Mais avant tout d’accompagnement aussi bien pour l’embauché que pour l’embaucheur. C’est ce que clame l’association Prisme 21 Loire via son Service d’accompagnement par le travail (SAT) cherchant à faire employer en milieu « ordinaire » « des personnes avec trisomie 21 ou présentant d’autres troubles du développement intellectuel » tout en respectant leur droit à « l’autodétermination ». Son système de « mise à disposition » auprès de dizaines d’entreprises débouche régulièrement sur des embauches définitives, sortant ainsi de son giron.

©Prisme 21 Loire

Il y a la loi : toute entreprise ayant au moins 20 salariés doit employer des salariés en situation de handicap dans une proportion de 6 % de l’effectif total. Il y a les réalités du terrain. Il y a, enfin, la manière, un champ des possibles pas si fermé. Et en la matière, l’association Prisme 21 – membre de la fédération Trisomie 21 – sait de quoi elle parle avec un bilan, depuis 2008, de 95 travailleurs accompagnés, 200 entreprises partenaires pour 34 embauches en CDI. La raison d’être de l’association, lancée en 1973 par des parents et des professionnels, agrémentée par l’Etat, consiste d’une manière générale à la prise en charge, l’aide, le soutien aux personnes et/ou la famille « des personnes porteuses trisomie 21 ou présentant d’autres troubles du développement intellectuel ».

Au même titre que son Service d’Éducation Spécialisée et de Soins à Domicile (SESSAD) ou encore son SAVS (Service d’Accompagnement à la Vie Sociale), son service d’accompagnement par le travail (SAT) hors les murs (différant du type ESAT) est donc l’une mais bien sûr pas la seule de ses activités spécifiques. Mais toutes ont pour principe de se « tourner vers le milieu ordinaire. Être « hors les murs » pour un SAT, ce ne n’est d’ailleurs toujours pas commun à notre époque. Nous nous basons sur les valeurs d’une société inclusive, qu’il s’agisse de petite enfance, de l’école, d’enfants, d’adultes, de la vie sociale et donc, aussi de vie professionnelle. Pousser, respecter l’autodétermination des personnes est au cœur de notre démarche. Mais pour intégrer le SAT, il faut d’abord que la personne le souhaite, elle », cadre Fiona Mourier-Gimenez, une des quatre accompagnatrices et accompagnateur d’insertion du SAT Prisme 21.

Hors les murs, c’est encore novateur

Service qui compte trois autres salariés : une psychologue, un ergothérapeute et une secrétaire. Dans son ensemble, Prisme 21 Loire compte ainsi une centaine d’adhérents pour une quarantaine de salariés au sein de ses différents services. Sa volonté d’emmener ses bénéficiaires le plus possible hors des foyers, des établissements, des institutions vers des milieux ouverts était précurseure dans les années 70. En cohérence, l’aspect « hors les murs » de sa SAT l’est encore de nos jours. 45 personnes sont pris en charge actuellement par le service, suivis post-embauche compris. La possibilité d’en bénéficier se limite-t-elle à certains profils ? « Les troubles liés à l’autisme ou la trisomie 21 sont plus ou moins prononcés et impactent plus ou moins les capacités de travail. Mais nous ambitionnons d’y accueillir chaque personne qui le souhaite ayant un projet adapté que nous pouvons élaborer avec elle. Oui, il faut parfois faire prendre conscience de ce qui est possible ou non. Mais c’est valable dans les deux sens : ne pas savoir lire et écrire sera souvent vu par l’employeur comme une barrière infranchissable mais dans bien de cas, cela peut être surmonté par les stratégies que nous mettons en place, précise Fiona Mourier-Gimenez. La vraie question, c’est : « comment adapter le contexte de travail à des difficultés propres ? » »

Les entreprises affectent souvent un référent pour le travailleur accueilli, responsabilité souvent bien perçue par les intéressés. ©Prisme 21 Loire

Financé par l’ARS (Agence régionale de Santé) « qui nous suit sur notre expertise du trouble du développement intellectuel et notre manière d’accompagner », le SAT de Prisme 21 Loire propose d’abord à ses bénéficiaires un accompagnement sur leur projet professionnel, le démarchage d’employeurs potentiels. Puis une fois dans l’entreprise, sur l’intégration dans l’équipe, « en formant ou sensibilisant leurs collègues à la question du handicap », à l’adaptation et la prise en main de leurs missions, à « faciliter la communication avec le n+1 ou le référent », à « acquérir et appréhender les savoirs être et savoirs faire dans le milieu professionnel ». Et enfin, « se maintenir dans l’emploi ». Un parcours d’accompagnement double puisque c’est aussi l’entreprise accueillante elle-même qui est formée sur cet accueil puis suivie, le personnel de Prisme 21 se rendant régulièrement sur place afin de coacher employé handicapé et entreprise. Résultat : la SAT est parvenue ces dernières années à une moyenne de trois embauches définitives par an.

Pictogrammes pour consignes de travail

« Définitives » car le processus passe par une longue étape durant souvent plusieurs années – de « mise à disposition » par le SAT qui salarie directement – effectuant 32 h maximum, le travailleur est bien sûr toujours payé, au moins au Smic honoraire, parfois plus – celui ou celle qui reste son employé durant cette période avant de refacturer à l’entreprise, à l’exception du premier mois accordé à titre gracieux le temps d’effectuer un essai, de tirer un bilan et d’intégrer des adaptations de poste nécessaire. « Il s’agit fréquemment d’adapter les consignes, la manière d’encadrer. Par exemple, en recourant au Falc (Facile à lire et à comprendre), en utilisant des phrases courtes, des pictogrammes comme fiche de poste récapitulant les consignes successives à appliquer et le timing à respecter pour éviter toute déstabilisation du travailleur. C’est très souvent plus pertinent que des briefings longs, plus classiques », explique Fiona Mourier-Gimenez  

On me dit souvent : « Mais nous ne sommes pas éducateurs spécialisés comme vous ». C’est vrai et moi je ne suis pas cuisinière ou documentaliste. Nous sommes justement là pour faire la passerelle, rassurer des deux côtés.

Fiona Mourier-Gimenez, accompagnatrice d’insertion

Elle ajoute : « On me dit souvent : « Mais nous ne sommes pas éducateurs spécialisés comme vous ». C’est vrai et moi je ne suis pas cuisinière ou documentaliste. Nous sommes justement là pour faire la passerelle, rassurer des deux côtés. Cela peut prendre du temps mais l’expérience montre que c’est possible et que ça vaut le coup. Il est fréquent que soit affecté un référent au sein de l’équipe qui accueille un de nos bénéficiaires et très souvent, il le prenne à cœur, avec bienveillance, cela permet de responsabiliser, donc valoriser ces gens en interne.» L’objectif reste donc celui de l’inclusif, que ces personnes puissent vivre au maximum de leur travail – compatible avec l’allocation adulte handicapé si insuffisant- même si effectuer 35 h reste exceptionnel. Reste que Prisme 21 y voit une cohérence pour une inclusion des personnes porteuses de handicap dans la société en milieu ouvert, accordant sociabilité, connexion à la société, revenus propres pour des loisirs en toute indépendance jusqu’à dans l’idéal, son logement bien à soi…

Les secteurs les plus enclins à recruter sont le plus souvent ceux de la restauration collective, classique, d’entretien des locaux ou de mise en rayons dans la grande distribution. Plus rarement mais pas impossible, l’industrie, le conditionnement.