La toute première rame opérée par Transdev dans le cadre de la mise en concurrence des trains régionaux est présentée ce lundi 19 mai au matin. Interview croisée de Renaud Muselier, président de la Région, Thierry Mallet, PDG de Transdev group et de Frédéric Wiscart, président d’Alstom France, pour bien comprendre les enjeux de la nouvelle exploitation de cette ligne TER qui verra son offre de trains doublée avec 14 allers-retours par jour (16 le week-end), soit un train toutes les heures en semaine.

Quelles raisons vous ont poussé en 2019 à ouvrir les trains régionaux à la concurrence ?

Renaud Muselier : La Région avait le plus mauvais service ferroviaire de France avec seulement 80 % des trains qui roulaient, 20 % en retard et 11 % supprimés. Face à cette situation, nous avons pris la décision d’ouvrir à la concurrence une partie de nos trains régionaux, notamment sur la ligne Marseille-Toulon-Nice, pour améliorer la qualité de service. Avec pour objectif le doublement de l’offre, une régularité de 97 %, des trains neufs et des gares rénovées. Et tout cela sans augmentation du budget régional.

Comment s’est déroulé l’appel d’offres ?

R.M. : L’ouverture à la concurrence des TER, rendue possible par la législation européenne, a été engagée en 2017 avec un appel à manifestation d’intérêt, suivi d’un appel d’offres en 2019. Malgré la crise du Covid, plusieurs opérateurs se sont positionnés. Transdev a été sélectionnée sur ce premier lot : une première en France.

Quel est l’enjeu ?

R.M. : L’enjeu est simple : nous avons besoin de trains à l’heure. Ce n’est pas une question d’idéologie, mais de service public. Avec un million de voyages hebdomadaires dans nos TER – 1,5 million attendu d’ici 2030 – la fréquentation a déjà bondi de 43 % depuis 2018. Sur l’axe Marseille-Toulon-Nice, la cadence passera d’un train toutes les deux heures à un train par heure. Et depuis le 15 décembre 2024, la Côte d’Azur bénéficie, avec le nouveau service Sud Azur, d’un train toutes les 15 minutes entre Cannes, Nice et Menton. Une avancée concrète pour répondre aux attentes des usagers.

Cette ouverture à la concurrence s’est accompagnée d’autres travaux de rénovation…

R.M. : Effectivement. Dans le cadre de cette réorganisation, nous avons rénové l’ensemble des lignes entre Avignon, Arles, Miramas et Marseille, ainsi que les lignes secondaires autour de Nice, et le train des Pignes jusqu’à Digne. À l’approche des Jeux olympiques, Marseille sera reliée à Briançon en 3 heures au lieu de 5, sans compter l’apport futur de la Ligne Nouvelle Provence-Côte d’Azur. Ce chantier est stratégique : nous avons été précurseurs, et nos partenaires – Transdev et Alstom – ont relevé les défis techniques, humains et syndicaux. Je salue leur engagement et la qualité de la collaboration menée.

Le groupe Transdev a été sélectionné, comment vous êtes-vous organisé pour opérer cette ligne ?

Thierry Mallet, PDG de Transdev : Nous avons participé à cet appel à manifestation d’intérêt. C’était important car c’était le premier appel d’offres de ce type en France. Nous avons mis en avant notre expérience d’opérateur privé en Allemagne. Nous sommes venus avec notre savoir-faire et nous avons monté une équipe dédiée pour répondre à ce premier appel d’offres, pour trouver la meilleure solution, réfléchir à un centre de maintenance et identifier un partenaire. Nous nous sommes appuyés sur les compétences de NGE et Alstom pour l’achat des rames afin de faire la meilleure offre possible. C’est pour nous un contrat important car cela permet de démontrer notre capacité à opérer des lignes ferroviaires régionales en France.

Un centre de maintenance a été installé à Nice…

T.M. : Le centre de maintenance de Nice a été livré : c’est un maillon essentiel pour maîtriser toute la chaîne de valeur. Ce projet, observé de près par l’ensemble des régions, marque une étape clé. Il s’agit de rassurer les Français sur la capacité d’opérateurs comme Transdev à mener à bien une telle mission. 25 anciens agents SNCF rejoignent l’aventure, le reste des équipes – plus de 200 – seront recrutées à l’extérieur.

Alstom va fournir 16 rames neuves pour un montant de 250 millions d’euros (M€). Qu’ont-elles de plus ?

Frédéric Wiscart, président d’Alstom France : Ce sont 16 trains Omneo premium, des rames de huit voitures qui peuvent chacune accueillir jusqu’à 352 places assises ainsi que 49 strapontins, soit au total 401 places. Construits et assemblés à Crespin (Nord) mais aussi labellisés « Origine France », ces trains sont très fiables et approuvés puisque nous en avons déjà livré 400 à différentes régions. Ils ont été adaptés aux besoins spécifiques de la ligne du littoral région, avec une capacité accrue et une meilleure accessibilité, notamment pour les personnes à mobilité réduite. Nous avons travaillé avec trois écoles de design régionales pour personnaliser l’aménagement intérieur et le design extérieur. Les nouvelles rames offriront un niveau de confort élevé avec climatisation, Wi-Fi et vidéosurveillance.

Comment se sont passées les relations avec la SNCF ?

R.M. : Nous en sommes arrivés là car nos relations avec la SNCF étaient dégradées avec 20 % de trains en retard, 10 % supprimés et 18 % de fraude. Nous sommes partis en contentieux car le service n’était pas fourni. Mais après avoir gagné au tribunal et validé la loi française, la SNCF s’est mise en ordre de marche pour collaborer, notamment en fournissant les données nécessaires aux concurrents. Le fait que la SNCF ait remporté un des deux lots mis en concurrence a contribué à apaiser les relations.

Quels coûts pour la région et quel échéancier ?

R.M : Le budget de fonctionnement reste constant à 50 M€ par an mais l’offre est doublée. L’investissement total comprend 250 M€ pour les 16 rames neuves, 40 M€ pour le site de maintenance de Nice et 7,5 M€ pour le stock de pièces détachées. La Région s’engage aussi à baisser les abonnements de 20 %, bref une gestion plus efficace de l’argent public, au service d’une meilleure qualité de service. Après la présentation des rames, l’inauguration du technicentre de Nice le 19 juin, et la mise en service des 8 premières rames le 29 juin (les autres suivront dans l’année), trois nouveaux lots seront attribués à l’automne pour les lignes Est Provence et des Alpes. Entrée en service prévue en 2030.