Publié le
18 mai 2025 à 17h36
« Avec les chantiers autour et ce qu’on vit, on a l’impression d’être un ghetto », lance Anthony*. Depuis quatre ans, il habite dans une résidence d’un quartier en pleine mutation à Bordeaux. Dans deux des dix bâtiments, un groupe de dealers a élu domicile et squatte les halls d’entrée. Entre les nuisances sonores, olfactives et l’insécurité, Anthony n’en peut plus. Et il a vu la situation empirer depuis son arrivée.
« Ils sont une vingtaine de jeunes hommes, certains mineurs, à venir tous les soirs, relate Anthony. On connaît leurs têtes à force. On sait à quoi ils ressemblent et où ils cachent leur matos. » Poubelles, bosquets, escaliers… Dans la résidence, les cachettes sont nombreuses. Les issues aussi, si les forces de l’ordre débarquent. Mais d’après l’habitant, la police vient surtout en journée, le matin, et trouve seulement de petites quantités de stupéfiants.
Les premiers sont là dès 11 heures du matin. « On voit une ou deux personnes, les premiers clients », affirme le jeune résident. « De 17h à 21h, le groupe se pose, squatte, dégrade et le trafic bat son plein. On voit défiler les consommateurs : ils sont de tout âge et toute classe sociale. »
Des dégradations constantes
Et les nuisances ne se comptent plus. « On subit le tapage nocturne, les cris. Parfois ils tapent contre les bâtiments », commence Anthony. Mais elles ne sont pas seulement sonores. Les boîtes aux lettres d’un des bâtiments ont été saccagées et les colis sont volés, certains facteurs ont été agressés à tel point que les habitants de cet immeuble doivent aller chercher leur courrier à un bureau de poste.
Il faut dire que la porte du hall de ce même bâtiment est forcée et cassée en permanence. « Depuis quatre ans, elle n’est même plus réparée », soupire l’habitant. Les escaliers sont dégradés. « Ils défèquent et urinent dedans, c’est nauséabond… Et ce n’est pas le seul endroit où ils font leurs besoins, parfois c’est dehors devant les terrasses. »
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À ce fumet se mêle celui du cannabis. « Les dealers se posent sur les bancs, dans les halls ou devant les potes d’appartement, et fument leur shit sans se cacher. Ils n’ont aucune limite. »
Les portillons de la résidence sont cassés dès qu’ils sont réparés, à coup de disqueuse. Tout comme les quelques caméras installées. « Parfois, ils mettent le feu aux poubelles ou aux voitures… C’était pire après la mort de Nahel ».
« On n’est plus chez nous »
« Les habitants ont essayé d’établir un dialogue, quand on a vu qu’appeler les forces de l’ordre ne suffisait pas. On voulait au moins leur demander de ne pas tout détruire ni laisser leurs déchets partout. Au début, ils étaient ouverts mais ça ne marchait pas. Ils ont fini par agresser l’une des habitantes qui leur parlait », se remémore le jeune homme.
Depuis, les menaces sont fréquentes quand un habitant essaie de leur parler. Notamment d’incendier les véhicules ou de visiter le logement. « Ils nous connaissent. Ils savent quels sont nos appartements, nos voitures, nos horaires… », décrit Anthony. Un climat d’insécurité règne. « On n’est plus chez nous, on est chez eux. Ils se sont approprié les lieux. »
Les femmes sont d’autant plus impactées, souligne l’habitant. Elles se font draguer avec insistance, et parfois agresser. Deux femmes, seules sur leur terrasse se seraient faites lourdement draguer un soir. La scène a dégénéré et face à l’attitude des individus, elles se sont réfugiées dans le logement. Ils ont alors tambouriné et essayé de défoncer la porte. Heureusement sans succès.
Le prix de l’immobilier impacté
Le gardiennage n’a jamais été voté par les copropriétaires, pour des questions d’argent. Car tout le monde n’est pas impacté. « La résidence est étalée, et ils se concentrent sur les deux bâtiments du fond », explique Anthony. Proches d’un arrêt de tram et avec un parking gratuit sur une grande rue, ils sont dans un endroit plus faciles d’accès – et pratique pour partir en vitesse. « Les voisins des autres bâtiments ne viennent pas ici et ne prennent pas conscience de la situation. »
Pourtant, Anthony affirme que de nombreuses plaintes ont été déposées. Et que le prix du marché est impacté. « Les logements ne se vendent plus ou les prix sont bradés. » De même pour les locations, malgré le flux tendu à Bordeaux. « On pensait arriver dans un quartier en devenir, mais la vie se dégrade sans cesse. »
*prénom modifié par souci d’anonymat et de sécurité.
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