C’est l’histoire d’un amour d’Isabelle Lagarrigue*
C’est l’histoire d’un amour d’Isabelle Lagarrigue, Récamier, 320 pages, 20,90 € Photo DR
C’est l’histoire d’un amour absolu, celui qu’on ne croise qu’une fois, une évidence, une symbiose mais dans cette histoire-là un mauvais timing. Charlie et Côme se rencontrent à 14 ans. Leurs mères, amies d’enfance, décident de se retrouver chaque année pour passer le jour de l’An ensemble. Ados d’abord timides mais sincères, leur relation va se construire au fil des réveillons où ils se retrouvent et des mois qu’ils passent éloignés l’un de l’autre entre attente des courriers et coups de téléphone sporadiques. On est dans les années 90 quand les portables ne gouvernaient pas encore les relations.
Entre ces moments de bonheur pur, le quotidien de Charlie n’est pas rose, elle vit difficilement la relation toxique que lui fait subir sa mère. La séparation avec celle-ci est inévitable et elle entraînera la rupture avec Côme. Pourtant, sans jamais cesser de penser l’un à l’autre, ils vont s’éloigner, lutter pour s’oublier et tenter de tourner la page mais est-ce si facile de tirer un trait sur son âme sœur ? Isabelle Lagarrigue embarque le lecteur dans des montagnes russes d’émotions. Des années 90 à nos jours, avec les répliques de Top Gun en toile de fond (un classique !), elle joue avec les mots et une construction du récit originale pour suivre cet amour impossible à concilier. Elle nous fait ressentir ce petit pincement qu’on a tous eu dans une relation, elle sait décrire les papillons dans le ventre et les frissons d’un contact, l’espoir, l’attente, l’envie… Elle a écrit l’amour inconditionnel : » On s’aimait et ça ne suffisait pas. «
*Récamier, 320 pages, 20,90 €
Les choses qu’on dit de Mathou*
Les choses qu’on dit de Mathou, Robert Laffont, 224 pages, 18,90 euros Robert Laffont
Sur le papier, la vie de Léa est parfaite, artiste épanouie, jeune femme bienveillante et souriante, un mari aimant soutien de toujours, des jumeaux ados qui s’appuient l’un sur l’autre et n’ont jamais causé de problèmes. Oui mais… comme les fleurs qu’elle confectionne avec des assemblages de feuilles colorées, le monde organisé de Léa reste fragile. Le ver qui va pourrir le fruit est en dehors du cercle très restreint de ce précieux cocon familial. Il va venir de ses parents. Alors que son père est hospitalisé après un AVC, il va lui avouer un secret enfoui depuis sa naissance. Une vérité qu’il éprouve le besoin de confesser. Un tsunami émotionnel va ravager Léa et tout ce qu’elle a connu. Entre colère et incompréhension, Mathou réécrit alors le passé de la jeune femme à la lumière de cette vérité nouvelle. Toutes ces petites choses qui prennent sens. Toutes ces petites choses qui forment un puzzle immense et qui vont éclairer les événements de son enfance. Avec ce constat : » Les choses qu’on dit sont souvent moins douloureuses que celles qu’on tait. » Au fil de cette quête d’explications et de vérité, Léa va devoir trouver la force d’être résiliente pour pardonner.
Illustratrice bien connue et autrice de BD, Mathou se lance dans l’écriture avec ce premier roman sincère. Celle qui faisait passer ses émotions à travers ses dessins, le fait désormais avec les mots. La plume est légère et le style sans fioriture. Pas besoin de plus pour reconnaître que cette famille qui vole en éclats pourrait être la nôtre. » Personne n’est parfait, ça n’existe pas les mères parfaites. Les enfants parfaits non plus d’ailleurs. »
* Robert Laffont, 224 pages, 18,90 euros
Les heures fragiles de Virginie Grimaldi
Les heures fragiles de Virginie Grimaldi, Flammarion, 336 pages, 20,90 euros Flammarion
Dès sa sortie, sans surprise, le dernier roman de Virginie Grimaldi prend d’assaut la tête des ventes de livres en France. C’est normal, l’autrice a le don de mettre le doigt sur le vrai, pas comme une prophétesse ni une philosophe, mais comme une amie qui comprendrait nos sentiments et les aléas, si communs, du quotidien. Elle raconte simplement la vie de tous les jours avec les mots qui parlent aux lecteurs, ceux dans lesquels les gens se reconnaissent. Sans filtre et toujours avec une pointe d’humour et d’autodérision elle parle d’amour, du deuil, de la vieillesse ou de la parentalité… Ici, il s’agira de santé mentale, de dépression adolescente mais aussi de séparation et de l’usure d’un couple. Par les voix de Lou, 16 ans et de sa mère Diane, on sera de chaque côté du miroir. Surmonter sera le mot qu’on gardera en tête : surmonter la rupture, la déception, les idées noires, les crises de panique, le regard des autres, le passé. L’autrice veut ouvrir le dialogue et briser le tabou du mal-être adolescent. Une histoire qui lui trottait dans la tête depuis longtemps : « J’ai été cette jeune fille (…). À dix-sept ans, j’avais des idées noires et le sentiment d’être dans un tunnel dont je ne sortirais jamais. »
On aime dans ce récit cette relation mère-fille qui nous rappelle un de ses précédents romans, Il est grand temps de rallumer les étoiles où, les tourments des enfants entrent en collision avec les difficultés du quotidien d’une mère célibataire. Dans Les heures fragiles, Virginie Grimaldi va encore plus loin et donnera des frissons à toutes les mamans qui se projetteront dans cette histoire. Parce qu’elle sait décrire avec une telle justesse l’amour maternel « un sentiment qui ne porte pas de nom, un mélange d’amour, de protection, de peur, de force, de rage, de joie, une émotion intense qui rallie toutes les autres ».
* Flammarion, 336 pages, 20,90 euros
Paulette de Martine Moriconi*
*Paulette de Martine Moriconi, Marie Romaine Editions, 152 pages, 15 euros Marie Romaine Editions
À la lecture de Paulette, on sait qu’on est entré dans l’intimité d’une famille. Une fille qui raconte la fin de vie de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. Un véritable témoignage d’amour.
Le récit commence avec légèreté, Paulette est veuve mais après quelque temps de solitude, elle revit, elle sort avec sa fille et elle retrouve l’amour. À 80 ans, la vie continue. Mais l’ombre de la maladie plane, insidieuse. Alzheimer s’insinue petit à petit dans le quotidien, de simples oublis et puis le déclin. On découvre en même temps que l’autrice les différents stades de la maladie et les difficultés que ça entraîne. Elle ne cache rien de l’incohérence de l’administration aux moments de doute et de tristesse. Elle doit apprendre à lâcher prise face aux institutions et à ce qu’il se passe dans l’Ehpad, face aux laconiques » on va enquêter » lancés par les personnels au choix débordés, blasés, dépassés, exaspérés que ce soit pour la perte de vêtements, celle d’une alliance ou une chute de la personne hébergée.
Et puis le livre parle de la fin de vie, de l’absurdité d’une loi qui laisse quelqu’un qui n’est plus lui-même, telle une coquille vide, s’éteindre à petit feu dans une souffrance silencieuse. La vie d’un aidant se résume ainsi » attendre un dénouement qui ne vient pas « . Paulette est écrit avec le cœur et on le ressent, un récit difficile mais nécessaire pour espérer que les choses changent.
* Marie Romaine Editions, 152 pages, 15 euros
L’amour-fleuve de Carla Madeira*
L’amour-fleuve de Carla Madeira (traduit par Laure Élisabeth Collet), Istya & Cie, 220 pages, 21 euros Istya & Cie
Pépite brésilienne, vendue à près de 700 000 exemplaires, L’amour-fleuve parle de séduction, d’amour, de maternité, de sexe, de jalousie, de rédemption et de résilience. Il ne faut pas s’arrêter au langage cru des premières lignes. Ce n’est pas du voyeurisme ni de la provocation. L’explication est simple, un des personnages principaux de ce récit – où trois protagonistes vont se croiser, s’aimer, se séduire, se détruire – est une putain. Lucy n’est pas une pauvre prostituée qui subit sa vie mais la plus belle des femmes de la ville, qui aime charmer et user de son pouvoir de séduction. Elle a choisi ce » métier » et son train de vie. Pas de honte mais seulement du pouvoir, de la passion, sans tabou ni censure et beaucoup de plaisir qu’elle sait donner. Jusqu’au jour où elle croise un homme qui lui résiste, qui la repousse : Venâncio. Pour parfaire le tableau, il faut rajouter Dalva, épouse aimante, femme droite et sincère. Son mari n’est autre que celui qui se détourne de Lucy.
Le trio est en place, deux femmes que tout oppose et un homme plutôt rustre au milieu mais le scénario n’est pas celui auquel on s’attend. Il y a de la jalousie, de la convoitise, de la haine, de la violence et de la passion mais surtout ce petit quelque chose appelé » saudade « , cette mélancolie nostalgique qui imprègne les personnages et l’écriture de l’autrice brésilienne Carla Madeira. Dans ce drame, chacun va chercher, à sa manière, une forme de bonheur et de paix intérieure. Une histoire loin d’être banale qui, comme le fleuve en crue, emportera les lecteurs sur son passage.
* (traduit par Laure Élisabeth Collet), Istya & Cie, 220 pages, 21 euros
Chère Maman de Sophie Adriansen et Melle Caroline*
Chère Maman de Sophie Adriansen et Melle Caroline, Glénat, 256 pages, 26 € Glénat
Quand l’amour maternel gâche une vie, c’est ce qu’ont raconté Sophie Adriansen et Melle Caroline au travers du combat d’Alix pour se libérer de l’emprise de sa mère toxique.
» N’oublie pas que j’ai laissé tomber ma carrière pour que tu réalises ton rêve « , » Ce n’est pas parce que votre mère se comporte de manière inadmissible que vous devez l’imiter « , » Je ne sais pas comment tu fais pour la supporter (…) moi, je me force, je suis sa mère, je n’ai pas le choix « . Rabaissée, culpabilisée, infantilisée. Des piques, des reproches et des insinuations chaque jour, à chaque moment, c’est ce que vit Alix avec sa mère. Quoi qu’elle fasse, quoi qu’elle dise, elle ne sera jamais à la hauteur. Alix n’est plus une enfant pourtant, mais une adulte, mariée et mère de trois enfants, qui reste emprisonnée par cette mère toxique à qui elle n’arrive pas à dire non sans culpabiliser. Un long chemin va se mettre en place pour s’en libérer.
Ce roman graphique met mal à l’aise, Sophie Adriansen raconte ce que vit 20 % de la population. Un parent doit aider et soutenir mais certains jalousent et critiquent. Melle Caroline donne vie à cette odieuse figure maternelle, une ombre noire qui envahit et gangrène les pages. Le texte de l’une et la mise en scène de l’autre donnent un roman graphique poignant sur un phénomène de société encore tabou.
* Glénat, 256 pages, 26 €
Où tu seras reine de Chrystel Duchamp*
Où tu seras reine de Chrystel Duchamp, Verso, 320 pages, 20,90 euros Verso
Pousser les portes de cette maison est une incursion dans les méandres de la folie. Entre schizophrénie et relations toxiques, ce thriller psychologique signé Chrystel Duchamp mélange les genres et retourne le lecteur dans un récit inclassable.
Double huis clos. Ce roman va séquestrer le lecteur dans un double enfermement, contraint à la fois par les murs de la maison familiale et ceux que la narratrice, schizophrène, dresse dans sa tête. Quitte à perdre pied et ne plus savoir où est la réalité. Dans ce récit à la première personne, il n’y a pas moyen d’entrevoir un rayon de lumière que ce soit dans l’esprit de Maud en proie à ses démons, les cauchemars d’enfance et sa maladie qui resurgit toujours plus violente ; ni au travers des fenêtres de cette maison glauque et quasi à l’abandon : » La maison de mon enfance, celle dans laquelle j’ai vécu treize années durant, est méconnaissable. Non, ce n’est pas ma maison. C’est l’enfer sur terre « . Oppressant, à la limite de l’écœurement, l’autrice va emmener le lecteur dans l’antre de la folie, mêlant réalité et délires psychotiques.
Maud, depuis son adolescence, essaie de canaliser sa maladie, d’avoir une vie normale et de s’ancrer dans le réel. Pour sa guérison, elle doit, sur les conseils de sa psy, s’éloigner de sa mère pendant sept jours. Couper les ponts, stopper les dizaines d’appels et de messages quotidiens ainsi que leur déjeuner hebdomadaire. Un défi pour la fille mais, on le comprendra rapidement, un sevrage difficile pour la mère. Alors que la semaine n’est pas écoulée, un message de cette dernière va changer la donne : » je l’ai tué « . Maud se précipite alors dans la demeure de son enfance, celle qu’elle a quittée ado. Celle dans laquelle, elle ne voulait plus revenir. C’est à partir de là que le cauchemar commence et embarque le lecteur dans ce thriller psychologique diaboliquement efficace.
* Verso, 320 pages, 20,90 euros
La fabuleuse telenovela de la vie ratée de Sophie D de Céline Holynski*
La fabuleuse telenovela de la vie ratée de Sophie D de Céline Holynski, Charleston, 272 pages, 19 € Charleston
Quel est le point commun entre un acteur de mauvaise télénovela mexicaine et une Française au chômage, mère célibataire et propriétaire d’un chat caractériel ? A priori aucun sauf quand l’autrice Céline Holynski s’en mêle et décide, comme à son habitude, de les faire se rencontrer dans une histoire totalement folle et hilarante. Quand le premier cherche dans sa série sur le déclin une femme un plus » normale » loin des jeunes bimbos qu’il côtoie, le destin va mettre sur sa route Sophie, la quarantaine, qui a laissé ses rêves de côté pour s’occuper de sa fille. Improbable et rocambolesque cette histoire, qui donne le sourire à chaque page, va parler aux mères célibataires qui font de leur mieux pour joindre les deux bouts, s’oubliant quelquefois.
* Charleston, 272 pages, 19 €
Villa Gloria de Serena Giuliano
Villa Gloria de Serena Giuliano Robert Laffont
Après Un coup de soleil, Sara perché ti amo et Felicità, on continue de fredonner le répertoire italien avec Serena Giuliano qui nous met dans la tête le succès de Umberto Tozzi et sa Gloria. On pousse les portes d’une charmante maison d’hôtes au cœur des Pouilles bien nommée Villa Gloria. Un endroit cosy qui a l’âme de ses propriétaires : Gloria et Iris, mère et fille, que tout oppose. Gloria la quarantaine est fantasque, a le verbe haut, aime chanter, et profiter de la vie, dégageant cette aura magnétique qui accroche les gens autour d’elle. Iris est son opposée organisée, réservée et perfectionniste mais aussi généreuse et empathique. Gloria a eu sa fille à 16 ans, une naissance surprise qui n’a pas empêché sa mère de vivre sa jeunesse et Iris a dû s’adapter à cette mère-fille copine.
Pourtant, même si tout n’est pas parfait, elles ont réussi à s’entendre sur Villa Gloria, ce lieu qui sera le cœur du roman, un huis clos d’une semaine dans ce cocon italien qui sent bon les spécialités culinaires de la région. Une semaine que le lecteur est invité à passer avec les deux propriétaires et les nouveaux résidents. Comme toujours chez l’autrice, une galerie de personnages drôles, décalés au caractère et à l’histoire surprenants. Parfaits mélanges pour des scènes cocasses qui seront le prétexte pour parler de sujets plus graves : il sera question de famille, de pardon, d’erreurs et de tolérance, autour d’une délicieuse focaccia et d’un limoncello, maison bien entendu.
*Robert Laffont, 208 pages, 18,90 euros
Les Lumineuses de Molly Fader*
Les Lumineuses de Molly Fader Faubourg Marigny
Comment une mère a-t-elle pu cacher tout un pan de sa vie à sa famille ? Lors de l’enterrement de BettyKay, à Greensboro, petite bourgade du fin fond de l’Iowa, ses filles, voient arriver aux obsèques l’immense star hollywoodienne Kitty Devereaux. Quels liens peuvent exister entre cette icône du cinéma et leur mère, infirmière et vétéran du Vietnam ? Quels secrets cachent-elles ?
C’est ce fil du passé que Molly Fader va tirer, dérouler et remonter dans un roman alternant les souvenirs des années 60 et le présent. À travers les journaux intimes de BettyKay et les confessions de l’actrice vieillissante, Clara et Abbie découvriront une nouvelle facette de leur mère, celle d’une femme courageuse, belle et audacieuse bien avant de se ranger dans une vie de famille plus conventionnelle. Elles verront surtout se dessiner la plus belle histoire de sororité qu’elles pouvaient imaginer.
Un voyage émouvant entre l’Iowa, les paillettes d’Hollywood et les traumatismes de la guerre du Vietnam mêlant féminisme, émancipation, maternité, amour et amitié.
*(traduit par Marie Chivot Buhler), Faubourg Marigny, 400 pages, 22 €