Compter les népo babys sur le tapis rouge de Wes Anderson, jongler avec l’envie de se faire tatouer (une palme ? le logo de la ville de Cannes ? le visage de Thierry Frémaux ?), tenter de détecter les articles de presse people écrits par ChatGPT… A croire que le Libé Cannes crew, par ailleurs affairé à courir en tous sens pour ne louper aucune projo, n’a pas trouvé LE film à émotions sismiques ces dernières vingt-quatre heures avec lequel nourrir intelligemment sa conversation. Et c’est pas faute d’être allés se faire rouler dessus par le nouveau film pénible de Julia Ducournau, Alpha (critique à lire sur le site à 00h40). Pas de panique, tout le monde tient le choc, même si dans le pool critique, il y en a déjà un qui s’est remis à l’alcool en plongeant son visage dans une bassine de Spritz et un autre au gluten via injection intraveineuse de pizza Margherita.

Entroncamento de Pedro Cabeleira. Le film choral retrace le quotidien de petits voyous qui rêvent grand, pris tour à tour dans des règlements de comptes et conflits de loyauté, dans une petite ville du Portugal. «Entroncamento», à quel larcin se vouer

Nino de Pauline Loquès. Dans le touchant premier long métrage de Pauline Loquès, un jeune homme apprend être atteint d’un cancer de la gorge mais ne parvient pas à en parler à ses proches. «Nino» trouve les mots pour le pire

Miroirs No. 3 de Christian Petzold. Jouant du mystère et des non-dits, le réalisateur explore la subtilité des relations humaines au sein d’une famille recueillant une jeune femme rescapée d’un accident de la route. «Miroirs No. 3», beau de gamme

My Father’s Shadow d’Akinola Davies. Escapade de deux gamins et leur père à Lagos violemment interrompue par le coup d’Etat de 1993, le très beau film du Nigérian Akinola Davies subjugue. «My Father’s Shadow», inspiré de stupéfaits réels

Les Aigles de la République de Tarik Saleh. Après «Le Caire confidentiel» et «la Conspiration du Caire», Tarik Saleh signe une satire politique assez classique, hommage à l’âge d’or du cinéma égyptien. Tarik Saleh déploie ses «Aigles»

Passé derrière la caméra pour le formidable «Urchin», l’acteur britannique Harris Dickinson, serein et bouillonnant, aime profondément les gens. Harris Dickinson, franc feu

Avec ses 3,3 millions d’abonnés TikTok, et 940 000 sur YouTube, la très suivie Laurie alias «Mlle_fantazia», 25 ans, se met en scène dans des fictions où elle tient tous les rôles autour de thèmes choisis avec ses followers.

Mater les échecs. C’est Cannes, pour survivre au chaos ambiant, il faut savoir rester imperturbable. Par exemple si vous croisez un petit chien accrédité pour de vrai, son badge avec prénom et nom de famille autour du cou, un sosie de Patrick Sébastien version monoï ou un homme qui tente d’arnaquer le touriste en prétendant à grand renfort d’effets sonores qu’un chat est coincé dans une poubelle. Alors pour être sûr d’adopter la parfaite attitude, l’idéal est de prendre exemple sur les plus imperturbables d’entre tous : les joueurs d’échecs de la Croisette. Installés sur le front de mer, en face de l’hôtel Marriott, ils sont une petite bande de vieux cannois à venir régulièrement, la plupart même tous les jours. Ils croisent au moment du Festival des joueurs venus du monde entier. Notre reportage.

Deal. La plateforme Mubi semble bien positionnée selon Hollywood Reporter pour avoir conclu au marché du film le plus gros contrat de distribution. Ils se sont jetés sur Die, My Love de Lynne Ramsay, le film avec Jennifer Lawrence et Robert Pattinson en arrachant pour 24 millions de dollars (21 millions d’euros) les droits de distribution pour l’Amérique du Nord, le Royaume-Uni, l’Inde et d’autres territoires. Le chiffre est élevé dans un contexte de frilosité, les menaces de taxes de Trump ayant eu effet de freinage sur l’enthousiasme des professionnels à cramer la carte bleue.

VIP. Isabelle Huppert, Julianne Moore, Virginie Efira, Pierre Niney, Charli XCX, la ministre de la Culture, Rachida Dati, et des dizaines d’autres personnalités étaient les invités du très sélect dîner «Women in motion», honorant cette année Nicole Kidman. Lancé il y a dix ans en partenariat avec le Festival, il s’agit officiellement de valoriser les femmes du cinéma mais comme c’est le groupe Kering qui est à la manoeuvre, on est surtout sur un pic de mondanités très exclusives. A telle enseigne que les hauteurs du quartier historique du Suquet étaient interdites à la circulation publique par arrêté préfectoral dimanche soir, des vigiles vous empêchant de passer à vélo ou de promener votre teckel tandis que les grandes berlines noires aux vitres teintées glissaient vers les agapes princières rincées par François Pinault.

Le jeu est simple : on vous donne un extrait d’une critique ciné parue dans Libération à l’époque, à vous de retrouver de quel film il s’agit !

«On peut se demander dans quelle mesure on ne s’est pas malencontreusement trouvé écarté d’une distribution, avant la projection, de pilules de l’amour, qui, telles des lunettes 3D, nous auraient permis d’entrer en symbiose avec ce psychodrame peinturluré, gonflé à bloc par l’exploit tranquille d’avoir rassemblé dans la même kitchenette cinq des stars les plus bankables du cinéma français.»

On s’accroche bien aux accoudoirs, Oncle Spike Lee est en ville avec Highest 2 Lowest (hors compétition), présenté comme une revisite d’Entre le ciel et l’enfer d’Akira Kurosawa, où une sommité de la musique est ciblée par une demande de rançon. Denzel Washington et A$AP Rocky sont de la partie, pas le casting le plus dégueu de la sélection.

En compétition se révèlera Un simple accident du dissident Jafar Panahi, toujours expert en contournement de son interdiction de filmer malgré les persécutions du régime iranien. Aucun élément de synopsis n’a filtré sur le film, qui sera considéré avec d’autant plus d’attention que le cinéaste multprimé et révolté n’a jamais reçu de palme d’or.

Pour compléter le tableau : Fuori de Mario Martone (compète) nous emmènera dans le Rome des années 1980, pour un biopic de Goliarda Sapienza autrice de l’Art de la joie. A la Quinzaine, l’humoriste Thomas Njigol, jamais vu dans un autre registre que la comédie, pourrait créer la surprise avec Indomptables, polar 100 % hardboiled situé au Cameroun et librement adapté d’un doc sur un crime réel. Et l’on trouvera beaucoup d’autres frenchies sur la corde à linge, avec Antony Cordier (Classe moyenne, Quinzaine) et Hubert Charuel (Météors, Un certain regard), de retour après le succès de Petit Paysan.