Elle porte la parole de l’adolescence volée, blessée, fracturée dans un monde qui perd ses repères. Depuis 2023 et Il faudra que tu m’aimes le jour où j’aimerai pour la première fois sans toi -création en partenariat avec la Scène nationale Châteauvallon Liberté- La Seynoise Alexandra Cismondi nourrit la mémoire collective par le prisme d’une jeunesse aux maux lourds de sens. Symptomes d’une vérité que parfois, on n’entend pas. Qu’on ne veut pas entendre. Un texte fort autour d’une famille frappée par le deuil, après la mort tragique de son ado dans des circonstances dramatiques. Suit l’absence avec laquelle il faut apprendre à vivre. Un propos porté par une mise en scène entre conte et poésie de l’absurde, comme Alexandra Cismondi aime faire résonner sa parole.

Aujourd’hui, l’artiste poursuit, avec sa compagnie Vertiges, sa crise d’adolescence avec deux formats courts, nés de cette famille en deuil. « Le spectacle a été joué trois semaines au théâtre Paris-Villette, qui m’a proposé aussi d’adapter le texte et la mise en scène pour le jouer dans les collèges et les lycées », explique-t-elle.

Elle se prête au jeu de la recomposition à travers une master class – là encore proposée par le théâtre Paris-Villette – avec des jeunes étudiants tout juste sortis de l’école de théâtre.

Thèmes du spectacle, chutes de textes, scènes coupées nourrissent la matière: « C’est hyperintéressant pour un artiste, parce que du coup, tu re-rentres dans la création un an deux ans plus tard. Tu replonges et tu te rends compte des points que tu avais choisi de ne pas explorer… », confie Alexandra Cismondi. Une nouvelle introspection dans l’écriture qui aboutit à deux formats courts de trente minutes environ.

C’est quoi « être ensemble »?

Sur scène, cinq des jeunes comédiens, avec qui elle a travaillé en master class, enchaînent les rôles dans ces deux épisodes de la vie de quelques collégiens/lycéens qui s’engagent, cherchent, balbutient, hurlent. Ces jeunes gens (et leurs professeurs baroques, follement investis et/ou totalement déprimés) trouvent que la langue dit trop ou pas assez. Qu’il faut aussi agir, que l’époque dévaste, que personne ne fait rien, que l’amour ne commence pas toujours sur des lèvres. Et ils découvrent autour d’un événement, d’une action, d’un cours d’éducation sexuelle ou d’empathie la force du groupe.

Et puis surtout, c’est quoi être ensemble? Faire expérience ensemble? Décider de changer les choses et peut-être réparer ensemble? Pour porter ce propos, Alexandra Cismondi en appelle à son univers scénique baroque et un brin barré, haut en couleur… Pour rire, s’émouvoir, s’interroger surtout. « Il faudra (vraiment) que l’on s’aime très fort pour continuer à faire tenir le monde dans le lequel on vit. » Sans y perdre l’esprit.

En tournée l’an prochain

Destiné à être joué en collèges et lycées, Il faudra que l’on s’aime touche cependant tout le monde, raison pour laquelle il est présenté mercredi 21 mai à tous les publics (à partir de 14 ans) à l’Espace Tisot à La Seyne.

Fort d’un partenariat avec la Scène nationale Châteauvallon-Liberté, le spectacle sera en tournée en octobre prochain dans les établissements scolaires.

Il sera également proposé par Le Pôle en décembre, puis Le Carré Sainte-Maxime au printemps 2026.

, écrit et mis en scène par Alexandra Cismondi, le 21 mai à 20h30à l’Espace Tisot à la Seyne. avec Lea Casadamont, Ella Grizard, Come Luquet, Marie-Lou Nessi, Elio Massignat. Musiques: Benoît Olive / Cyril Colombo. Régie lumière: Yann Gobert. Une coproduction Vertiges Cie et le Théâtre Paris Villette. Tarifs: 15 euros. Res. 04.94.06.94.77.

Un roman en 2026

Artiste plurisdisciplinaire, Alexandra Cismondi explore l’écriture sous une autre forme: un roman, à paraître l’année prochaine aux éditions Anne Carrière. L’histoire d’une jeune femme qui perd l’être qu’elle aime dans un terrible accident de scooter. Une expérience que l’autrice a elle-même vécue à Paris. Entre les souvenirs d’une vie rêvée et la réalité, on remonte le fil du temps, au moment de leur rencontre. « Et c’est toute l’histoire d’une découverte d’une identité sexuelle, de genre et de vie et de positionnement social et familial dans les années 2000, en fait, de 2000 à 2007, qui sont des années dans lesquelles le mariage gay n’est pas autorisé… » confie Alexandra Cismondi. Un roman de fiction, féministe mais empreint de la propre vie de son autrice, qui interroge aussi sur comment devenir une femme d’aujourd’hui quand on ne sait pas du tout qui on est.

En attendant, la comédienne est aussi au casting du programme court Interim’air, sur Teva. Une série produite par Dominique Farrugia, écrite et interprétée par joséphine Draï. « elle a su recréer une famille de comédiens, une bande à la manière du Splendid », salue Alexandra Cismondi, qui joue mais a également coécrit certaines scènes.


Alexandra Cismondi.
Photo Olivier Allard.

Sa prochaine création sera « Magistra.l.e.s »

Il est au casting d’Il faudra que l’on s’aime: Elio Massignat sera huissier, greffier, accusé, coupable, amant, une sorte de M. Loyal aussi dans la prochaine création théâtrale d’Alexandra Cismondi. Magistral.e.s. L’histoire d’un procès pour viol sur une jeune fille de 11 ans.

L’affaire Sarah, ou l’affaire dite de Pontoise dans les médias, remonte à 2017. C’est une jeune fille de 11 ans violée par un homme de 28 ans. « La jeune fille dira pendant le procès qu’il ne pouvait pas savoir qu’elle n’était pas consentante parce qu’elle n’a jamais dit non, l’homme dira qu’il ne savait pas qu’elle n’avait que 11 ans parce qu’elle a l’allure d’une jeune fille de 16 ans. » Condamné une première fois à huit ans de prison, il sera rejugé en appel et verra sa peine réduite. Cette affaire avait déclenché le changement de seuil du consentement dans la loi.

En travaillant sur ce projet, Alexandra Cismondi s’est rendue compte que 86% des métiers de la justice étaient occupés par des femmes « ce sont les femmes qui font tourner la machine judiciaire. Je me suis intéressée à ces figures de femmes et j’ai créé un casting où on va avoir une juge d’instruction, une avocate générale ou procureure de la République, une avocate de la Défense et une avocate des parties civiles… » et un seul homme: l’accusé.

« J’aime l’idée d’une pièce qui remet vraiment le théâtre au milieu de la cité »

Surtout, Alexandra Cismondi va faire rejouer tous les soirs, au plateau, le procès. Certains spectateurs, comédiens amateurs seront appelés à la barre pour témoigner en qualité d’enquêteur, d’avocat, de représentant d’association féministe etc. D’autres, enfin, seront choisis de façon totalement arbitraire, pour endosser le rôle de juré. Et de juger l’accusé. « J’aime l’idée d’une pièce qui remet vraiment le théâtre au milieu de la cité, comme dans l’antiquité grecque. » Cette nouvelle création devrait être proposée à l’automne 2026.K.M.

Cette création est soutenue par la Scène nationale Châteauvallon- Liberté, Le Pôle, le Théâtre des Halles à Avignon, la Scène nationale de Martigues, la scène nationale de la passerelle à Gap, le théâtre Paris-Villette à Paris.


Photo DR.