Après le Parlement et la Commission, l’eurocrate maladroit Samy est propulsé dans le saint des saints le plus secret et puissant : le Conseil européen. Étincelles en vue.
« Si les spectateurs nous ont suivis dans les arcanes du Parlement européen puis de la Commission, on pouvait encore leur infliger un peu plus et les faire pénétrer dans l’institution la plus puissante et la plus secrète de l’UE : le Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et délivre les orientations politiques. C’est là où se trouvent les stars », décrypte Noé Debré. Le cocréateur de Parlement mène à bon port la comédie de bureau et sitcom avec une quatrième et ultime saison aussi drôle que remplie d’adrénaline. À savourer sur la plateforme France.tv.
Depuis qu’il a rejoint l’équipe de la commissaire française, l’ambitieuse et fourbe Valentine Cantel, le maladroit Samy (merveilleux Xavier Lacaille), ex-assistant parlementaire convaincu, a perdu la flamme. Il va la retrouver en intégrant la délégation de la Commission au sommet européen. Cette mission n’a rien d’une sinécure. Pour commencer, comment se procurer le badge et l’accréditation sécurité nécessaires pour naviguer dans ses hautes sphères ? Chargé de monter un bureau d’enquête sur les crimes environnementaux, le candide aux allures de premier de la classe affole le microcosme en comparant cette future agence au FBI américain. Pour exister, il est crucial que l’initiative soit validée par le Conseil et figure dans ses conclusions. Et ce, alors que les divisions au sein de la coalition allemande menacent de tout faire dérailler.
Nervosité et pointe de thriller
Pénétrer dans le huis clos du Conseil a donné du fil à retordre aux complices de Noé Debré, l’économiste Pierre Dorac et le juriste, conseiller politique au Parlement européen Maxime Calligaro. Les anecdotes personnelles de ces eurocrates ne suffisaient plus. Le groupe de scénaristes a dû se documenter et trouver des sources. Pas évident quand on sait que, en Conseil, les chefs d’État sont cloîtrés dans une salle dont seules trois personnes ont le droit de sortir et de prendre des notes manuscrites. « Toutes les vingt minutes, ces hauts fonctionnaires tapent et transmettent leurs comptes rendus aux représentations de chaque pays membre plusieurs étages plus bas, qui se demandent ce qui se passent et envoient des textos à leurs chefs d’État », résume Noé Debré.
Si une directive européenne met vingt-deux mois à voir le jour (l’équivalent de la gestation chez un éléphant), les Conseils se tiennent parfois en une journée. Ces 10 épisodes dégagent une nervosité inédite, façon 24 Heures chrono. La poésie et la fantaisie habituelles laissent place à un comique de situation plus physique, qui glisse vers la pantomime avec une pointe de thriller. À l’image de la scène d’ouverture de cette saison, qui voit une espionne chinoise expliquer à une consœur quelles règles démocratiques régissent la construction européenne.
« Le Parlement, c’est un joyeux bordel polyglotte ; le Conseil, c’est la force brute : les États se rentrent dedans pour essayer d’avoir le dessus. Ça ressemble à un jeu de téléréalité japonais », prévient le créateur Noé Debré. Lui et ses équipes ont obtenu la permission exceptionnelle de filmer les allées et venues d’un vrai Conseil, s’offrant des figurants prestigieux : notamment plusieurs premiers ministres. La réalisation tire aussi profit de l’architecture atypique du bâtiment en forme d’œuf. Une cage de verre aussi transparente qu’impénétrable. De quoi concocter une fin digne de ce nom à une aventure sérielle à part, aussi hilarante que pédagogique et intelligente.