Des liasses de billets plein les mains, des sacs remplis de produits stupéfiants à leurs pieds… et des dizaines de milliers de vues sur internet. À Rennes, les jeunes dealers sont de plus en plus nombreux à filmer leur activité sur les réseaux sociaux. Notamment via la plateforme TikTok qui est la plus utilisée par les adolescents.

Sur le réseau social, les séquences tournées sur des points de deals de Villejean, de Maurepas, du Blosne ou encore de Cleunay sont devenues omniprésentes. Le Télégramme a visionné plus d’une cinquantaine de vidéos postées au cours des derniers mois. On y découvre le quotidien de ces jeunes délinquants qui vivent au rythme du trafic de drogue.

Mise en scène

Des vidéos dans lesquelles ils n’hésitent pas à s’afficher à visage découvert, à partager leurs discussions en toute décontraction, à faire la publicité de leur point de deal en roulant des mécaniques et surtout à afficher leur niveau de vie largement au-dessus de la moyenne du quartier. Certains affirment se faire jusqu’à 250 € par jour pour un simple rôle de guetteur.

« Ils se mettent en scène, c’est de la communication », analyse Frédéric Gallet, secrétaire du syndicat Alliance Police en Ille-et-Vilaine. « Ceux qui sont mineurs savent qu’ils ne risquent pas grand-chose. Ils montrent leurs billets, leurs fringues de luxe… Forcément, ça fait fantasmer les plus jeunes et ça crée des vocations. Quand les petits voient le niveau de vie des grands frères, ils ont aussi envie de gagner leur vie et devenir un cador ».

Un effet de banalisation

Grâce aux réseaux sociaux, ils peuvent ainsi toucher une cible beaucoup plus large. Certains contenus publiés sur TikTok cumulent plusieurs centaines de milliers de vues. Postée en février dernier, une vidéo nommée « le plus jeune guetteur de France » a été visionnée près d’un million de fois. Sur la séquence, on observe un jeune garçon qui paraît avoir à peine 10 ans en plein travail de surveillance sur un point de deal dans le sud de Rennes.

« Ils se servent des outils modernes pour montrer qu’ils sont les plus forts », abonde David Leveau du syndicat SGP Police. « Regardez-nous ! On deal peinard, on tire à la kalash, on vit la grande vie… Ça contribue à banaliser le trafic auprès des plus jeunes. Ça a toujours existé mais aujourd’hui c’est complètement démultiplié par les réseaux sociaux. On assiste à un vrai rajeunissement des nouvelles recrues ».

Toujours plus de points de deal

En regardant les commentaires sous les publications des réseaux sociaux, on peut constater que la stratégie fonctionne. « Y a de la place pour bosser ? », questionnent plusieurs jeunes adolescents. Il faut dire que les besoins sont toujours plus importants. Selon la police, la capitale bretonne n’abrite pas moins de 38 points de deals sur tout le territoire, un chiffre en augmentation sur les dernières années. Certains d’entre eux génèrent un chiffre d‘affaires supérieur à 20 000 € par jour.

Pour rassurer les futures recrues, certains dealers n’hésitent pas non plus à montrer qu’ils ne craignent pas la justice. De nombreuses vidéos postées sur leurs réseaux sociaux tournent en dérision les interventions des forces de l’ordre. Comme cette séquence où l’on voit un policier poursuivre un jeune trafiquant entre les barres d’immeubles sans réussir à le rattraper.

Représailles

Plus récemment, des extraits montrant des fusillades dans un contexte de guerre de territoire pour le contrôle de points de deals sont apparus sur les réseaux sociaux. En janvier dernier, une vidéo publiée sur TikTok montrait des dealers venir s’emparer d’un territoire dans le quartier de Villejean en tirant plusieurs coups de feu en direction des dealers ennemis.

Des images de violences qui deviennent monnaie courante sur les réseaux sociaux et contribuent à lever les inhibitions des nouvelles recrues. « Ils vont sortir le portable à la moindre occasion désormais », poursuit David Leveau. « À la moindre action de représailles, il faut filmer. Plus il y a de vues, mieux c’est pour la réputation de l’équipe qui tient le point de deal ».