est pas cela qui m’inquiète cette année, à l’inverse de la coqueluche ou de la rougeole, en recrudescence notamment chez les personnes qui sont mal ou non vaccinées.

À SAVOIR

Le moustique serait responsable chaque année dans le monde de plus de 800 000 décès, dont plus de 600 000 par paludisme, selon l’OMS. Ce qui en fait l’animal le plus meurtrier de la planète, très loin devant le serpent ou le requin…

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