Sa monture de lunettes est orange flashy, sa chemise vert éclatant… Marie-Gaëlle Le Pajolec aime les couleurs. Peut-être ce penchant relève-t-il même d’un profond déterminisme biologique puisque le sujet de sa thèse de doctorante était déjà consacré à un gène de la… truite arc-en-ciel. Dès qu’il s’agit de génétique, l’experte nantaise est comme un poisson dans l’eau.

« Un boulot qui ait du sens »

Marie-Gaëlle Le Pajolec n’a pas d’emblée frayé parmi les scellés de dossiers criminels. Elle a fait son apprentissage au sein du premier labo de génétique moléculaire breton, à Rennes. La jeune doctorante originaire de Landivisiau (29) avait deux anges gardiens : les généticiens Jean-Paul Le Pennec et Jean-Paul Moisan. « Mes deux Jean-Paul », sourit-elle. Le second va bientôt créer un labo de diagnostic de maladie génétique au sein du CHU de Nantes. Nous sommes en 1990. Marie-Gaëlle Le Pajolec a 27 ans. Elle cherche « un boulot qui ait du sens ».

« C’est arrivé comme une technique miraculeuse »

Elle passera dix années au sein de ce labo nantais, chargée du suivi des gènes déficients au sein de familles de malades atteints de la myopathie de Duchenne et de la mucoviscidose. Curieuse de tout, elle a un œil outre-Manche, où, dans le milieu des années 1980, un généticien, Alec Jeffreys, a développé une technique d’empreinte génétique en visualisant les séquences répétées, variables selon les individus, de l’acide désoxyribonucléique. « C’est arrivé comme une technique miraculeuse », se souvient-elle.

« Les disparus de Mourmelon »

La découverte, vertigineuse, n’a pas non plus échappé au généticien Jean-Paul Moisan. Il fonde l’IGNA (Institut génétique Nantes Atlantique), en 2003, et la débauche. L’équipe, constituée de six experts, a un unique client : la Justice. Marie-Gaëlle Le Pajolec s’est portée volontaire pour la filière « urgence » : « Au lieu d’un ou deux mois, là on traitait les dossiers judiciaires en une semaine ». Son premier dossier ? Analyser des centaines d’éléments pileux retrouvés dans le fourgon d’un certain Pierre Chanal. Elle identifie l’ADN mitochondrial de quatre appelés du contingent, de ceux qu’on surnommera « les disparus de Mourmelon ».

« J’entendais le procureur reprendre mes mots »

L’adjudant Chanal se suicidera avant son procès. Marie-Gaëlle Le Pajolec, elle, a déjà quitté la Marne pour l’Yonne : à partir de crânes retrouvés sur les berges du Serein, elle identifie plusieurs victimes d’un autre tueur en série : Émile Louis.

Puis ce furent les liens du petit Grégory, la recherche d’empreintes génétiques d’Estelle Mouzin, la disparition du docteur Godard, le meurtre d’Élodie Kulik… Marie-Gaëlle Le Pajolec est de toutes les grandes affaires criminelles. « Il m’est arrivé de téléphoner mes résultats au procureur à 17 h. Le lendemain, je mettais la radio en me lavant les dents et je l’entendais reprendre mes mots. C’était drôle ! », s’amuse-t-elle.

« Le prédateur des bois »

Après le décès accidentel de Jean-Paul Moisan en 2012, Marie-Gaëlle Le Pajolec est devenue codirectrice de l’IGNA. Quatre-vingts employés y réceptionnent des milliers de dossiers chaque année. L’expertise n’occupe plus que 50 % de son temps. Elle a tout de même participé au premier dossier français qui a eu recours, grâce à l’appui des États-Unis, à l’ADN de parentèle (qui permet de « matcher » avec des membres d’un même arbre généalogique). Il a permis de confondre « le prédateur des bois », auteur de cinq viols, entre 1998 et 2008, en Charente-Maritime et en région parisienne.

« Il y a des limites » à l’ADN

Tous les ADN à ce jour non identifiés sont conservés dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques. Marie-Gaëlle Le Pajolec espère « qu’ils parleront un jour ». En attendant, elle viendra, samedi, à 14 h 30, à Pleumeur-Bodou, évoquer son savoir-faire et plusieurs affaires vécues de l’intérieur. Selon elle, tous les progrès offerts par l’ADN n’ont pas encore été explorés. « Mais il y a des limites. Si le prélèvement n’a pas été fait au bon endroit, on n’aura jamais le résultat… »

Journées du crime et de la science, du 22 au 25 mai, pôle Phoenix, route du Radôme, à Pleumeur-Bodou. Entrée gratuite dans la limite des places disponibles.