Cette inauguration ne manquait pas de panache ! Programmée le 19 mai 2005, à l’occasion d’un sommet du triangle de Weimar, elle réunissait Jacques Chirac, Gehrard Schröder et Aleksander Kwasniewski. Excusez du peu !
Bizarrement pourtant, 20 ans plus tard exactement, l’anniversaire en passe presque inaperçu. Peut-être parce que la célèbre place avait déjà été le centre de l’attention lors des 30 ans de son classement au patrimoine mondial de l’humanité. Peut-être, aussi, parce que ce succès est à mettre au compte des adversaires de la municipalité actuelle.
N’ayons pas peur des mots cependant : la piétonnisation de la place Stanislas a changé la face, si ce n’est du monde, au moins celle de Nancy !
Lorsqu’en 2005, André Rossinot, maire de l’époque, célébrait la fin d’un chantier monumental, il n’a pas manqué de vanter la vision et l’audace de son équipe. L’édile ne figurait pourtant pas parmi les premiers convaincus à l’origine.
C’est qu’à l’époque, on estimait à 14 000 le nombre de véhicules s’offrant, chaque jour, un petit passage au pied du gros Stan. Et les politiques en étaient persuadés : mettre un terme à la révolution automobile perpétuelle, c’était la révolution assurée ! Usager accroché à son volant ou commerçant inquiet pour son chiffre d’affaires, on ne savait qui, des deux, allait hurler le plus fort.
L’affaire des lices !
Mais en cette fin de XX e siècle, l’impact de la pollution sur les murs historiques autant que sur les poumons ne pouvait plus être ignoré.
Des associations écologiques donnaient de la voix, leurs arguments finirent par être entendus jusque dans les rangs de l’équipe municipale de centre droit.
Le chantier s’est donc ouvert sous l’égide de Pierre-Yves Caillaut : l’architecte en chef des monuments historiques.
La piétonnisation n’étant, finalement, que la cerise sur l’énorme gâteau de ce programme conçu d’abord pour rénover la place à l’occasion de son 250 e anniversaire.
Le projet, chiffré à 8 M€, incluait en effet, de restaurer les façades, de revoir totalement l’éclairage, redorer les grilles Jean Lamour, et réinstaller des lices de bois sur le pourtour, comme à l’origine. À l’époque, leur présence, pourtant attestée par un tableau dit « de Pange » retrouvé en 2003, avait déclenché la polémique. Aujourd’hui, cette forme de « banc public » à rallonge fait l’unanimité.
Last but not least, il fallait faire table rase des vieux pavés de 1958. Mais plutôt que les remiser dans une décharge quelconque, ils ont été proposés à la vente, au profit d’associations caritatives, au prix d’1€ pour chaque pavé de 2 kg. Et ce fut une razzia !
On leur substitua d’autres pavés, plus larges, originaires de Croatie. Certes beaux, mais remarquables aussi pour leur caractère réfléchissant et douloureusement éblouissant, glissants à la moindre averse, et sensibles au gel.
D’ailleurs, 20 ans plus tard, victimes parfois de spectaculaires lézardes sans doute dues aussi à des mouvements de terrain, ils font l’objet de régulières et coûteuses opérations de remplacement.
Le show au 7,5 millions de spectateurs
D’autres bilans sont moins fâcheux, pour recourir à une litote… Et même franchement positifs, pour « parler vrai ».
À commencer par les chiffres d’affaires des commerçants qu’on n’entend plus du tout se plaindre.
Quant au Mapping, lancé en 2007, il est devenu depuis une véritable institution estivale embrasant les façades en même temps que les imaginaires. Au bénéfice de 7,5 millions de spectateurs revendiqués en cumulé. Même si la formule peine à se renouveler à présent.
Positif, surtout, le rayonnement dont cette place restaurée fait désormais profiter toute la ville à l’échelle nationale et internationale. Ce qui lui a valu un intérêt touristique croissant, redoublé encore lorsque le site décrocha en 2021, le titre de Monument préféré des Français.
Un monument préféré, et piétonnisé !