Deux évasions, à deux années d’intervalle. C’est le palmarès de Bernard V., dont le visage, en ce mardi 14 mai 1985, s’affiche à la une de La Tribune-Le Progrès. La veille en début d’après-midi, le jeune homme vient de réussir à s’évader de la maison d’arrêt de La Talaudière (*).
L’évasion se joue en un rien de temps, aux alentours de 14 heures. Le détenu parvient d’abord à s’échapper de la cour de promenade en escaladant le grillage haut de 4 mètres. « Mais cela ne suffit pas pour s’évader d’une maison d’arrêt. Reste le mur d’enceinte, et c’est là qu’intervinrent les complices », décrit notre journaliste Bernard Bonfanti, dans l’édition du mardi 14 mai 1985.
Quatre coups de feu
Le scénario est bien rodé. « Se glissant derrière un véhicule de livraison qui franchissait le portail, trois hommes à bord d’une Renault R11 blanche bloquèrent la grille électrique avec leur voiture. L’un des hommes, coiffé d’une cagoule, sortit une arme de poing et tira à quatre reprises sur la guérite des gardiens pour les empêcher d’intervenir. »
Dans le même temps, le fugitif parvenait à rejoindre ses complices et les quatre hommes s’engouffraient dans une voiture Rover stationnée devant la maison d’arrêt. Malgré les tirs de riposte des surveillants, le véhicule parvient à s’enfuir. « Le tout avait duré à peine une minute », précise notre reportage.
Rapidement, l’enquête débute. Elle permet d’établir que les deux voitures utilisées pour l’évasion ont été volées, la nuit précédente, à Saint-Chamond. Mais pas de traces des fuyards à Marseille, ville où on suppose que Bernard V. aurait pu trouver refuge, puisque c’est là qu’il avait été interpellé après sa première évasion.
Repris deux semaines plus tard, sur un hold-up
Pendant deux semaines, l’enquête piétine. Pas de trace de Bernard V., ni à Saint-Étienne, ni à Marseille. Et c’est finalement à l’opposé, dans la région de Chaumont en Haute-Marne, qu’il réapparaît, le mercredi 29 mai 1985.
Ce jour-là, un hold-up est commis dans une banque. Les malfaiteurs armés se font remettre 150 000 francs et s’enfuient en voiture… Mais ils sont coursés par les forces de l’ordre. Abandonnant leur véhicule sur l’autoroute, ils s’échappent à pied et l’un d’eux se fait prendre : c’est Bernard V., le fugitif stéphanois.
Retour à la case départ.
(*) La maison d’arrêt de La Talaudière, en 1985, comptait 504 détenus pour 178 places.
De la petite délinquance au grand banditisme
Natif du Chambon-Feugerolles et âgé de 21 ans en 1985, Bernard V. avait connu une ascension rapide dans « le milieu » stéphanois. D’abord connu pour de petits délits (vols, cambriolages, coups et blessures avec arme), il réalise son premier fait d’armes en août 1983, lorsqu’il parvient à s’évader du Palais de justice de Saint-Étienne.
Placé dans une cellule dans l’attente d’un jugement, il avait profité qu’un barreau avait été tordu par un précédent détenu (et mal redressé ensuite) pour se glisser dans une faille de 18 centimètres et s’échapper.
Sa cavale avait duré un an, jusqu’à ce qu’il ne soit appréhendé à Marseille, après avoir évolué « de la petite délinquance au grand banditisme ». Il tombe en effet lors du démantèlement d’un trafic d’armes de guerre, et son évasion de mai 1985, orchestrée au millimètre, avait confirmé les soupçons des policiers quant à son appartenance à un gang.