Éric Lombard juge que cette idée «ne devrait pas être rejetée par principe», au moment où le nouveau gouvernement allemand fait du réarmement du pays «une priorité absolue».
Comment financer le réarmement de l’Europe ? Le ministre français de l’Économie demande de considérer «l’idée d’une dette européenne » pour financer l’augmentation des dépenses militaires des Européens, au moment où le nouveau gouvernement allemand fait du réarmement du pays «une priorité absolue». «L’idée d’une dette européenne pour financer des biens d’armement ne devrait pas être rejetée par principe», a déclaré Éric Lombard dans un entretien samedi au quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Il s’exprimait après une rencontre avec le nouveau ministre allemand des Finances Lars Klingbeil, vice-chancelier dans le gouvernement du conservateur Friedrich Merz. Aussitôt investi, Friedrich Merz avait dit à Varsovie «pouvoir imaginer», pour l’UE et le Pacte de stabilité plafonnant les déficits publics des 27, «quelque chose de similaire» à ce qu’il vient de faire en Allemagne, à savoir exempter une partie des dépenses de défense des règles budgétaires. Puis à Bruxelles, il a dit conserver la position de son prédécesseur Olaf Scholz, qui a toujours refusé de nouvelles dettes communes dans l’UE, tout en laissant une porte entrouverte. «Cela doit rester des exceptions», a glissé Friedrich Merz.
Pour Éric Lombard, les Européens doivent «d’abord (se) mettre d’accord sur le paquet Rearm», plan qui ambitionne de mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros d’ici 2030, et «les négociations progressent bien». Si le programme «Safe», qui prévoit des prêts de 150 milliards d’euros pour financer, en commun, des achats et des projets d’armement en Europe, est un autre «progrès important», les Européens doivent «créer les conditions d’une autonomie stratégique», insiste Éric Lombard.
Un emprunt commun comme pendant le Covid
La «réflexion stratégique» doit, selon lui, aussi prendre en compte le contexte économique mondial actuel, chamboulé par Donald Trump. «Depuis avril, le rôle du dollar évolue. La quête de valeurs sûres est évidente. L’économie européenne en bénéficierait si l’euro devenait une monnaie de réserve encore plus importante, ce qui suppose des actifs sûrs comme des titres de dette émis au niveau national et européen», a ajouté le ministre français.
Face aux besoins massifs de réarmement pour contrer la menace russe, le président Emmanuel Macron pousse depuis quelques mois pour un emprunt commun, comme celui contracté en pleine crise du Covid, en 2020. Il doit convaincre Friedrich Merz, qui a dit vouloir doter l’Allemagne de «l’armée conventionnelle la plus puissante d’Europe», après avoir fait voter une levée des restrictions des règles nationales très strictes qui limitent la capacité du gouvernement à emprunter. Le virage stratégique du réarmement, longtemps jugé impensable dans un pays profondément pacifiste et qui avait pour priorité l’orthodoxie budgétaire, est serré pour Friedrich Merz, qui n’a qu’une courte majorité au parlement et voit l’extrême droite le dépasser dans certains sondages.