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Rédaction Marseille

Publié le

19 mai 2025 à 14h01

Avec le tatouage, longtemps marginalisé mais aujourd’hui banalisé, ce sont de multiples « histoires de la Méditerranée » que le musée du Centre de la Vieille Charité, dans le 2e arrondissement de Marseille, offre à ses visiteurs.

Du taulard viriliste à la « cagole » à l’hyper-féminité affirmée, cette exposition ouverte jusqu’au 28 septembre 2025 remonte aux racines d’une pratique devenue politique.

Une culture ancienne largement adoptée

Vidéo de momies égyptiennes tatouées, menhir de l’Aveyron de 3 000 à 2 000 ans avant notre ère, minuscule amphore venue de Rhodes vieille de quelque 8 000 ans : parmi les quelque 275 objets de cette exposition, plusieurs témoignent de l’ancienneté d’une culture aujourd’hui adoptée par le grand public.

Au fil d’un parcours à la fois chronologique et thématique, sont exposées de nombreuses facettes du tatouage, qu’il soit :

  • Religieux, revenu en force après son interdiction par l’empereur Constantin,
  • Revendicatif, comme l’illustre la photo de ce supporter de l’OM portant l’amour de son club gravé dans sa chair,
  • Politique, comme ceux des membres du groupe Aouchem, en Algérie, autour de Samta Benyahia et Denis Martinez.

Vidéos : en ce moment sur Actu« Des études postcoloniales »

« Avec ‘Tatouage, histoires de la Méditerranée’, c’est l’histoire fragmentée du tatouage autour du bassin méditerranéen que nous avons essayé de retracer », explique Nicolas Misery, directeur général des musées de Marseille et commissaire général de l’exposition, revendiquant au passage « les apports des études de genre et des études postcoloniales ».

Dans une des salles, le visiteur voit ainsi s’affronter deux versions d’une même réalité : d’un côté les portraits en noir et blanc de femmes amazighs, en Kabylie, par Marc Garanger, en 1960 ; de l’autre, « Les Princesses », les visages de ces mêmes femmes transfigurés par l’artiste algérienne Dalila Dalléas Bouzar.

« Femmes, vie, liberté »

Parfois imposé, aux esclaves à l’époque de l’empire romain par exemple, régulièrement associé aux milieux interlopes, le tatouage est désormais un véritable moyen d’expression, voire de revendication. En témoignent les photos par Gaëlle Matata de Miss Cagole 2024, Lisa Granado, où l’artiste rend hommage à « un nouveau modèle sociétal à l’heure de #MeToo ».

Expression longtemps d’une virilité exacerbée, se tatouer la peau est aussi désormais une posture véritablement politique, comme chez l’artiste iranien exilé Alireza Shojaian et ses tableaux qui proposent des « représentations alternatives de la masculinité, sensibles, queers et engagées ».

Le
« Sharok et Arthur » de la série « Sous le ciel de Shiraz ». (©Document remis à actu Marseille / Alireza Shojaian)

Via Sharok, son modèle, autre Iranien réfugié lui à Los Angeles, travailleur du sexe, acteur pornographique et militant pour la défense des droits des communautés LGBTQIA +, il défend aussi la liberté d’expression dans son pays natal. Comme dans ce portrait où le massif lutteur exhibe son dernier tatouage sur le torse, le slogan « Femmes, vie, liberté ».

Monick, la première tatoueuse de Marseille

Politique, revendicatif ou simple affirmation de soi, le tatouage a en tout cas été largement récupéré par la mode aujourd’hui, comme l’illustrent deux créations : une sublime robe signée du designer parisien Yacine Aouadi et portée par l’actrice australienne Cate Blanchett pour la première du film Carol en 2015, ou un vêtement dessiné par Jean-Paul Gaultier.

Tout au long de l’exposition, au cœur du quartier populaire et « trendy » du Panier, ce sont aussi les relations entre la cité phocéenne et l’art du tatouage qui sont illustrées, avec notamment, dès la première salle, l’enseigne et les « outils » de ce qui fut l’atelier de Monick, la première tatoueuse professionnelle de la ville, des années 1970 à 2016.

Soulignant « le rapport charnel entre Marseille et le tatouage », devant la presse, le maire de la ville, Benoît Payan, s’est félicité au passage du grand nombre de prêteurs pour cette exposition, entre la cinquantaine d’œuvres venues du musée du quai Branly à Paris, mais aussi celles arrivées du Rijksmuseum à Amsterdam, de la Glyptothek à Munich et même du musée national d’histoire de l’Ukraine à Kiev.

Avec AFP

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