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Une course de six jours prestigieuse et une controverse dont tire parti la Russie qui a vu son « soft power » dans le sport affaibli depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine et une mobilisation des fédérations sportives contre la guerre.

Début mai, un athlète russe Ivan Zaborski a remporté l’ultramarathon des « Six jours de France », une épreuve pédestre de 144 heures créée par Gérard Cain en 2006 à Antibes et qui a lieu, depuis 2022, en Ardèche. 

Comme le rapporte l’agence d’État russe TASS, Zaborski a parcouru 1 047,5 kilomètres, établissant ainsi un nouveau record dans la course des six jours, le précédent étant de 1 045 kilomètres.

Selon les médias russes, l’athlète de 38 ans court des ultramarathons depuis plus de dix ans et a participé à des compétitions en Russie, en Grèce, en Italie et en Hongrie.

« Puni » pour avoir franchi la ligne « sous ses couleurs »

Le ministre russe des Sports, Mikhaïl Degtiarev, ayant débuté sa carrière politique au sain du parti nationaliste LDPR, a décrit la performance de Zaborski comme « un résultat important pour l’athlétisme russe ». 

« Pendant les six jours, il a tenu la tête de la course sans laisser la moindre chance à ses concurrents de combler l’écart. Les conditions de course n’étaient pas faciles – différences de température, (…), sommeil limité », a-t-il écrit sur sa chaîne Telegram.

« Sa performance est un exemple de volonté, de discipline et d’esprit sportif. Nous félicitons Ivan et son équipe pour leur brillante performance », a-t-il ajouté.

Onze jours plus tard, le site web de l’ »International Association of Ultrarunners » (IAU), une des organisation des ultramarathoniens, basée à Monaco, a publié un communiqué intitulé « Déclaration sur les athlètes russes et biélorusses ».

Le texte rappelle qu’ »il n’est pas interdit aux athlètes de ces deux pays d’y participer les événements labellisés par l’IAU », soulignant que seuls les athlètes russes et biélorusses « reconnus comme neutres » devraient être autorisés à participer aux compétitions.

« Enfin, toute performance d’un athlète russe ou biélorusse courant sous le drapeau national ne sera pas reconnue et ne sera pas incluse dans la liste des records de l’IAU », stipule le communiqué.

Zaborski n’a pas été explicitement mentionné dans le texte.

« Macron n’a sans doute pas pu le supporter »

En Russie, l’affaire a eu un gros retentissement.

Le coureur russe Ivan Zaborski est un « véritable patriote » et un « homme intrépide ». C’est ce qu’a déclaré, dans une interview à TASS, l’ancienne championne olympique de patinage de vitesse et députée du parti poutinien « Russie Unie », Svetlana Jourova, qui fait l’objet de sanctions internationales pour avoir soutenu l’agression russe et l’annexion de la Crimée.

Citée par Komslomolskaïa Pravda, tabloïd russe à large audience, Zaborski affirme qu’il avait « spécifiquement convenu » avec les organisateurs de la course française que son arrivée se ferait avec le drapeau russe, s’il venait à établir un nouveau record.

L’athlète a qualifié d’ »étrange » la décision de l’IAU. « Il y a beaucoup de fédérations ici, on ne peut pas tout coordonner avec chacune d’entre elles », a-t-il déclaré.

L’interview se termine par cette remarque du tabloïd : « Macron n’a sans doute pas pu le supporter. Il doit y avoir eu une directive de Paris ».

« Malheureusement, je ne peux pas faire d’autres commentaires, car il s’agit de nouvelles très récentes. (…) Ma tâche est très simple : courir et établir de nouveaux records, représenter notre pays sur la scène mondiale au plus haut niveau. Et établir de nouveaux records », a répondu Zaborski.

Dans un autre entretien, le coureur a déclaré qu’il avait participé à l’épreuve sous l’égide de la Global Organisation of Multi-Day Ultramarathoners (GOMU), qui, comme indiqué sur son site web, « reconnaît les records des courses de plusieurs jours que l’IAU ne reconnaît pas ».

« Aucune décision officielle n’a encore été prise quant à la reconnaissance du record d’Ivan Zaborski », a déclaré la GOMU, citée par TASS le mardi 20 mai.

Les internautes russes ont abondamment commenté l’affaire. Sur X, on peut trouver des commentaires dénonçant « une partialité fantastique » ou encore « la faiblesse » de l’Occident qui « craint même nos athlètes ».

Suite à l’agression russe, des milliers de sportifs et entraîneurs ukrainiens ont dû partir au front, ont fait savoir les instantes sportives de Kyiv. Plus de 500 ont été tuées, selon les données du ministère ukrainien des Affaires étrangères.

« 725 installations sportives ont été endommagées ou détruites par les attaques russes, dont 17 bases d’entraînement olympiques, paralympiques et « Deaflympics », ont précisé les diplomates ukrainiens.

« Depuis des décennies, la Russie utilise le sport à des fins de propagande. 10 des 15 athlètes russes qui ont concouru sous un drapeau neutre aux Jeux olympiques de 2024 à Paris ont soutenu publiquement la guerre ou étaient affiliés à l’armée », déplore le communiqué, soulignant que « le sport russe n’est pas séparé de l’État – c’est l’un des outils utilisés pour justifier et promouvoir l’agression ».

Irina Sheludkova a contribué à cet article.