Pourquoi a-t-il été si important de changer le nom et le logo ?
« Quand je suis arrivée ici, l‘équipe des femmes était secondaire à celle des hommes. Sur le plan sportif, un staff de seulement 11 personnes leur était dédié. Toutes les autres ressources étaient partagées. Et ce n’est pas, selon moi, une façon de développer l’équipe féminine qui est la meilleure de l’histoire, et qui méritait davantage d’attention et de moyens. Elle ne peut pas être juste une petite sœur de la section masculine. Elle doit disposer de ses propres terrains, de ses propres installations de pointe. Et donc de sa propre identité que nous voulions créer et donner à notre équipe. Nous l’avons fait dans le contexte de l’OL parce que nous sommes nés dans la famille de l’OL et que nous en faisons partie. Il n’est pas question de remettre en cause cet héritage. L’équipe féminine est née et a grandi avec l’OL. Nous en faisons et nous en ferons toujours partie. »
« Nouvelle histoire, même légende »
Le nouveau nom OL Lyonnes répond à cet objectif ?
« Cette nouvelle identité s’accompagne d’un slogan fort : « Nouvelle histoire, même légende » et d’un nouveau logo qu’OL Lyonnes arborera fièrement dès la prochaine saison. Nous utilisons les mêmes couleurs rouge et bleu emblématiques du club. Nous avons changé le lion pour lui donner une version plus féminine. C’est pourquoi ce logo représente une tête de lionne rugissante également surmontée d’une couronne qui est le symbole d’un succès passé… et à venir. En remplaçant le i de Lionnes par un y, nous voulons que tout le monde comprenne que nous sommes des Lyonnaises, avec notre propre identité. Ce nom d’OL Lyonnes est donc un tout : nous faisons à la fois partie de la famille OL et de la ville de Lyon. »
Le nouveau logo de l’OL Lyonnes. Photo OL Lyonnes
Le lien va donc rester fort entre la nouvelle identité et l’histoire de Lyon et de l’OL ?
« Absolument. Nous cherchons à faire le lien avec l’histoire, l’héritage, et nous n’oublions pas d’où nous venons. C’est aussi pourquoi nous avons choisi de nous établir au Groupama Stadium. Dès la saison prochaine, OL Lyonnes y disputera tous ses matchs de championnat, de Ligue des champions et de Coupe de France dans ce stade familial qui répond à nos besoins et nos attentes. Nous faisons toujours partie de l’OL mais c’est un peu comme dans une famille où les enfants grandissent et deviennent indépendants. »
« On travaille toujours sur un nouveau stade »
Est-ce qu’en vous établissant au Groupama Stadium, vous avez renoncé à votre projet de construction de stade ?
« Nous travaillons toujours sur cette possibilité de construire un stade de 20 ou 25 000 places car un stade de 57 000 places est effectivement surdimensionné. Mais il nous fallait une solution qui soit rapide. On ne pouvait pas attendre 3, 4, 5, 6 ans. C’est en tout cas une décision historique puisque OL Lyonnes deviendra la première équipe féminine en Europe à établir son domicile permanent dans un stade jusque-là réservé au football masculin. Cet accord symbolise aussi une volonté commune de bâtir un environnement innovant où les deux entités se soutiennent dans une dynamique de croissance partagée. »
Vincent Ponsot, directeur général : « Alterner le Groupama Stadium et le terrain du centre d’entraînement est problématique. C’est très compliqué, au centre d’entraînement, de construire une expérience client pour les fans et de les fidéliser. Le fait d’avoir l’accord sur le Groupama Stadium pour les prochaines années va nous permettre de continuer à travailler, avec le maire de Lyon, sur un projet de stade plus petit avec une capacité complètement adaptée à l‘équipe féminine. La réflexion est complexe car en tout état de cause, on veut jouer les grands matchs dans un stade comme le Groupama Stadium. Après, il y a effectivement ces matchs plus intermédiaires où il faudra se poser la question de la bonne capacité. »
Pourquoi les autres projets, comme Gerland qui aurait été partagé avec le Lou, ou encore les sites de La Duchère et de Vénissieux avec l’ancien stade de rugby, n’ont-ils pas abouti ?
« Je ne pense pas qu’ils ont échoué. On a juste décidé, parmi toutes les alternatives que l’on a explorées, que le Groupama Stadium est pour le moment la meilleure solution. C’est un stade au top. Gerland avait une pelouse artificielle et nos joueuses doivent jouer sur une pelouse naturelle. C’est mieux aussi pour nous de rester en tant que la famille OL. Les hommes et les femmes jouent au même endroit et seront sur un même pied d’égalité. Cela préserve la famille OL. On reste tous ensemble. L’argent que j’investis le sera pour l’OL, et non dans un autre endroit. On a donc pensé que c‘était la meilleure solution, mais encore une fois, il ne faut pas parler d’échec des autres options. Avec cet accord, on se donne le temps de travailler un projet qui va nécessairement prendre quelques années. »
« On veut construire une expérience unique pour nos fans »
Comment attirer davantage de public vers le foot féminin, malgré tous les efforts déjà consentis ?
« Depuis le premier jour, nous avons commencé à travailler pour construire une communauté de fans en s’adressant à des cibles comme les familles avec des enfants. Notre objectif, c’est de créer une expérience partagée avec l‘équipe féminine qui joue et qui gagne. Ce n’est pas seulement 90 minutes de match. C’est une expérience avant, pendant et après le match.
Nous voulons créer des expériences uniques pour que les fans puissent s’amuser toute l’après-midi plutôt que de juste regarder un match. Si je peux prendre l’expérience de Washington comme exemple, ça a probablement pris deux ans pour se développer. Mais on remplit maintenant le stade et les fans sont incroyablement enthousiastes. Le stade, qui s’appelait Audi, est devenu le « Rowdy Audi » en référence aux supporters qui encouragent très bruyamment leur équipe. On veut développer la même expérience ici même si cela prendra du temps. »
Quel est votre point de vue sur la manière dont on considère le foot féminin en France ? Qu’est-ce qui manque encore ?
« Je pense que la communication est très importante. Beaucoup de gens ne savent pas que leur équipe a une équipe féminine ou alors pensaient que c’étaient des amatrices. Quand je suis arrivée, j’ai demandé à nos fans de venir voir les matchs des féminines. Et ils m’ont répondu qu’elles allaient gagner de toute façon. Nous avons fait des sondages auprès des fans actuels et futurs. Beaucoup de gens me disent que les matchs des femmes ne sont pas aussi intéressants que ceux des hommes. Ou tout simplement qu’ils ne sont pas intéressés par les sports féminins. Je leur dis qu’il faut juste venir à un match. Je leur donne le billet. Venez au stade et regardez au moins une fois. Je suis absolument convaincue que vous changerez d’avis. Et je vous dirais même que beaucoup ont été convaincus. C’est d’ailleurs comme ça que je l’ai été.
Nous avons regardé toutes nos bases de fans, et nous nous sommes demandé : qu’est-ce qui leur permettrait de venir ? Et nous avons un plan. Avec beaucoup de communication, des opportunités d’expérimenter les matchs au Groupama Stadium, avec le centre d’entraînement, dans un environnement professionnel, je pense que nous allons commencer à faire la différence. »
« Vous jouez au centre d’entraînement, donc les gens pensent que c’est une Ligue mineure »
Comment changer cette mentalité ?
« C’est ce qui nous motive. Actuellement, c’est un cercle vicieux. Parce qu’il n’y a pas d’argent, vous n’investissez pas. Vous jouez au centre d’entraînement donc les gens pensent que c’est une ligue mineure, voire du football amateur. À un moment donné, quelqu’un doit venir et dire « Ok stop. Nous allons jouer au Groupama, nous allons avoir un centre d’entraînement dédié aux féminines et montrer que c’est professionnel. » Si nous ne nous valorisons pas, surtout nous en tant que femmes, qui va le faire ? Il faut commencer à investir, faire en sorte que les filles ne soient pas secondaires par rapport à l‘équipe masculine. C’est pourquoi nous devons investir, pour montrer qu’il y a un chemin. »
Est-ce que l’OL n’est pas un peu trop seul, à France, à avoir des ambitions dans un championnat qui manque d’attractivité ?
« Ce n’est pas tout à fait vrai. Regardez ce que le Paris FC est parvenu à faire cette saison. Je ne pense pas qu’ils ont investi comme nous l’avons fait, mais ils sont très compétitifs. Le PSG est toujours là aussi. Bien sûr, je voudrais que les choses aillent encore plus vite mais je suis très optimiste car nous allons dans la bonne direction. Cela prend du temps mais ce que nous avons fait à l’OL a ouvert une voie. »
Vincent Ponsot : « On a vu cette saison que Nantes et Strasbourg ont fait de très belles choses. Et Strasbourg, grâce à son lien avec Chelsea, veut continuer de développer son équipe féminine. On a également Marseille et Lens qui sont promus cette saison, et on sait que l’OM aura des ambitions. Comme la Ligue l’a indiqué il y a quelques jours, la ministre des Sports va faire évoluer la loi pour permettre l’arrivée d’un plus grand nombre d’investisseurs extérieurs. »
« Nos joueuses ne jouent pas pour la charité »
Dans le football féminin aujourd’hui, il n’y a pas forcément d’argent à gagner. Qu’est ce qui vous motive à investir autant ?
(Elle rit.) « Globalement, le sport, ce n’est pas très rentable. Il n’y a que quelques sports masculins qui le sont. Une des choses qui rend le sport rentable, ce sont les droits télé. Donc, si vous n’en avez pas… Regardez les équipes masculines en France en ce moment, avec le problème des droits télé. Eux aussi ont beaucoup de défis à surmonter. Donc, rendre les sports rentables, c’est extrêmement challengeant pour tout le monde, pas seulement pour les équipes féminines. Mais nous avons un plan pour le faire. La viabilité commerciale est très importante pour les femmes. Mais comme je l’ai dit, les sports féminins ne sont pas de la charité. Nos joueuses ne jouent pas pour la charité.
La viabilité financière et commerciale est très importante. Mais ce n’est pas différent de la Silicon Valley où il y a beaucoup de startups technologiques. Pas tout le monde fait de l’argent. Beaucoup d’entreprises qui ont des grands noms ne sont pas encore rentables. Mais, vous savez peut-être qu’ils y arriveront. Certaines ne pourront jamais y arriver, mais d’autres oui. Nous considérons absolument la viabilité financière et commerciale très importante et nous y arriverons. »