«Ce programme a été pensé au même moment que l’AI Act, pour former un ensemble de dispositions destinées à renforcer le développement de l’intelligence artificielle en Europe, retrace Stéphane Requena, directeur technique et de l’innovation du Grand Équipement national de calcul intensif (Genci). Il vise à déployer des infrastructures de calcul dédiées à l’IA et à lui associer des services à haute valeur ajouté.» Propriétaire et coordinateur des trois supercalculateurs publics français, le Genci est la structure qui porte et qui co-pilotera l’AI Factory française.


Carte des 13 AI Factories sélectionnés par le programme EuroHPC lors des deux premières vagues de lauréats, en décembre 2024 et mars 2025.


Carte des 13 AI Factories sélectionnés par le programme EuroHPC lors des deux premières vagues de lauréats, en décembre 2024 et mars 2025. Crédit : EuroHPC.


La majorité des AI factories vont se traduire par l’achat de nouveaux supercalculateurs. Mais pas en France. Car l’Hexagone, et plus précisément le CEA sur son site de Bruyères-le-Châtel (Essonne), doit déjà accueillir en 2026 le supercalculateur européen Alice Recoque – nom donné en l’honneur de cette ingénieure française qui a travaillé dès les années 1950 au développement des ordinateurs. Il sera le second d’Europe d’une capacité de 1 exaflops (c’est-à-dire capable de réaliser un milliard de milliards d’opérations par seconde), après Jupiter, en construction en Allemagne.


10 à 15000 GPU dans Alice Recoque


«Alice Recoque sera le fer de lance de l’AI factory française, fait valoir Stéphane Requena. Avec possiblement de 10 à 15000 GPU [cartes graphiques] de nouvelle génération, auxquels s’ajoutent les presque 4000 GPU du supercalculateur du CNRS Jean Zay, déjà mobilisé pour l’IA, on atteindra un niveau suffisant pour répondre aux besoins actuels.»


Mais pas pour rivaliser avec un Google, Microsoft ou Amazon, dont un datacenter dédié au calcul en l’IA contient plutôt de 20 à 30000 GPU. «On ne prévoit pas d’installer à court terme de nouveaux supercalculateurs publics en France, mais on a commencé à discuter avec nos homologues du centre allemand de Juelich, qui hébergera Jupiter, de la possibilité de coupler virtuellement les deux machines. Là on aurait la force d’un Gafam», plaide le directeur technique et innovation du Genci, qui précise que Jupiter doit être équipé d’environ 24000 GPU.


Apporter de l’expertise et des services


Mais le concept d’AI Factory ne renvoie pas seulement aux machines. Il s’agit derrière d’offrir un ensemble de services, en matière de formation (en s’appuyant sur les neuf clusters déjà sélectionnés par France 2030 pour développer la formation à l’IA). Mais aussi d’accès à l’information, d’accès à de la donnée de qualité (à travers la création et la mise à disposition de jeux de données dans différents domaines), d’aide au développement de modèles d’IA et de leur diffusion en open source, liste Stéphane Requena. Pour ce faire, l’AI Factory française embarque déjà un certain nombre de partenaires, comme l’association représentative de l’écosystème France Hub IA, les centres de recherches CNRS, Inria et CEA, le réseau French Tech, l’incubateur Station F, mais aussi l’agence ministérielle pour l’IA de défense (Amiad).


«Nous discutons aussi avec certains acteurs privés de la possibilité qu’ils deviennent des partenaires associés afin de créer une continuité entre l’offre publique et celle privée souveraine, dessine Stéphane Requena, en référence à des acteurs comme Scaleway, Outscale ou OVH. Ces acteurs, qui vendent aujourd’hui du temps de calcul brut, sont intéressés à l’idée que la sphère publique les aide à développer des compétences d’optimisation et d’accompagnement, très appréciées des start-up venant travailler sur nos supercalculateurs.»


Dotée d’un budget de 30 millions d’euros sur 3 ans – dont la moitié est financée par la France, l’autre par l’Europe – l’AI Factory française va démarrer au deuxième semestre 2025, avec une pleine production visée pour début 2026. Si une incarnation physique n’est pas au programme pour l’instant, Stéphane Requena n’exclut pas cette option. Une des pistes serait de créer un bureau dans chaque capitale et communauté de la French Tech, pour être présent sur tout le territoire.