Union européenne: un accord avec le Royaume-Uni, mais pas à n’importe quel prixMi-chemin entre l’UE et les USA

Cette réunion intervient à la fois après l’incertitude créée par le président américain Donald J. Trump quant à la relation des États-Unis avec ses alliés traditionnels, mais aussi dix jours après l’annonce d’un accord commercial limité entre Londres et Washington. « Keir Starmer veut trouver le moyen de demeurer à mi-chemin entre son premier partenaire en termes de sécurité, les États-Unis, et son premier partenaire commercial, l’UE, sans compromettre ses deux relations », explique Anand Menon, professeur de sciences politiques et directeur du centre de réflexion UK in a Changing Europe. « Il y est pour le moment parvenu, notamment en ne s’engageant pas trop dans son accord commercial avec Washington. En acceptant uniquement l’importation de poulet et de bœuf de grande qualité, et donc pas de produits bourrés d’hormones ou lavés au chlore, il n’a pas abaissé les normes alimentaires britanniques. »

Hors de l’UE, le Royaume-Uni a obtenu un accord commercial limité avec les États-Unis. Plus qu’un simple coup diplomatique?

Quelques heures après l’annonce de l’accord américano-britannique, la ministre de l’Économie et des Finances Rachel Reeves avait reconnu que la relation commerciale avec l’UE était « encore sans doute plus importante » que celle avec les États-Unis. En 2024, le bloc européen avait attiré 41 % des exportations britanniques de biens et services (425 milliards d’euros) et était à l’origine de 51 % de ses importations (540 milliards d’euros). En comparaison, 13 % des importations britanniques (140 milliards d’euros) venaient des États-Unis et 22 % de leurs exportations (234 milliards d’euros) se dirigeaient outre Atlantique.

Deux demandes majeures

Déterminés à se rapprocher économiquement de leurs voisins, les Britanniques auraient accepté deux demandes européennes majeures : l’alignement dynamique sur les règles sanitaires et phytosanitaires européennes, c’est-à-dire l’adoption des normes européennes au fur et à mesure de leur évolution, et la supervision de la Cour européenne de justice. Un accord sur le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE et un autre sur les échanges de jeunes, notamment pour faciliter les études secondaires, est également prévu.

« Le gouvernement voudrait aussi un accord sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, sur les arts créatifs et sur les déplacements des musiciens mais il est peu probable qu’il les obtienne », poursuit le professeur Anand Menon. « Il existe toujours une incitation pour les Européens à montrer que le Brexit ne fonctionne pas. Sans quoi des dirigeants européens comme la figure de proue du Rassemblement national Marine Le Pen questionnerait l’intérêt d’être limité par les règles de l’UE alors que l’on peut en bénéficier depuis l’extérieur. »

Les rêves du Brexit se sont évaporés

Les négociations et le sommet seront d’ailleurs scrutés par les tabloïds et par les hommes politiques issus du parti conservateur et de Reform UK, la formation de Nigel Farage. Tous ont d’ores et déjà accusé le gouvernement travailliste de « trahir le Brexit ». D’où le choix de Keir Starmer d’avancer à pas feutrés. L’organisation de la réunion au 10 Downing Street et non à Lancaster House, cadre des sommets majeurs, est un signe de cette volonté de relative discrétion.

Houleux dossier sur la pêche

Les opposants à un rapprochement avec l’UE suivent en particulier le dossier de la pêche, dont l’accord sur les quotas expire pendant l’été 2026. Ils ont assuré que Keir Starmer allait sacrifier le secteur, alors que l’alignement dynamique sur les règles sanitaires européennes bénéficierait immédiatement aux exportateurs britanniques de produits halieutiques. « Les responsables français que nous avons rencontrés nous ont clairement dit qu’il n’y aurait pas d’accord global, notamment sur la sécurité, si les Britanniques ne signent pas un accord à très long terme ou permanent sur les quotas de pêche », témoigne Jill Rutter, chercheuse à King’s College London. « Ils considèrent qu’il s’agit d’un élément inachevé des précédentes négociations avec Boris Johnson. » Initialement, Londres avait proposé le renouvellement pour quatre ans des quotas négociés en 2021.

« C’est un événement assez remarquable »: 5 ans après le Brexit, le Premier ministre britannique va participer à une réunion de l’UE sur la défense

Même les plus récalcitrants soutiendront l’élément le plus visible du sommet : le rapprochement en matière de sécurité et de défense dans le cadre de la guerre en Ukraine. D’autant plus que Londres aimerait profiter des 150 milliards d’euros du fonds de réarmement militaire européen. Là, aussi, un accord est attendu. Sans que sa portée ne soit encore connue.