Dengue, Zika, chikungunya : à eux seuls, ces trois virus transmis par les moustiques du genre Aedes (Aedes albopictus, par exemple, le moustique tigre) font des millions de victimes à travers le globe, principalement en zone tropicale. Malgré les campagnes de prévention, les efforts pour enrayer ces maladies sont insuffisants : le moustique est un vecteur très prolifique et reste difficile à éradiquer sans dommages collatéraux.

Pour contourner cette impasse, les biologistes tentent une autre méthode : agir non pas sur l’insecte lui-même, mais sur les microorganismes qui l’habitent. Parmi ces derniers, une bactérie intrigue particulièrement les chercheurs par sa capacité à altérer le comportement de reproduction son hôte : Wolbachia. Elle est présente naturellement dans de nombreux insectes, dont les drosophiles, mouches communes aussi bien dans les cuisines que dans les laboratoires de recherche. En étudiant les effets de l’infection chez des femelles drosophiles, des chercheurs de l’Arizona State University (ASU) ont découvert que Wolbachia n’agissait pas seulement sur leurs comportements reproducteurs, mais aussi sur certaines de leurs fonctions cérébrales.

Une bactérie qui colonise le cerveau et contrôle la reproduction

Wolbachia est connue pour son mode de transmission exclusivement maternel : c’est-à-dire que seules les femelles infectées peuvent la transmettre à leur descendance. Cela pousse donc la bactérie à favoriser la reproduction des femelles. Chez la drosophile, cette pression évolutive (voir notre article sur la théorie de l’évolution) provoque un curieux phénomène : celles qui se sont fait infecter deviennent plus enclines à s’accoupler, y compris avec des mâles d’autres espèces, générant ainsi des œufs hybrides, souvent non viables.

Dans leur étude publiée le 9 mai dans la revue Cell Report, l’équipe de recherche a identifié plus de 170 protéines modifiées dans le cerveau des femelles infectées, ainsi que 700 protéines directement issues de Wolbachia. La bactérie s’implante donc profondément dans les zones cérébrales associées à la prise de décision et à la reproduction. Quel rapport avec les maladies tropicales ? Nous y venons.

Un potentiel antiviral observé chez les moustiques infectés

Si l’étude se concentre sur la drosophile, c’est bien chez le moustique que cette bactérie suscite les plus grands espoirs. Des travaux antérieurs ont montré qu’elle peut aussi bloquer la réplication de virus comme le Zika ou la dengue chez des moustiques infectés par ces virus. L’objectif serait donc de diffuser Wolbachia dans les populations de moustiques vecteurs, afin de freiner leur capacité à transmettre ces virus : une lutte biologique, sans insecticides ou autres produits toxiques.

Jusqu’à présent, les essais à grande échelle n’ont pas prouvé une grande efficacité et leurs résultats furent assez mitigés. Pour Timothy Karr, professeur agrégé de recherche à l’ASU, cela peut s’expliquer par une méconnaissance de la biologie de Wolbachia. « À mon avis, la raison principale [de ce manque de succès] est que nous ne comprenons pas les fondements moléculaires de ces solutions potentielles. Nous commençons à peine à progresser. Pour guérir n’importe quelle maladie, pour maîtriser parfaitement une technique en biologie, il faut savoir qui sont les acteurs, et comment ils fonctionnent ».

L’éradication des moustiques propagateurs n’est donc pas dans le viseur ici, il s’agirait de les rendre biologiquement moins aptes à transmettre ces virus mortels. Toutefois, avant toute généralisation de cette technique, il faudra mieux comprendre les interactions avec Wolbachia et ses hôtes. C’est la base, en biologie comme en épidémiologie : comprendre, et agir ensuite. Il reste encore beaucoup de données à décrypter, mais cette étude expérimentale de l’ASU servira certainement de base à de futures recherches pour utiliser cette bactérie à bon escient.

  • Des chercheurs ont découvert qu’une bactérie modifie le cerveau et les comportements reproducteurs d’insectes femelles en les incitant à s’accoupler plus fréquemment.
  • Cette bactérie pourrait limiter la transmission de virus comme la dengue ou le Zika, en perturbant la capacité des moustiques à propager ces maladies.
  • Les résultats restent mitigés pour l’instant, faute de compréhension des mécanismes biologiques impliqués, mais la recherche progresse.

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