Le Canadien de 36 ans a une filmographie longue comme le bras, c’est le lot de ceux qui ont commencé très jeune. Pourtant, c’est la première fois que l’acteur vu dans les succès indépendants comme Juno, SuperGrave, intègre la bande de Wes Anderson pour camper un personnage double dans cette fresque chorale, The Phoenician Scheme, menée par Benicio del Toro. Rencontre avec un petit génie du jeu.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce rôle de Bjorn?
Être invité sur un film de Wes Anderson (rires). Je crois que j’ai dit oui avant même de connaître les contours du personnage et du film. Mais en l’écoutant, j’étais tellement excité par ce cadeau offert par Wes.
Comment vous a-t-il décrit Bjorn?
En fait, il ne l’a pas fait. Il m’a simplement demandé de lire le scénario et le personnage était tellement bien écrit que tout était limpide. Une très bonne écriture vous permet de tout comprendre avant même de tourner. En connaissant le travail de Wes, je n’avais aucun doute sur la qualité du personnage.
C’est votre première collaboration avec Wes Anderson, qu’est-ce qu’il y a de spécial de travailler avec lui?
J’étais tellement excité car je savais que j’allais atterrir dans un film rempli de vie et d’amour, tellement stylé, merveilleux et maîtrisé. En tant qu’acteur, c’est un sentiment indescriptible. Wes sait exactement comment accueillir un acteur, comment l’utiliser, le mettre à l’aise. Même en étant ici, à Cannes, Wes s’occupe de nous, il nous conseille sur la manière d’appréhender ce Festival ensemble car c’est un film collectif.
Son style est très codifié, très narratif, comment cela a influencé votre jeu?
J’ai toujours adoré son travail avec Jason Schwartzman, Bill Murray ou Willem Dafoe, des rôles dans lesquels je me reconnais. J’adore la manière dont il vous fait travailler en tant qu’acteur, tout d’abord avec des bords un peu étouffés et puis ça s’ouvre avec une hyper stylisation visuelle et de la générosité. J’aime le contraste de ses films, la magie entre chaque scène. Tout est créé sur mesure pour ton personnage, le look, les textes.
Comment avez-vous travaillé votre accent?
Je l’ai travaillé un peu avant de filmer. J’en ai parlé avec Wes sur la position de la voix. On a trouvé ça au fur et à mesure. Mais j’ai quelques amis norvégiens qui ont enregistré tout le dialogue pour moi et j’utilisais leurs essais pour me perfectionner.
Qu’est-ce que ça signifie pour vous d’être en compétition officielle à Cannes?
C’est tellement excitant. Je n’ai jamais été dans un film en compétition et ça signifie beaucoup pour moi. Je pense que c’est l’épicentre du monde du film de prestige et des films qui ont un grand impact sur la culture. C’est vraiment le centre de l’univers.
Wes Anderson met en place un cinéma de troupe, collégial, quels souvenirs gardez-vous du tournage?
Une fois que tu es dans sa troupe, tu ne la quittes jamais a priori. Je ne sais pas pourquoi quelqu’un pourrait dire non à une telle aventure.
Vous avez commencé au cinéma très jeune, aviez-vous envisagé un autre avenir?
Non, je n’avais même pas pensé à une carrière. Quand j’ai commencé à jouer, c’était juste un jeu. Des cours de fin d’année que les enfants pouvaient faire. Je faisais ça avec mes amis. C’était gratifiant. Je n’étais pas bon à autre chose. Puis, j’ai commencé à obtenir des rôles mais, même à ce moment, je prenais ça pour un jeu. Ce n’était pas une carrière. Je suis juste heureux que cela soit devenu mon métier.
Est-ce que vous ressentez toujours le stress?
Je ne me sens pas très vulnérable sur un film. J’ai le sentiment de faire partie d’un ensemble fabriqué par un maître qui a le contrôle de son sujet. En revanche, c’est mon premier tapis rouge à Cannes donc il y a une forme de nervosité mais cela va durer un court instant et nous sommes nombreux sur le film, c’est une forme de protection.
Comment décrire le cinéma de Wes Anderson?
C’est du cinéma indépendant. Il n’y a pas de studio. Je veux dire, je pense que le mot « indépendant » et les films indépendants ont beaucoup de connotations. Wes est un auteur dans ce sens, où il est la seule personne qui décide comment le film sera présenté. Personne ne lui dit rien.
Ce qu’on a pensé de «The Phoenician Scheme»
On s’est réconcilié avec Wes Anderson après avoir été, un peu, déçu par Asteroid City. Comme si le natif de Houston avait retrouvé de sa superbe avec The Phoenician Scheme, nouvelle grande fresque visuelle avec une pléiade d’acteurs (il faut avoir un sacré carnet d’adresses, et une vraie amitié, pour proposer à F. Murray Abraham deux scènes et à Bill Murray un sourire). Porté par un trio aussi improbable que séduisant au sein duquel Benicio del Toro campe un milliardaire qui souhaite se racheter en évitant la mort face à Mia Threapleton (la fille de Kate Winslet) en nonne désarçonnante et un Michael Cera à l’accent norvégien et à la candeur désopilante, le film nous emballe rapidement.
La musique d’Alexandre Desplat donne le la quand la symétrie des décors et l’esthétisme global séduisent d’entrée dans ce film concentré autour d’une famille dysfonctionnelle dont le pater familias, Zsa-Zsa Corda (del Toro), tente de reconquérir sa fille perdue de longue date en déshéritant ses neuf fils.
Un film qui mêle l’humour très absurde de Wes Anderson, du comique de répétition, des distributions de grenades comme on offre des fleurs et des scènes inoubliables comme cette partie de basket-ball improvisée durant laquelle Tom Hanks fait équipe avec Bryan Cranston et dont le parallèle avec l’épisode mythique de The Office nous a sauté aux yeux. Au final, même s’il est toujours difficile de résumer un film de Wes Anderson, il est souvent question de famille dans cette aventure qui, par moments, nous a fait penser à une épopée de Tintin et dont on est ressorti le sourire aux lèvres.