Par

Inès Cussac

Publié le

19 mai 2025 à 18h18

Certains y voient un abordage, d’autres un accostage. Sur le quai aux Fleurs de l’île de la Cité (4e), la verdure débarque. La plantation de 30 arbres dans un espace si minéral vient bousculer un équilibre, selon les uns. Elle permet de rafraîchir enfin ces trottoirs insulaires, considérés comme îlot de chaleur, pour les autres. Le tronçon de 300 mètres, longeant la Seine entre le pont de l’Arcole et la passerelle Saint-Louis, figure parmi les projets menés par la mairie de Paris Centre pour végétaliser son arrondissement. Les travaux commencés à l’automne dernier avant l’inauguration, jeudi 15 mai 2025, ont permis d’enraciner des jeunes pousses dans l’un des derniers coins de la capitale encore apte à cela. Tunnels du métro, parkings, réseaux souterrains… « Paris est un vrai gruyère », illustre Ariel Weil, le maire. « C’est compliqué de trouver un endroit propice pour planter des arbres, il n’en reste que trois ou quatre. » Avec ce nouvel aménagement, la mairie veut aussi faire revenir les piétons sur ces quais.

Des vélos contre des voitures

« Pendant les discussions [menées avec les habitants et la préfecture de Police, ndlr], il y avait deux camps : ceux qui voulaient des plantations d’arbres au maximum et ceux plus inquiets et opposés », se souvient Raphaëlle Rémy-Leleu, déléguée de Paris Centre aux grands projets de végétalisation. À l’image de Christophe, un riverain pour qui « la plantation d’arbres à outrance » ne convainc pas face à la diminution des espaces dédiés aux véhicules et la modification du paysage. « Pour ceux qui y habitent et ceux en face de la Seine, cela ne va pas. Ils auraient pu mettre des petites haies le long des balustrades », propose-t-il avant d’assurer que « des îliens mécontents, il y en a beaucoup ». « Pour le stationnement, on est dans l’équilibre. On aurait pu supprimer toutes les places », balaie Ariel Weil. « C’est autant de places gagnées pour les arbres et les piétons. » Près de 600 mètres carrés supplémentaires ont été dédiés aux badauds grâce à la réduction de la chaussée à 5 mètres et l’élargissement des trottoirs d’un mètre. 67 places de stationnement automobile ont été retirées mais 80 autres ont été créées pour les vélos.

Et pour la vue, les fresnes de Pennsylvanie et les féviers d’Amérique ont été choisis pour leur « feuillage pas trop dense, à la demande des habitants ». Ils ont par ailleurs été sélectionnés pour leur robustesse au milieu urbain, leur résistance à la chaleur et aux épisodes de froid et aux environnements étroits. Disposées en alternance pour limiter les contagions en cas de maladie sur une pousse, les deux essences devraient ainsi vivre suffisamment longtemps pour atteindre une vingtaine de mètres de hauteur.

Végétaliser cette « cité administrative »

« Il y a toujours des arbitrages à effectuer entre les différentes contraintes », indique le premier édile. Outre les discussions avec les habitants de l’île de la Cité, la mairie a dû travailler en collaboration avec la préfecture de Police et les Architectes des bâtiments de France (ABF) pour végétaliser cet axe historique du cœur de Paris. Le premier réclamait notamment des places de stationnement réservées pour les véhicules de police. Le second regardait l’aspect esthétique du projet. Le revêtement des trottoirs a par exemple été abordé. « Quand on pose de l’asphalte, on essaie d’en mettre un clair pour limiter l’absorption de la chaleur. Mais les ABF considèrent qu’il faut défendre le bitume foncé pour préserver le ‘gris parisien’ que l’on trouve sur les trottoirs ou les toits des immeubles », fait remarquer Ariel Weil.

Le quai aux Fleurs figure parmi les projets menés par la municipalité pour végétaliser l’île où sont installés le Palais de Justice et la préfecture de Police. « Depuis Haussmann, elle est devenue une cité administrative assez froide », témoigne le maire. Le réaménagement du marché aux fleurs ou du parvis de la cathédrale Notre-Dame -le fameux projet Bas Smets– visent à « rendre l’île aux piétons ». Et Barbara, une riveraine installée depuis 15 ans ici, d’approuver : « Je cours ici tous les matins et je trouve qu’il y a plus de monde qu’avant. Et puis c’est mieux d’installer des arbres que des parasols. »

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