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Rédaction Rennes

Publié le

17 mai 2025 à 12h04

Il s’agissait d’un simple « œdème » pour le corps médical. Pourtant, les séquelles sont désormais inscrites à vie pour cette petite fille, alors grande prématurée, en 2014, lors de sa prise en charge à l’Hôpital Sud.

Un couple de commerçants rennais a demandé au tribunal administratif de Rennes, ce vendredi 16 mai 2025, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes à les indemniser des préjudices résultant des « fautes » dans la prise en charge d’un de leurs jumeaux nés prématurés.

« Un gonflement de la cuisse »

Ce couple de commerçants du centre-ville de Rennes – déjà parents d’un petit garçon alors âgé de deux ans – avait en fait accueilli des jumeaux le 12 mars 2014. Leur grande prématurité avait justifié « une prise en charge néonatale » à l’Hôpital Sud et leur petite fille avait bénéficié d’une alimentation par « voie veineuse ».

Alors qu’il avait seulement quatre jours, le bébé avait présenté « un gonflement de la cuisse », dans la soirée du 16 mars 2014, et les personnels soignants présents avaient dans un premier temps conclu à « un simple œdème » lors de leur passage vers « 20h30 ».

Mais vers « minuit », il avait cette fois été décidé d’ôter le bandage et les équipes médicales s’étaient aperçues que le nourrisson présentait des « lésions cutanées majeures » et des « zones violacées », au point que l’enfant souffrait d’une « nécrose » et d’une « ischémie » qui nécessiteront par la suite de nombreuses « interventions chirurgicales ».

Des séquelles encore aujourd’hui

Le « soluté » s’était en fait « diffusé hors de la veine » et « dans les tissus » ce qui avait entraîné « une diminution de la vascularisation » et « une destruction des tissus ».

Aujourd’hui, la petite fille de 11 ans conserve « des séquelles » sur la jambe et le pied – et notamment un écart de « 8 cm entre les deux jambes ». Ses parents considèrent donc que le CHU de Rennes a commis des « fautes » lors de la prise en charge de cette grande prématurée et ont sollicité en conséquence la condamnation de l’établissement de santé à leur verser 203 000 euros.

« Un défaut de surveillance »

« Il y a bien eu un défaut de surveillance », a confirmé le rapporteur public lors de l’audience publique ce vendredi 16 mai 2025 : l’infirmière puéricultrice était supposée « contrôler toutes les deux heures » et « assurer la traçabilité des soins » mais « 3h30 » se sont finalement écoulées entre ses deux passages.

Sans ce défaut de surveillance, l’enfant aurait eu 100 % de chances d’avoir une jambe gauche intacte.

Médecin-expert chargé de se prononcer sur les responsabilités du CHU de Rennes

L’enfant – qui « a fait preuve d’un courage sans faille », selon son avocate – avait par ailleurs enduré des « souffrances importantes », évaluées à 5 sur une échelle de 0 à 7. À ce jour, son état de santé n’est « toujours pas consolidé », a aussi précisé le magistrat chargé de formuler des préconisations au tribunal.

La petite fille avait aussi dû bénéficier d’une « assistance par tierce personne », d’abord à raison de trois heures par jour, puis de deux heures à compter de 2020. Elle ne pourra par ailleurs « jamais pratiquer les activités sportives de son âge », a soupiré son avocate.

« Amputer » la jambe, selon le médecin

Sa mère – alors salariée – avait même dû « cesser de travailler » après que le chirurgien lui a fait « une annonce brutale » : il avait dit, devant la fillette et ses deux frères, qu’il n’y avait « qu’une solution » consistant à « amputer » la jambe. Finalement, les parents se sont « démenés » pour faire soigner leur fille à l’hôpital Necker, à Paris, et sa jambe a pu être sauvée.

Du point de vue du magistrat, cette démission professionnelle de la mère s’explique toutefois davantage par « la grande prématurité » des jumeaux que par les « fautes » de l’hôpital. Il n’y a donc pas lieu, selon lui, d’indemniser sa « perte de revenus ».

« L’assistance des parents auprès d’un enfant présentant un handicap se fait souvent au détriment des femmes, c’est une réalité de cette société », a rétorqué Me Aurélie Chevet, l’avocate de la famille. « Forcément, quand on a des rendez-vous toute la semaine, cela implique des incompatibilités notoires avec la vie professionnelle d’une salariée. »

Une décision dans un mois

Finalement, le rapporteur public a préconisé de condamner le CHU de Rennes à verser 175 000 euros à la fillette pour l’intégralité de ses préjudices, 20 000 euros pour ses parents, 1 500 euros pour son frère aîné et 1 000 euros pour son frère jumeau.

Le tribunal administratif de Rennes, qui a mis sa décision en délibéré, se prononcera d’ici un mois environ.

CB (PressPepper)

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